Troisième épisode de la rubrique Nos catalogues de jouets vintage. Aujourd’hui nous restons encore une fois en 1987, toujours selon le fabriquant/distributeur Mattel. J’ai choisi d’exhumer un catalogue promotionnel qui a été réalisé afin de soutenir indirectement la gamme de jouets BraveStarr dans notre cher Hexagone.
Je dis sciemment « indirectement » car aucune déclinaison plastique des cowboys de l’espace n’apparaitra dans ce support. En effet, le contenu nous renvoie spécifiquement au dessin animé.
Pour l’occasion, un exemplaire neuf de ce catalogue publicitaire BraveStarr sera présenté en tant que spécimen. Plusieurs éléments – et même d’infimes détails – méritent d’être mis en lumière. C’est ce que je vais m’employer à faire au fil de cette production. Bonne lecture à toutes et tous.
Lorsque j’évoque la licence BraveStarr, je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine amertume. Et pour cause, c’est un univers aux qualités notables qui aurait pu rencontrer un certain succès. Ce ne fut pas le cas comme nous le savons tous et j’ai déjà abordé dans le magazine une grande partie des raisons qui expliquent ce relatif échec.
Un contexte concurrentiel en termes de jouets, des horaires de diffusion inappropriées concernant le DA, une première diffusion de ce support sur une chaine de télévision encore marginale en 1987 (Canal+) ou encore l’arrivée du Club Dorothée sur TF1 en septembre 1987 constituent des points notables parmi d’autres.
D’autres éléments me semblent cependant tout aussi importants lorsqu’on souhaite comprendre pourquoi la licence BraveStarr a connu un succès en demi-teinte. Il faut d’abord évoquer une thématique, en l’occurrence celle des cowboys qui – à mon sens – devient clairement obsolète, désuète, en 1987. Effectivement, si l’on se place du point de vue du marché U.S, l’année suivante offrira une nouvelle vision de l’action figure avec l’arrivée de la licence Tortues Ninja.
Je cite très souvent les chevaliers d’écailles et de vinyle pour illustrer un tournant dans la manière de penser la figurine articulée. Nos quatre Tortues vont apporter une certaine modernité, un vent de fraicheur très coloré et nourrie par le « fun » comme je m’amuse à dire.
L’impact sera marquant jusqu’à relayer certaines thématiques au placard, comme l’héroïc fantasy ou bien le western. La licence Skeleton Warriors est un autre exemple récurent dans mes productions car c’est un véritable cas d’école : des qualités indéniables mais un univers totalement en discordance avec les codes modernes alors en vogue. Sans compter une aura mortuaire défavorable.
Deuxième point crucial expliquant partiellement le manque d’implantation de la licence BraveStarr, le veto de Mattel sur le projet initial. En effet, Lou Scheimer a imaginé un concept qu’il a parfaitement synthétisé en une phrase très impactante : « Les enfants ne jouent plus aux cowboys et aux indiens, ils jouent aux cowboys et aux aliens ». L’idée de transposer une dimension futuriste/extra-atmosphérique dans une thématique inscrite depuis des décennies dans la culture populaire est aussi claire que pertinente.
Oui mais voilà, le géant Mattel a une fâcheuse tendance à imposer sa vision des choses, surtout lorsque celui-ci est en position de force. J’entends par là que Lou Scheimer abat sa dernière carte en 1987 avec le projet BraveStarr. En effet, la société de production Filmation est mal en point économiquement. Elle fermera d’ailleurs ses portes en 1989.
Mattel acceptera de produire les jouets BraveStarr mais selon plusieurs conditions. Celles-ci, à mon sens encore une fois, ont porté un certain préjudice à l’œuvre originale telle qu’elle avait été pensée.
Initialement, Lou Scheimer avait imaginé le personnage du Marshal BraveStarr comme un amérindien vêtu d’une tenue intégralement dorée, dans un esprit très futuriste.
Mattel s’opposa catégoriquement à cette chromatique qui, selon le département conceptuel, était inappropriée pour un homme. Pourtant l’idée de Lou Scheimer était d’associer le Marshal à la luminosité ainsi qu’au rayonnement du soleil tout en soulignant par la même occasion la dimension futuriste de l’œuvre.
