Tortues Ninja : documents conceptuels (Playmates Toys 1987)

 

Pour cette nouvelle production, j’ai choisi de partager dans le magazine des documents préparatoires issus de mon archivage personnel. Il s’agit d’un visuel de prototype ainsi que des concept arts réalisés pour la licence Tortues Ninja. Les chevaliers d’écailles et de vinyle ont marqué la fin des années 80 et le début de la décennie 90 en constituant une sorte de charnière, laquelle a introduit une vision de l’action figure davantage « fun ». Bonne lecture à tous.

 

 

Beaucoup d’artistes talentueux ont contribué au façonnage plastique de l’univers des Tortues Ninja. J’avais établi une liste non-exhaustive de ces designers dans le dossier vintage qui abordait le Turbo Skate. Parmi ceux-ci, David Arshawsky avait été mis à l’honneur, notamment pour son travail concernant la déclinaison plastique de Bebop.

Le phacochère mutant fait clairement partie de mes action figures Tortues Ninja favorites, au même titre que Baxter Stockman, Rocksteady ou encore le Soldat Foot. J’avais d’ailleurs évoqué très sommairement la première déclinaison plastique de Bebop (1988 datation U.S) dans une production dédiée.

Ci-dessous je vous propose un premier document conceptuel. Le cliché illustre un prototype baptisé Moving Mouth Bebop. Cette version modifiée du phacochère mutant a été sculptée par David Arshawsky.

 

 

Pour être précis, c’est la tête de ce Bebop davantage déluré qui a été façonnée par David Arshawsky. Celui-ci avait participé à la création de la déclinaison plastique du phacochère mutant en produisant une première sculpture, laquelle avait été révisée, entre autres, par Scott Hensey et Roger Boggs afin d’obtenir une action figure davantage recroquevillée selon des contraintes de format imposées par Playmates Toys.

Le corps de ce Moving Mouth Bebop apparaît très proche de celui produit à grande échelle en 1988 pour la série 1 des jouets (datation U.S) avec cependant un paintjob beaucoup plus travaillé. C’était d’ailleurs un des regrets de David Arshawsky pour la gamme Tortues Ninja, c’est-à-dire voir certains modèles sur lesquels il avait travaillé être commercialisés avec une simplification concernant le travail de peinture.

 

 

La tête sculptée par David Arshawsky pour ce Moving Mouth Bebop rejoint l’esprit « fun » de la licence Tortues Ninja que j’évoquais en préambule. La mâchoire apparaît mobile avec une langue surdimensionnée. Les lunettes semblent également amovibles.

Je n’ai pas d’élément temporel précis en ma possession concernant la création de ce Moving Mouth Bebop mais je dirais d’abord qu’il est postérieur à la première commercialisation du phacochère mutant (1988 datation U.S). Je pense que David Arshawsky aurait pu travailler sur son prototype Moving Mouth Bebop autour de 1989/1990 car certains éléments stylistiques (mâchoire amovible et langue extériorisée) me renvoient à des action figures comme Leatherhead (1989 datation U.S) ou encore Mondo Gecko (1990 datation U.S. et sur lequel le sculpteur/designer avait également travaillé).

Le design du Moving Mouth Bebop donnera naissance en 1991 (datation U.S) au Head Spinnin’ Bebop appartenant à la série 3 des Wacky Action. Un nouveau buste à été spécialement créé afin d’y introduire le mécanisme d’une action feature. Celle-ci consistera à faire tourner la tête du phacochère mutant. Le modèle définitif commercialisé comportera un bouton de type poussoir prévu à cet effet et situé au niveau de l’épaule gauche.

 

 

Initialement, je souhaitais présenter – à travers une courte production – uniquement le cliché du Moving Mouth Bebop. Mais après réflexion, et selon la sensibilité que j’ai pour le phacochère mutant, j’ai choisi d’ajouter à cette petite publication un autre document préparatoire que j’apprécie beaucoup, toujours en lien avec Bebop.

Il s’agit d’un concept art réalisé par Mark Taylor durant l’année 1987. En voici la reproduction ci-dessous.

 

Avant toute chose, c’était une occasion de rendre hommage a un artiste de génie récemment disparu. Mark Taylor a contribué – entre autres – de manière majeure au succès de la licence des Maîtres de l’Univers en tant que designer.

Plusieurs éléments doivent être soulignés dans le concept art, notamment la présence d’une seconde arme à mi-chemin entre le laser et la mitraillette (le design sera réutilisé pour accompagner le Triceraton – 1990 datation U.S). Une idée qui n’a pas été retenue concernant le phacochère mutant mais l’aspect cuirassé/blindé de ce « laser guided rpk » a peut-être amorcé la piste du « bouclier couvercle de poubelle » que l’on retrouvera avec l’action figure de Bebop commercialisée dès 1988 (datation U.S).

