Fansolo a aimé Soul…
Diantre, que m’arrive-t-il ? Me voilà en train de regarder un film d’animation Disney/Pixar qui parle philo… le jour de Noël ? Que dis-je de philo d’ailleurs : de pure métaphysique kantienne tiens ! Faut-il que l’année 2020 soit à ce point perturbée pour qu’on en arrive là ? A voir un film sur l’âme humaine, la définition même de la vie (et donc de la mort) en plein semi-confinement covidien, c’est donc ça la nouvelle réalité à l’aube d’une année nouvelle ?
Entre apocatastase et palingénésie (oui oui, je vous laisse chercher ces termes sur wikipédia), Soul, le dernier Pixar donc, vous emmène assez loin dans les concepts de la conscience, de ce qui fait qu’on s’accroche à la vie, de ce qui fait la vie d’ailleurs, et j’ai clairement passé un moment assez jouissif !
Et pourtant tout avait commencé curieusement : 10 premières minutes emballantes en diable qui m’ont tout de suite capté (ah ce jingle Disney en notes dissonantes dès les premières secondes !). J’ai pensé que j’étais devant un mélange de « Ratatouille à New York » et du mésestimé Fantasia N°2 (le moment Rapsodie in blue bien sûr !). Et puis patatras : le film bascule soudain dans de longues minutes curieuses, déroutantes, pendant lesquelles – avouons-le – il faut quand même un peu s’accrocher !
Mais où veulent en venir Pete Docter et Kemp Powers, les réalisateurs, avec ces gouttelettes improbables qui évoluent dans un monde étrange, pas rassurant du tout, qui rappelle vaguement la série The Good Place sur Netflix ? Le paradis ? l’enfer ? On pense forcément à cette porte vers la mort en voyant cet immense tapis qui mène les gouttelettes vers une extinction (qui fait le désagréable bruit des appareils électriques grillant mouches et moustiques en plein été…). Mais c’est mal connaître le Dr Docter qui nous a déjà habitué aux plongements dans les neurones cervicaux dans Vice-Versa (Inside Out en v.o. titre bien plus explicite !).
Là, on serait plutôt dans une sorte de conscience globale de toutes les âmes humaines : en devenir ou accomplies, avec des « organisateurs » qui auraient été dessinés à la fois par Picasso et Disney lui-même au temps des narrateurs stylisés et filiformes de certains dessins animés à vocation documentaire et scientifique. Comme si Leibniz et son célèbre discours sur le bruit global de la mer (fait de celui de milliards de gouttes d’eau) était passé par là et avait pris vie sous forme numérique ! On nage en pleine philo vous dis-je ! Et dans un Disney Pixar de Noël ! Le top du délire, quelque part… mais où ?
Alors certes on pourra(it) se perdre dans un tel dédale aussi ambitieux… Heureusement, the show must go on et le flirt avec la pensée kantienne et ses dérivées ne résiste pas longtemps à l’Entertainment ! Une reprise de pure comédie, via une très sympathique trouvaille que nous ne dévoilerons pas ici, redynamise la deuxième moitié du film. Tout juste peut-on dire que faire parler un héros noir avec une voix féminine relève du génie pur en cette année 2020 déjà si chamboulée !
Soul vous conduira sur les chapeaux de roues (et à travers une musique tantôt jazz, tantôt electro) vers un final somme toute évident : Fichte et son initiation à la vie bienheureuse. Une philosophie de la vie et du bonheur pour repartir du bon pied en 2021 ! Chapeau bas !
…Blaster, un peu moins
Je serais certainement moins dithyrambique que Fansolo. Je tiens cependant à saluer la performance de Pixar qui a su pondre une oeuvre aussi profonde qu’en résonance avec la période actuelle troublée et propice à l’introspection. La décision de le sortir uniquement sur la plateforme Disney+ marque aussi une première (Mulan a d’abord été diffusée sur Disney+ en PPV dans certaines régions) n’est peut-être pas une bonne nouvelle pour l’industrie du cinéma (dans sa partie distribution, en tout cas), mais la crise agit bien comme un catalyseur. La pandémie accélère les changements et précipite les ruptures, y compris dans le monde du divertissement…
Pour ce qui est du film, je suis donc relativement circonspect. Techniquement, c’est parfait. Pas de souci. Sur le fond, ma déception provient certainement d’une incompréhension de ma part. Totalement épargné par les spoilers, je me suis mis devant Soul l’après-midi de Noël en m’attendant à voir une version musicale de Ratatouille. Un film que je considère comme le dernier chef d’oeuvre de Pixar (écrit et réalisé par Brad Bird, avant que John Lasseter ne délaisse ses prods pour celles de The Walt Disney Animation Studios) après Toy Story 2 et Le Monde de Nemo. Un film enlevé sur la passion et le talent. Les premiers instants du film me confortent dans cet espoir. Certains codes de Ratatouille sont repris : la représentation visuelle des sensations (goût/odorat vs sons), les épreuves que doit affronter l’artiste pour être reconnu, l’opposition familiale… Rien de très inventif, mais pour certains films comme pour d’autres sujets, la familiarité rassure.
Dès cette première partie passée, je sens comme un vide intérieur. Une frustration assez déplaisante compte tenu de la date (Noël) et du produit (un film Disney). Pourtant Pixar met toutes ses ressources créatives à contribution pour cette représentation métaphysique. La cohorte des Michel bienveillants autant que le persévérant Terry rappellent par leurs traits le graphisme du générique de fin de Ratatouille et le propos pseudo-scientifique du court-métrage Notre ami le rat (notez l’audace de la VF qui paraphrasait le titre d’un livre qui fit beaucoup de bruit dans les années 90 en révélant les dessous du pouvoir marocain). L’aplatissement de ces êtres en 2D évoque naturellement Picasso, mais aussi le pictogramme associé dans la signalétique actuelle aux handicaps mentaux et psychiques.
L’ensemble (message + graphisme) m’a aussi fait penser aux missions perdues de la saison 6 de The Clone Wars. A la recherche de réponses sur la nature profonde de la Force, Yoda se retrouve sur un monde où cinq prêtresses de la Force lui font découvrir justement la version Jedi de l’immortalité de l’âme.
Bref…
Contrairement à Fansolo, je n’ai pas trouvé la partie sur Terre d’une inventivité folle. Les qui pro quo m’ont souvent laissé de marbre. Heureusement un élément m’a réconcilié avec cette partie du film.
En effet, au rayon des réussites, le personnage de 22, doublé par Camille Cottin en VF, est probablement la plus belle du film, suscitant agacement et amusement sans sombrer toutefois dans la facilité. Omar Sy s’en sort très bien pour sa part, mais bon… J’ai du mal à me remettre de ma déception initiale. Il faudra certainement que je le revoie pour apprécier Soul à sa juste valeur.
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Les derniers Pixar ne m’ont pas laissé de bons souvenirs, de Toy Story 4 moyen à Vice Versa ou Coco dont j’ai décroché rapidement alors quand la présentation de ce Soul a été faite j’étais très mais alors très réticent.
Bande annonce ou articles dessus me confortaient dans cette idée, malgré tout j’ai tenté.
Ce fût une bonne surprise, alors certes je ne le mettrais pas concurrence d’un Walle ou Monstre et Compagnie mais j’ai passé un bon moment. Le temps n’a pas été trop long et même si je décroche souvent avec les phases psychologie de comptoir ou voulant être pompeux gratuitement juste pour se la pêter, les passages philo ne m’ont pas posé de problèmes.
Je le mettrais dans la moyenne haute.
Pour le plaisir une image pour aller avec mon avis :
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