Le géant du jouet Mattel imposa une tenue de cowboy davantage traditionnaliste incluant du bleu, selon la cible commerciale visée, de jeunes garçons. Après plusieurs discutions et propositions, Lou Scheimer et Mattel trouvèrent un issue satisfaisante pour les deux parties : la chemise du Marshal BraveStarr était devenue jaune moutarde et son pantalon marron clair. Le gilet de protection, le holster à la cuisse droite et une partie des bottes seront bleus.
Si l’on fait un peu de généalogie, Mattel n’est pas à son premier coup d’essai en termes d’impositions puisque la licence Captain Power et les soldat du futur connaitra une même configuration à travers l’action figure de Jonathan Power qui devait être intégralement dorée. Là encore, le géant du jouet insista pour intégrer du bleu sur cette figurine articulée, au grand regret de Gary Goddard. Le concept d’interactivité avec des rayonnements infra-rouges est également un choix imposé par Mattel dans l’œuvre Captain Power et les soldat du futur.
Autre point litigieux concernant les jouets BraveStarr, la queue-de-cheval du Marshal qui n’a pas été reproduite sur sa déclinaison plastique. Pour deux raisons d’ailleurs. La présence de celle-ci posait problème à Mattel en rendant le moule de la tête plus complexe. Ensuite la firme considérait qu’une queue-de-cheval pour un personnage masculin était défavorable sur le plan marketing, la cible commerciale étant encore une fois de jeunes garçons.
D’autres compromis ont été nécessaires afin de rendre possible la création de jouets BraveStarr. La Juge J.B. McBride était initialement prévue dans la première wave de jouets. Mattel s’opposa à la présence de ce personnage féminin au sein de cette mouture initiale considérant qu’il n’était pas essentiel dans une gamme destinée à des garçons.
Parallèlement, le design de Fulminor a été largement « sacrifié » vis-à-vis des concepts de départ, lesquels sont très proches de la version définitive du personnage visible dans l’œuvre animée BraveStarr. On peut invoquer des contraintes techniques – je pense spontanément aux antennes du chapeau possiblement trop fragiles ou occasionnant des procès de fabrication supplémentaires – mais également financières puisqu’une simplification/épuration de détails est souvent synonyme d’économie. Sans compter des normalisations d’ordre sécuritaire.
La problématique est que la déclinaison plastique de Fulminor est plutôt éloignée de son portage animé. On sait aujourd’hui l’importance de la transposition entre le jouet et son/ses supports promotionnels. En ce sens, la licence Wheeled Warriors constitue un véritable cas d’école. D’autre part, je prévois de rédiger un dossier spécifique concernant le veto de Mattel à propos des jouets BraveStarr car il reste encore beaucoup de choses à dire.
Après ces quelques digressions, je souhaiterais évoquer notre catalogue vintage du jour. D’impression française, ce support promotionnel a été distribué dans l’Hexagone dès 1987, spécifiquement chez les revendeurs de jouets professionnels. En effet, Mattel a un réel savoir-faire sur le plan promotionnel avec de véritables succès avérés, comme l’insertion de mini-comics dans les conditionnements de certaines gammes de jouets.
Les Maîtres de l’Univers sont de véritables ambassadeurs vis-à-vis de cette configuration. De leur côté, les action figures BraveStarr ont bien eu un équivalent de comics, mais sous la forme d’un journal du Far-West. Une idée pertinente et originale qui a contribué à inscrire le background de l’œuvre dans l’esprit des jeunes enfants.
Toujours selon un véritable savoir-faire promotionnel, Mattel avait organisé en septembre 1987 un showroom privé pour ses plus importants clients. Le décor taille réelle campait un bar enfumé, à la façon des saloons, avec du personnel spécialement costumé en cowboys pour l’occasion. Ces derniers servaient des boissons aux invités V.I.P. Sur le comptoir du bar étaient disposés les jouets de la gamme BraveStarr, dont les fameux Neutra-Laser. Des démonstrateurs en expliquaient les fonctionnalités à travers de petites mises en scène.
Plusieurs exemplaires du catalogue promotionnel BraveStarr qui illustre cette production ont donc été confiés aux revendeurs professionnels français afin d’être distribués gratuitement, j’insiste, aux jeunes clients des lieux de vente concernés.
Nous sommes sur une configuration de proximité qui tend non seulement à promouvoir une œuvre et son background, mais également à fidéliser une clientèle à travers le concept de « cadeau », lequel se nomme de manière contemporaine « bonus » ou encore « goodies ».