Les notations situées en bas du document proposent le dénominatif suivant : « T.M.N.T villian hog jaw mutant bounty hunter ».  Il semblerait qu’au moment de la réalisation du croquis, le nom Bebop n’était pas encore avancé et que le personnage avait été pensé comme un chasseur de primes. Autre élément à relever, la présence du couteau à tête d’aigle qui n’aura pas de fourreau sur la version définitive de l’action figure. Cela rejoint la simplification propre à la production de masse que David Arshawsky regrette, laquelle peut être justifiée par des contraintes économiques, techniques et/ou sécuritaires.

Avant de conclure, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous un concept art supplémentaire de Bebop. Celui-ci, bien connu des amateurs de la licence Tortues Ninja, a été réalisé en mai 1987 par un autre maître du design ayant également œuvré pour Mattel et ses Maîtres de l’Univers, Errol McCarthy. L’artiste avait proposé une vision martialement jouissive du phacochère mutant.

Et si l’on examine davantage la création de Bebop, on retrouve dans le premier concept art réalisé par Eastman et Laird en 1987 (ci-dessous à gauche), une partie de l’A.D.N des dessins préparatoires qui ont été illustrés précédemment. À droite, une seconde version conceptuelle de Bebop, davantage punk/ »Mad Maxienne ».

 

 

Epilogue

Le Moving Mouth Bebop apparait comme transitionnel dans la conceptualisation de la déclinaison Head Spinnin. Le buste définitif contenant le mécanisme n’avait pas encore été imaginé/produit, d’où l’utilisation provisoire du Bebop de la série 1 que nous découvrirons en France dès 1990.

De manière globale, je prends toujours énormément de plaisir à aborder les périodes conceptuelles des jouets appartenant aux décennies 80 et 90. Ces coulisses créatives permettent de redécouvrir nos déclinaisons de plastique d’enfance et de mieux comprendre comment les choses ont été pensées en amont. Sans compter le plaisir d’examiner des travaux préparatoires réalisés par des artistes particulièrement talentueux.

J’envisage très prochainement de partager dans le magazine d’autres documents conceptuels en lien cette fois avec la licence SilverHawks, toujours à travers une publication concise. Rendez-vous d’ici peu afin de partager ensemble ce nouveau moment vintage. Merci à tous pour vos lectures. Cette production est spécialement dédiée à Geoffrey alias Jouck ainsi qu’à tous les amoureux de la licence Tortues Ninja.

10 comments

Dans certains dessins, j’ai l’impression de voir les cochons flics de Duke Nukem 3D xD

Nicko says:

C’est un point de vue Lol

jp says:

C’est dingue comme des concepts peuvent changer avant le produit final, des fois à regret selon le travail effectué. Le fait que les lunettes ne soient pas amovibles est peut-être dû à des consignes de sécurité, mais peut-être encore plus à une simplification pour économiser sur le coût du produit.

Nicko says:

Merci JP pour ta lecture et ton message 🙂

Effectivement et de manière générale, les concepts de départ concernant les jouets des années 80 ont tendance à être davantage travaillés que les modèles définitifs. Que ce soit sur le plan du design, de l’accessoirisation ou encore de l’action feature. Les exemples sont infinis. Et lorsque les critères qualitatifs ont été conservés durant les premières productions à grande échelle, il peut arriver que le cahier des charges soit revu à la baisse en cours de route. Là encore les exemples sont nombreux, je pense spontanément à la perte de chrome pour certaines parties d’une action figure ou bien à des éléments qui ne seront plus peints. La liste serait interminable.

Ceci dit, ces écarts de traitement, si j’ose dire, rejoignent une thématique qui m’est chère, celle de la variante. C’est un moyen de redécouvrir nos jouets d’enfance mais également une source de recherches possibles afin d’établir des chronologies ou encore des corrélations avec des phénomènes commerciaux/économiques. C’est un aspect de l’histoire des jouets vintage qui me fascine depuis de nombreuses années.

Concernant Bebop, la première mouture de 1988 (datation U.S) ne comporte pas de lunettes amovibles. Les explication sont plurielles et vraisemblablement économiques je dirais. On peut également invoquer un format et un style qui ne nécessitent pas un degrés de détails amovibles notablement important. En revanche, la déclinaison Spinnin’ Head de Bebop comportera bien des lunettes amovibles. Celles-ci seront assez volumineuses pour souscrire aux normes de sécurité et le succès de la gamme Tortues Ninja alors établi aura permis de couvrir des coûts de productions potentiellement plus importants.

