Pour cette nouvelle production, j’ai décidé d’aborder une gamme de jouets qui m’est chère, celle des Sectaurs. Le succès plus que discret des hommes-insectes a rapidement plongé dans l’oubli une licence qui présente pourtant des qualités singulières. C’est donc l’occasion aujourd’hui de vous parler des guerriers de Symbion afin de mettre en lumière de superbes action figures et créatures.

En première instance, la gamme de jouets Sectaurs sera évoquée très succinctement dans son ensemble en abordant les particularités, les gimmicks ainsi que les supports promotionnels. Afin d’illustrer tous ces points, un focus de Pinsor, l’expert en manipulation d’armes, vous sera proposé. Bonne lecture à tous.

Les guerriers de Symbion

La gamme de jouets Sectaurs a été conceptualisée dès l’année 1983 par la firme Coleco, à une époque où l’action figure commençait à prendre une dimension notable. Le copyright de la licence des hommes-insectes sera officiellement déposé en 1984. Ce sera d’ailleurs la date présente sur les jouets. La commercialisation sera effective aux Etats-Unis dès le printemps 1985. L’univers des Sectaurs s’inscrit parfaitement dans la tradition des années 80 en termes de background.

En effet, la mutation génétique, un monde primitif ou encore le design musculeux des personnages constituent autant de points en adéquation avec les codes alors en vogue. Les symboliques de la lumière et de l’obscurité seront extrêmement présentes, notamment pour identifier les forces bienveillantes et maléfiques.

Cet aspect dichotomique constituera d’ailleurs un poncif surexploité durant la décennie 80, notamment à travers d’autres licences comme Jayce et les Conquérants de la Lumière, Blackstar ou encore Visionaries.

 

 

Une gamme originale et qualitative

La gamme de jouets Sectaurs est très particulière. Malgré des thématiques récurrentes comme vu précédemment, des concepts plus qu’originaux vont être développés afin d’apporter une jouabilité accrue. Premier point notable, le format. Les action figures Sectaurs sont grandes, environ 16cm, ce qui est bien supérieur aux dimensions alors disponibles sur le marché (Maîtres de l’Univers, G.I.Joe ou encore Guerres Secrètes).

Ensuite un soin particulier a été apporté au design des personnages. Les peintures sont qualitatives et soignées, les accessoires nombreux. Je reviendrai sur tous ces points plus en détail dans la seconde partie du dossier.

Enfin, le gimmick central de la gamme réside dans des créatures insectoïdes pouvant être animées comme des marionnettes. Un astucieux système à gant permettait d’actionner les pattes ainsi que la mâchoire des montures Sectaurs.  On notera également un travail sur la texture avec la présence de fourrures. Par ailleurs, des ailes motorisées seront utilisées pour deux modèles en particulier.

 

Sectaurs, une licence dans l’ombre

Avant d’aborder l’action figure de Pinsor, je souhaiterais évoquer quelques points supplémentaires relatifs à la gamme Sectaurs. Deux waves de jouets se sont succédées durant l’années 1985. Les blisters, propres à la wave 1, seront remplacés par des boites fenêtre pour la wave 2. Les insectes-compagnons feront leur apparition. Un playset, The Hive, proposera un design très inspiré des châteaux visibles dans la gamme des Maîtres de l’Univers.

Une seconde série de jouets Sectaurs était prévue pour l’année 1986. Cette deuxième mouture, très prometteuse avec de nombreux modèles originaux, ne sera malheureusement jamais produite à grande échelle. C’est fortement regrettable car les concepteurs furent très inspirés.

Les raisons du succès plus que discutable de la licence Sectaurs sont multiples : d’abord une diffusion du support animé bien trop tardive, en septembre 1985, alors que les jouets étaient déjà en vente depuis plusieurs mois. Seulement 5 épisodes verront le jour et uniquement aux Etats-Unis. Pas de version traduite pour l’Europe.

Ensuite une concurrence farouche existait sur le marché de l’action figure avec notamment les géants Mattel et Hasbro. La firme Coleco n’avait certainement pas les mêmes moyens économiques et promotionnels.

 

 

Promotion et distribution

La gamme de jouets Sectaurs a été distribuée aux Etats-Unis bien entendu mais également au Canada avec pour cette destination la création d’un fan club, à l’instar des Maîtres de l’Univers ou encore de Barbie. Du merchandising spécifique était envoyé aux souscripteurs.

L’Europe va également connaître les guerriers de Symbion avec notamment l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre et la France. C’est d’ailleurs la firme Idéal qui distribuera les jouets dans l’hexagone. GIG se chargera de la diffusion en Italie et Rainbow Toys s’occupera de l’Angleterre.

Il faudra attendre l’année 1986 pour découvrir la gamme Sectaurs dans nos rayonnages français. Sans support animé et avec la concurrence évoquée précédemment, il est évident que les hommes-insectes ont été un peu ostracisés. Coleco avait cependant largement misé sur le support papier avec notamment des mini-comics présents dans les blisters de la wave 1.