D’un point de vue artistique, il serait intéressant d’identifier l’auteur des illustrations que contient ce catalogue promotionnel BraveStarr. Aucune signature ou mention n’indiquent un éventuel illustrateur. Pourtant j’ai bien plusieurs noms en tête. D’abord Paul Kirchner, un artiste qui a travaillé de près pour Mattel, notamment via la zone promotionnelle de la licence Jayce and the Wheeled Warriors.
Ensuite Adrian Moro, qui a notamment œuvré sur les comics BraveStarr Blackthorne Publishing. Enfin Isidre Monés, un illustrateur qui excelle dans les pastels, l’acrylique et l’aquarelle. Mais le style de ce dernier me semble bien trop abouti techniquement pour être l’auteur des visuels du catalogue promotionnel qui illustre cette production.
Ci-dessous, deux superbes acryliques signées Isidre Monés et réalisées pour le story book The Legend (1988 – textes de Cathy West – éditions Random House).
Difficile d’être catégorique, mais ma sensibilité personnelle irait à Paul Kirchner même si d’autres illustrateurs ayant travaillé sur la licence du Nouveau Texas pourraient être suggérés. D’un point de vue stylistique, on retrouve dans le background du catalogue promotionnel des navires volants, de grandes étendues désertiques et des planètes.
Une configuration qui suggère spontanément un modèle, celui de Jayce et les Conquérants de la Lumière. Au fil des pages, on découvre sommairement les personnages de l’œuvre BraveStarr à travers un design global, celui du support animé.
Le système impliquant des Laser-Fire est mis en avant dans une double-page. Mattel a largement développé ce fonctionnement à infrarouges pour la gamme de jouets BraveStarr. Pour rappel, la firme a accepté de produire les déclinaisons plastique Captain Power et les soldats du futur a condition d’y intégrer son concept d’interactivité « laser ».
Le format de ce catalogue promotionnel BraveStarr est intéressant. Il se situe entre le comics et le mini-comics. Ni trop imposant, ce qui permet de l’emporter avec soi, ni trop réduit, ce qui impacterait l’aspect qualitatif. A ce propos, le papier utilisé est de bonne facture, à la limité du cartonné pour la couverture.
L’impression brillante des visuels combinée à cet aspect qualitatif du toucher offre un rendu très séduisant. Là encore, le savoir-faire promotionnel de Mattel est proposé à un jeune public qui sera fatalement impacté de manière positive. L’idée est d’encourager des ventes en valorisant une œuvre.
En dernière instance, je souhaiterais attirer votre attention sur le visuel ci-dessous à gauche. Le portrait du Marshal BraveStarr entouré d’animaux m’évoque spontanément la série TV Manimal (1983).
Epilogue
J’apprécie beaucoup ce catalogue promotionnel BraveStarr. Il symbolise véritablement une temporalité, précisément celle qui implique la dernière portion de la décennie 80. Une zone riche en action figures très originales.
La licence BraveStarr a généré des déclinaisons plastique originales, qualitatives avec des proportions notables. Des éléments qui ne font qu’amplifier un ressenti, celui d’une gamme de jouets à regrets. Un contexte concurrentiel, des tarifs relativement élevés, le veto de Mattel ou encore une diffusion du DA mal maitrisée ont eu raison des qualités précédemment évoquées.
J’espère que cette petite bulle vintage aura été agréable à lire. Rendez-vous d’ici quelques jours afin de (re)découvrir ensemble d’autres catalogues de notre enfance. Merci à toutes et tous pour vos lectures. Cette production est spécialement dédiée à Tony alias Madeofpower.
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Mindmaster
•9 mois ago
Merci pour cet article encore une fois érudit et richement illustré. Je me souviens que lorsqu’elle était sortie, la gamme BraveStarr avait suscité chez moi un intense sentiment de frustration à cause de la taille des figurines : trop grandes pour jouer avec les Maîtres de l’Univers (et d’ailleurs toutes les autres gammes de l’époque), trop petites pour les Big Jim, puisqu’ils ils font environ une tête de moins (et ce alors même que les gammes avaient, là encore de mémoire, des tarifs comparables). Or il était hors de question de mon point de vue de 8 ans que mon nouveau personnage, mon nouveau héros, soit un « nain » comparé aux autres. Sauf que du coup, cette gamme n’était compatible avec aucune de celles que je possédais. Et du coup, là encore de mon point de vue, cela impliquait que pour jouer avec, on ne pouvait pas se contenter d’acheter une figurine à la fois, comme me l’aurait permis mon modeste argent de poche, et de gonfler les rangs en prenant d’autres jouets comme alliés ou antagonistes.