Pour autant, ma préférence va de manière inconditionnelle à la première déclinaison plastique de Bebop que je trouve réellement magnifique. La sculpture, le code couleur, l’esprit street/punk, l’originalité des accessoires et le fun en font un véritable mythe stylistique à mes yeux. Bebop est une action figure que j’ai connu durant mon enfance, très certainement en 1991, et qui avait été acquise chez un marchand de journaux. Un souvenir impérissable car encore aujourd’hui, je suis capable de me remémorer le blister posé au sol, à la verticale, appuyé contre une pile de revues. Rocksteady se trouvait juste à côté et je suis reparti ce jour-là avec les deux action figures.

Merci de nouveaux JP pour ta présence 🙂

Gus says:

Merci pour le partage de ces documents et pour ton analyse.
J’aime beaucoup ce genre de dossier.
Il est vraiment intéressant d’observer comment les artistes ont travaillé à l’époque et voir le résultat final.
J’aperçois dans les derniers dessins une arbalète blaster qui ne m’est pas étrangère.

Nicko says:

Merci beaucoup mon Gus pour ta lecture et ton intervention 🙂

Oui, il est réellement appréciable d’avoir accès à des documents préparatoires concernant les jouets vintage, en l’occurrence des années 80. Je trouve fascinant le fait de découvrir comment des artistes, très souvent talentueux, ont imaginé, conceptualisé, des déclinaisons de plastique à succès. L’un des aspects intéressants que tu évoques concerne le recast d’idées. J’ai identifié dans le concept art de Bebop par Mark Taylor la seconde arme – à l’effigie d’une mitraillette/laser – comme celle qui appartiendra en 1990 (datation U.S) au Triceraton. En ce sens, pourrais-tu me préciser ta pensée concernant « l’arbalète blaster » ?

Merci de nouveau pour ton intervention stimulante 🙂

Gus says:

Je pensais à l’arbalète de Chewi. Je trouve que son design est assez proche. La visée relative à celle de Bebop donne, à mon sens, un effet plus moderne et presque futuriste.
Même si l’arme est plus courte et qu’elle supporte des flèches, j’ai vraiment la sensation de voir un garde Gamorréen chasseur de primes avec son arbalète laser.

Nicko says:

Je suis un hérétique en ce qui concerne Star Wars mon Gus donc je te fais pleinement confiance quant à tes références. Ceci dit, mes quelques souvenirs cinématographiques concernant la saga de la Guerre des Etoiles me renvoient à la scène du Rancor et effectivement, je retrouve au sein des deux derniers concept arts illustrés dans la production quelque chose des Gamorréens. Merci pour ce parallèle aussi inattendu qu’intéressant.

Tu signes là un nouvel article de référence, et avec brio, Nicko ! Tes remarques et tes recherches très pertinentes aident à comprendre comment fonctionnaient les coulisses de l’industrie du jouet dans les années 80-90 et c’est à la fois intéressant du point de vue technique et très enrichissant du point de vue artistique.

Concernant les lunettes du Moving Mouth Bebop, je ne pense pas à les voir comme ça, c’est-à-dire qu’ils aient prévus qu’elles soient amovibles. J’ai plutôt l’impression qu’elles étaient mobiles (sur un axe) et devaient simplement se soulever en fonction des mouvements de la mâchoire. Mais je peux me tromper.

Nicko says:

Merci beaucoup mon Ju pour ton retour enthousiasmant 🙂

C’est un petit papier qui n’a vraiment pour vocation que de partager des documents conceptuels et j’essaye, à mon microscopique niveau, d’interpréter ces derniers au mieux. Je n’ai pas une connaissance très éclairée concernant la licence Tortues Ninja et je me suis intéressé essentiellement aux deux premières séries de jouets produites par Playmates Toys (1988 et 1989, datation U.S). Pour autant, je porte un intérêt majeur à n’importe quel document préparatoire appartenant aux coulisses de nos jouets d’enfance.

Les lunettes du Moving Mouth Bebop peuvent être complètement retirées de l’action figure. Elles sont tenues par deux petits ergots présents à l’extrémité des branches, lesquels s’insèrent dans des trous situés sur les tempes du phacochère mutant. Ceci dit, et ton idée est très juste, le concept implique effectivement une mobilité des lunettes en fonction d’un mouvement circulaire de la tête intimement lié à l’action feature. La langue et la mâchoire s’inscrivent également dans cette dynamique.

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