Des Marvel Comics verront également le jour ainsi que d’autres livres. Earl Norem himself participera d’ailleurs à certaines illustrations. Ces efforts n’arriveront pas à compenser l’éphémère série animée désynchronisée des ventes.

 

 

Pinsor, le maître d’armes

L’action figure de Pinsor appartient à la wave 1 des jouets Sectaurs. Elle fut commercialisée aux côtés de Skulk, du Prince Dargon et du général Spidrax. J’évoquais précédemment l’aspect qualitatif des jouets Sectaurs. Pinsor ne déroge pas à la règle avec un sublime travail de peinture. Le rendu évoque la structure d’une carapace appartenant à un scarabée. Plus globalement, l’aspect insectoïde est parfaitement retranscrit.

La tête de Pinsor est en plastique souple, ce qui contraste parfaitement avec la rigidité du corps. Les antennes indiquent que les Sectaurs peuvent interagir par télépathie notamment avec leurs montures. C’est en parfaite cohérence avec le synopsis au dos des packagings. Le harnais permet d’accrocher les armes de Pinsor. Celles-ci sont superbement détaillées et moulées dans une couleur dorée du plus bel effet. On notera sur le bouclier la présence du logo des forces du Royaume de la Lumière.

En termes d’articulation, on peut dire que nous sommes sur des cotes standardisées pour l’époque. On regrettera cependant l’absence d’un point de mobilité aux niveaux des coudes et des poignets de Pinsor.

 

 

 

 

Conceptualisation et représentations

Je souhaiterais présenter quelques documents concernant Pinsor. Ces visuels me semblent intéressants et représentatifs encore une fois d’une décennie talentueuse et prolifique. Le premier est une planche de comics mettant en scène Pinsor dans le Royaume de la Lumière. On découvre par ailleurs ses origines de fermier.

Le second est un artwork promotionnel que l’on retrouvait notamment dans les kits presse mais également dans certains magazines. Ce type d’illustration faisait office de publicité.

Le troisième n’est rien de moins qu’un prototype de Pinsor. On notera que le design était initialement différent du modèle définitif, notamment au niveau de la tête. La couleur du personnage et le harnais sont aussi différents. Il semblerait également que l’action figure s’insérait dans la monture et ne la chevauchait pas. Concept à préciser.

 

 

 

Symboliques et thématiques

Au-delà de l’aspect esthétique et technique du jouet, on peut décrypter différents thèmes relatifs à Pinsor et plus largement à la licence Sectaurs. D’abord l’anthropomorphisme. Les premières représentations humanoïdes hybrides datent non pas de l’Egypte ancienne mais de la préhistoire. L’hybridation entre les hommes et précisément les animaux était un thème récurrent, notamment pour représenter des divinités.

Les action figures des années 80 proposeront de nombreuses créations zoomorphes/humanoïdes. La mutation sera souvent invoquée pour justifier ces êtres mi-hommes, mi-bêtes. C’est d’ailleurs ce qui donnera naissance aux Sectaurs, et ce à travers un incident génétique. Ce scénario m’évoque immanquablement celui du film La Mouche réalisé par David Cronenberg.

Le profil de Pinsor dans les comics est très martial. Il apparaît comme un expert en manipulation d’armes. Cette compétence me rappelle spontanément le Maître d’Armes, Man-At-Arms, des Maîtres de l’Univers. Les porosités sur le plan du design sont intéressantes : le casque d’abord qui suggère le statut de combattant mais surtout la moustache, symbole de virilité.

Voilà un gimmick intrinsèque aux années 80. Cette pilosité si particulière sera visible sur de nombreux personnages fictifs ou réels. En termes d’animation, l’Inspecteur Gadget devait initialement en porter une. On retrouve des moustachus dans de nombreuses licences comme M.A.S.K., Visionaries, G.I.Joe, BraveStarr etc… La liste serait interminable.

 

 

Épilogue

Notre dossier du samedi s’achève ici. Il est très loin d’être exhaustif. Je n’ai pu aborder par souci de lisibilité les différents conditionnements Sectaurs ainsi que la série 2 en détail. Les distributions allemandes et italiennes ont également des particularités intéressantes. Ce sera l’occasion de rédiger d’autres productions relatives aux guerriers de Symbion.

La licence Sectaurs avait tout pour séduire le jeune public des années 80. Les quelques erreurs promotionnelles et une concurrence élevée sur le marché du jouets ont eu raison des hommes-insectes. Par ailleurs, les guerriers de Symbion étaient commercialisés en France à un prix assez élevé : il fallait débourser, pour une monture avec son action figure, la somme moyenne de 195 francs. Dernier point expliquant en partie le succès très mitigé de la gamme Sectaurs : l’aspect repoussant de certains modèles que les parents boycottèrent.

Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine dans votre web magazine préféré pour un nouveau dossier vintage. Merci à tous pour vos lectures.