Après avoir refait Le Livre de la Jungle en « live », Jon Favreau (les Iron-Man) livre sa version « réelle » du dessin animé de 1994 Le Roi Lion, lui-même adapté d’un manga/anime japonais (le Roi Léo).
Autant pour Toy Story 4 les questions « pourquoi faire/est-ce le film de trop ? » étaient vite balayées par la maestria générale de l’édifice, la fougue scénaristique et l’inventivité technique, autant avec ce Roi Lion 2019, on ressort de la salle avec un sentiment désagréable et un goût amer dans la bouche…
Ce n’est pas faute d’un travail absolument fascinant et remarquable des animateurs ayant manifestement observé longuement les animaux de la savane pour que tout fonctionne, ceci sans motion capture ni techniques faisant intervenir l’humain. Contrairement au précédent procédé utilisé par Jon Favreau, aucun homme n’apparaît dans le film. Saluons le travail de ces innombrables artisans, animateurs et techniciens qui ont bossé des heures et des heures sur cet œuvre et dont les noms défilent de longues minutes au générique de fin (tiens, ça m’a d’ailleurs permis de remarquer que le château du logo Disney n’était pas le même au début et à la fin… Il semblerait qu’on passe de Cendrillon à la Belle au bois dormant… mais on s’égare !)
Alors pourquoi est-ce que ce film, pour moi, ne passe pas ? Il ne s’agit pas d’opter pour une posture de principe vis-à-vis du chef d’œuvre de 1994. On peut le considérer intouchable mais dans ce cas on ne fait plus de cinéma : de King Kong à Psychose en passant par tous les Marvel et j’en passe, combien de remakes/reboot plus ou moins réussis, plus ou moins bien, meilleurs ou non vis-à-vis de « l’original » ? The Thing ou la Mouche savent de quoi je parle !
Avec ce nouveau Roi Lion, c’est précisément la technique photo-réaliste qui vient butter sur la capacité d’adhésion ou non du spectateur. Peut-être que ça marche pour certains : on le souhaite et d’ailleurs on ne doute pas vraiment que le film ne fasse pas un carton (animaux, été, musiques sympas, feel good/family movie…). Mais pour moi, désolé Disney, mais c’est non ! Le procédé, si abouti soit-il, crée un univers artificiel qui, loin de ringardiser le dessin animé (le réalisateur jure ses grands dieux que ce n’est surtout pas le but -mais alors pourquoi faire ce film ?), le transcende et donne furieusement envie de revoir l’ancien toute affaire cessante.
Certes, c’est déjà ça me direz-vous, mais en fait, derrière les prouesses, la crédibilité du spectacle offert reste relative. On n’y croit pas, pardon : je n’y crois pas. Peut-être parce que ce monde, celui de la savane africaine pure et sauvage, est déjà tellement marqué de l’empreinte de l’homme que, le fait d’y retourner par le biais de machines numériques apparaît to much ? Peut-être parce qu’on cherche en vain durant tout le film des signes de réalisme de cette vie sauvage, vue chez Frédéric Rossif (Sauvage et Beau) ou d’autres ? Histoires naturelles en pleine nuit offrait finalement de plus beaux spectacles : des ralentis sur des fauves dont on ne retrouve pas l’essence ici. Or l’essence précède l’existence, c’est bien connu !
Des animaux numériques montrés dans ce film de près de deux heures, hormis les voix humaines, trop humaines pour le coup, rien ne fait vrai : pas une goutte de sang, pas de sueur, pas de sexe (où sont passés les organes génitaux des animaux ?). Certes, la voix « vadorienne » de James Earl Jones (déjà présent il y a 25 ans) et celle de Donald –Lando- Glover donnent du « coffre » à l’ensemble et un ton très shakespearien à la bande-son mais ces atouts étaient déjà présents dans la version d’origine. Notons d’ailleurs que, pour une fois, la question de spoiler ou non le film ne se pose pas vraiment : il n’y a rien à « divulgacher » puisque seule la forme innove et que rien n’affecte le fond de l’histoire initiale. Tout est là, chansons eltonjohnsiennes comprises. Tout, sauf le sel et le piment qui faisaient toute la différence jadis.
Dans le dessin animé de 1994, lorsque Simba s’endormait sous les étoiles, de facétieux dessinateurs avaient fait en sorte qu’on puisse lire le mot SEX dans les étoiles. En 2019, tout cela est loin, très loin. Le monde de la savane est aseptisé, fade et sans saveur, un peu à l’image du nôtre ? Ainsi, lorsque les fauves se nourrissent de larves de termites « réelles », ce qui passait avec humour dans le dessin animé (et presque irrévérencieux) sonne super faux aujourd’hui, et les exemples de ce type sont multiples…
Le pire dans tout ça, c’est quand Jon Favreau déclare « j’ai fait un safari en Afrique six mois avant de parler pour la première fois à Disney de la réalisation de ce film. Quand un phacochère est passé devant notre véhicule, un des membres de notre groupe s’est mis à chanter ‘Hakuna Matata’. Et quand on a vu des lions sur un rocher, tout le monde s’est écrié : ‘On dirait le Roi Lion !’.(…) ». Mais justement si la nature rappelle le dessin animé, faut-il que l’animation reconstitue la nature ? Si oui, laquelle ? La vraie ? Mais dans ce cas autant la filmer directement, ou du moins la reconstituer avec tout ce qui « fâche ». Une fausse nature reconstituée ? Dans ce cas autant s’en tenir au dessin animé… Bref, qu’on prenne le problème dans tous les sens, l’utilité de ce film pose question. La déclaration de Favreau devant son émerveillement de l’Afrique illustre à merveille ce paradoxe.
Et comme il faut une opération marketing d’ampleur (vendre des jouets s’avère compliqué avec du photoréalisme) va pour des petits bracelets Simba en bois et 100% développement durable, assemblés par les travailleurs handicapés d’une ESAT. Vendus 5€ notamment par Pathé/Gaumont, 1€ est reversé à l’association Panthera. L’argent récolté vise à sauver les lions, protéger la savane, etc… Disney ne peut mieux faire en matière de bons sentiments, bonnes causes humanitaires, protection de la planète et de l’environnement etc… C’est sympathique comme tout mais hélas semble un peu vain… Et puis combien de CO² ont été rejetés par les machines et l’énergie nécessaires à la fabrication du film si on va par-là ?
Ironie du sort : le visuel du morceau de bois du petit bracelet est celui… du dessin animé !
Le Roi Lion sort mercredi 17 juillet partout en France
L’ONG Panthera : https://www.panthera.org/france
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Peut être que c’est le fait de déjà connaitre les dessins animés, mais aucun de ces disney ne me tentent.