Non, il fallait recommencer une gamme depuis le début, avec toutes les limitations et frustrations que cela impliquait en termes de jeu. J’y voyais une ruse du fabriquant, qui essayait par là de forcer les achats en poussant à acheter plus de personnages, et j’en ai vraiment voulu à Mattel à l’époque de ne pas être allé jusqu’au bout en proposant une nouvelle gamme de figurines 10″, qui aurait pu prendre la succession, ou la continuité, de Big Jim. Et du coup, j’ai préféré tout laisser tomber et ne rien acheter. J’ai d’ailleurs ressenti une frustration semblable avec la gamme Starcom : trop petite pour les G.I.Joe ou même les M.A.S.K, trop grande pour les Lego. Et comme je ne voulais pas recommencer un univers de zéro, j’ai laissé cette gamme de côté. De manière générale, d’ailleurs, la question de la compatibilité (et surtout de l’incompatibilité) des nombreuses gammes des 80’s pourrait sans doute faire l’objet d’un dossier et d’un débat à part entière.
Depuis, j’ai acquis par un moyen ou un autre l’intégralité de la gamme en loose, accessoires laser et éléments de roleplay exceptés. Et une fois qu’on a accepté les limitations dues au nombre limité de références, c’est une gamme très qualitative et qui a des qualités certaines. Mais comme tu le disais Nicko, le contexte extrêmement concurrentiel des années 80, associé à un manque de support animé visible et à des prix élevés, n’ont pas permis à cette gamme de rencontrer le succès escompté.
Nicko
•9 mois ago
C’est toujours un plaisir de te lire Mindmaster ! 🙂
Plusieurs remarques : d’abord tu soulèves dans ton intervention un véritable sujet, celui de la compatibilité, et précisément dans une même gamme de jouets. En ce sens, la licence Tortues Ninja constitue un véritable cas d’école puisque notamment pour des raisons d’homogénéisation du format – mais pas que – certaines action figures avaient été recroquevillées. Je pense spontanément à Bebop, Shredder et le Soldat Foot. Mais bien au-delà d’un aspect visuel homogène, cette normalisation permet aux action figures d’échanger leur armes (respect des échelles) ou encore de les placer alternativement dans divers véhicules de la même gamme.
On entre dans la contrainte de la jouabilité qui est un des paramètres du succès d’une gamme de jouets, en l’occurrence vintage. Les Maîtres de l’Univers représentent un autre cas d’école avec un armement interchangeable d’une action figure à une autre pour presque la totalité d’entre elles. Sans compter des créatures et des véhicules pouvant accueillir divers modèles de personnages articulés.
Ceci dit il faut nuancer. La différence, ou l’hétérogénéité des formats, peut être aussi un véritable argument de vente, quitte à sacrifier un peu d’interchangeabilité au passage. Ainsi la gamme BraveStarr offrait tout de même des action figures aux proportions plurielles générant ainsi un certain relief. Ce fut également le cas pour les personnages articulés de la licence Cosmocats originelle.
La problématique de la compatibilité entre des gammes de jouets différentes est finalement subjective car nous ne mélangions pas nécessairement tous nos jouets entre eux lorsque nous étions des enfants. Il ne faut surtout pas oublier que d’un point de vue marketing, quasiment chaque gamme de jouets devenue vintage, notamment dans la décennie 80, comportait des action features/gimmicks. Fer de lance de la jouabilité, ces mécanismes et autres parties mobiles/amovibles occasionnaient des contraintes techniques, lesquelles engendraient des sculptures/volumes différents afin de les rendre possibles.
C’est un véritable sujet Mindmaster – comme tu le soulignes très justement – et effectivement un dossier dédié serait le bienvenue. J’ajoute cette thématique à la longue liste de ce que je souhaiterais rédiger pour le magazine. Une chose est certaine, les jouets BraveStarr étaient et sont toujours de très belles réalisations véritablement qualitatives. Le format spécifique, entre un Maître de l’Univers et un Big Jim pour reprendre ta fourchette de mesure, apportait une certaine singularité qui rendait les action figures remarquables. Elle sortaient clairement du lot et d’une certaine norme propre à la décennie 80 encore une fois.