Déroutant, c’est probablement le mot qui caractérise le mieux le 8ème épisode de la saga Star Wars.

Après un Episode VII que beaucoup ont considéré comme trop calqué sur l’Episode IV, Rian Johnson évite de faire de son opus un repiqué de l’Episode V. Ici, et contrairement aux règles de l’art dramatique qui accordent à l’acte 2 d’une pièce en trois actes un rôle particulier, Les Derniers Jedi peinent à trouver leur place dans le récit et plongent les spectateurs dans un océan de perplexité. Après un Réveil de la Force ultra-prévisible, Les Derniers Jedi jouent la carte de la déstabilisation. On aime ou on déteste, il n’y aura pas d’entre deux pour ce film. Les premières réactions, très vives, des fans le montrent assez bien.

Dans sa critique, publiée il y a quelques jours, Fansolo salue la qualité de la mise en scène, mais c’est peut-être aussi par son montage que l’Episode VIII se distingue et peut perdre les spectateurs. Les transitions entre les scènes, toujours très léchées dans Star Wars depuis le premier film, ont rarement été aussi téléphonées.

Cet épisode pourrait bien être le premier vrai Star Wars version Disney. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi et pour le coup, après deux films très classiques (pour des raisons différentes : l’épisode 7 était, on l’a dit, un décalque de l’épisode 4 et Rogue One jouait la carte du fan service pur), Lucasfilm casse enfin les codes. Oui, enfin, car après une prélogie lénifiante, j’attendais un peu de fraicheur dans l’univers Star Wars.

Les énormes incohérences ou invraisemblances [oui, je sais] de l’Episode VII sont atténuées dans cet Episode VIII. On respire un peu, on se prend presque au jeu de l’humour quasi-omniprésent. Les retournements de situation et les rebonds dans les plans d’une Résistance aux abois sont malins, et seront certainement moins controversés que les personnages apparaissant par la magie d’un « appel à un ami » tout droit sorti de Qui veut gagner des millions ou que les incroyables développements de la Force. A ce sujet, j’avoue m’être surpris, à un moment, à hocher la tête en désapprobation avec ce qui se passait sur l’écran.

C’est vous dire à quel point tout ce film est déroutant.

Pourtant Rian Johnson n’a pas lésiné sur les clins d’oeil, sans parler même du vrai clin d’oeil fait par Mark Hamill dans une scène, les références à la première trilogie, la Résistance qui (re-)devient Rébellion, le « Rebel scum » malheureusement mal traduit dans la VF, le bureau de la sécurité du Premier ordre en uniforme blanc, les mille générations de Jedi, les gardes prétoriens à l’armure écarlate, les walkers impériaux…

Johnson se joue aussi des critiques rencontrées par l’Episode VII. A force de saillies sur le masque de Kylo Ren, de questionnements autour de la famille de Rey et de sa propre place dans l’histoire de la galaxie, et surtout via une structuration baroque du film, le réalisateur place le plaisir à un niveau presque méta. A une époque où les bandes-annonces dévoilent tout d’un film, Rian Johnson réinvente la surprise avec une certaine maîtrise de l’ironie.

La familiarité provient finalement plus des décors et des personnages que de l’ambiance générale du film. En ce sens, l’Episode VIII pose probablement les jalons d’une nouvelle approche de Star Wars, une approche radicalement différente du style narratif des épisodes précédents.

A vous de voir si vous trouvez que c’est une bonne chose ou pas. La surprise m’a plu, mais peut-être plus parce que j’avais envie/besoin d’être surpris.