Concept Arts : Mumbo-Jumbo – SilverHawks (Kenner 1986)

 

Je ne manque pas une occasion d’évoquer la licence SilverHawks au sein de notre webzine FulguroPop. Ceux qui me lisent depuis plusieurs années connaissent mon attachement aux aigles d’argent. Je me souviens ostensiblement de ma « redécouverte » des action figures de Kenner estampillées SilverHawks, précisément à l’aube des années 2000.

Alors je confesse, non sans une certaine honte, avoir oublié jusqu’à ces « retrouvailles » le nom de la gamme. En revanche, je gardais parfaitement en mémoire les déclinaisons plastique que j’avais connues durant mon enfance, précisément dès 1988. Mon*Star et Buzz-Saw ont marqué mes jeunes années et ce fût les deux premières cartes noires que j’ai retrouvées lors de mon parcours de collectionneur de jouets vintage.

Je me rappelle parfaitement avoir acquis ces références auprès de la boutique en ligne Cartoon Toys – dont la localisation physique se situait à Sanary – pour la modique somme de 15 euros l’unité. Un tarif qui laisse rêveur lorsqu’on observe les prix actuels concernant les jouets SilverHawks originels. J’avais eu la chance de visiter le « stock » de Daniel, le gérant de Cartoon Toys, lequel vendait également ses trésors dans les salons et autres conventions largement démocratisés durant la décennie 2000.

Lors d’un passage chez Daniel, j’ai pu également mettre la main sur la carte noire de Mumbo-Jumbo, le « monsieur muscle » de la bande à Mon*Star dixit le Commandant Stargazer. Je garde en mémoire de manière indélébile la somme déboursée pour ce blister : 30 euros. Daniel avait prononcé cette phrase lors de l’annonce du tarif : « Celui-ci est un peu plus cher car il est moins courant ».

En imaginant que les quantités des assortiments pour le marché français étaient calquées sur celles de la distribution américaine (NO. 49250 ASST), les revendeurs professionnels Hexagonaux auraient eu seulement 2 Mumbo-Jumbo par carton de 12 action figures. Une hypothèse qui rejoint les mots de Daniel.

Je vous propose aujourd’hui d’évoquer le Minotaure cybernétique de la Galaxie de Limbo à travers le prisme conceptuel. Pour l’occasion, je vais de nouveau utiliser un déroulement linéaire des informations, une configuration qui permet quelques digressions. Cette petite production est à percevoir comme une MAJ de l’Instant Vintage que j’avais rédigé pour ToyzMag en décembre 2014. Bonne lecture à tous.

 

 

L’anthropomorphisme est un génome inscrit dans l’A.D.N des action figures de la décennie 80. Ce style bien particulier, mêlant animalité et humanité, a donné naissance à des personnages inoubliables. Les Maîtres de l’Univers ont clairement ouvert une brèche – dès 1981 – concernant cette hybridation biologique et ils constituent en ce sens des ambassadeurs de choix.

La licence SilverHawks – découverte dès le printemps 1988 en France – compte dans ses déclinaisons plastique un digne représentant de l’anthropomorphisme, Mumbo-Jumbo. La figure du Minotaure est profondément ancrée dans la culture populaire, mythologiquement bien entendu, mais également parce qu’on la retrouve dans différentes sources propres à des temporalités plurielles.

Cinéma, séries, musique, dessins animés, jeux vidéo, le Minotaure est omniprésent à travers des incarnations tantôt humoristiques, tantôt effrayantes. Sans entamer un listing qui serait véritablement interminable, je souhaiterais citer dans la catégorie DA des années 80 l’œuvre Ulysse 31, et plus précisément l’épisode 18 intitulé Le labyrinthe du Minotaure. La créature mi-homme mi-taureau apparaitra colossale, puissante et inquiétante.

 

 

Toujours selon le registre des dessins animés à la sauce 80,  je voudrais évoquer l’œuvre La petite Olympe et les Dieux que je trouve réellement exceptionnelle. On pourra retrouver un personnage à l’effigie d’un homme à tête de taureau dans l’épisode 21, lequel a été sobrement baptisé Le Minotaure.

Le portage effrayant visible au sein du support animé Ulysse 31 laisse place ici à une transcription très humoristique de la créature mythologique, laquelle s’inscrit parfaitement dans l’esprit du DA La petite Olympe et les Dieux. Nous sommes très loin de la symbolique historiquement renvoyée par la figure du Minotaure qui synthétise des peurs ancestrales humaines.

 

 

Trêve de plaisanterie, entrons dans le vif du sujet. Mumbo-Jumbo appartient à la première mouture des jouets SilverHawks, celle que je préfère. Le Minotaure de Limbo a été distribué dès 1987 aux Etats-Unis par la firme Kenner. A titre personnel, je suis quasi certain que les déclinaisons plastique SilverHawks sont arrivées sur les étals américains au Noël 1986. Je prévois de réaliser un dossier dédié afin de détailler cette théorie.

On sait aujourd’hui que le triptyque Cosmocats, SilverHawks et TigerSharks affiche comme chromosome commun une équipe de production quasi identique, en l’occurrence Rankin/Bass. Ces dessins animés ont été imaginés selon un projet bien précis, supporter la vente de produits dérivés, et plus particulièrement des jouets.

C’est Ted Wolf qui a conceptualisé dans les grandes lignes les univers des trois licences évoquées précédemment. Mais le façonnage des personnages, et par extension des déclinaisons plastique, revient à plusieurs artistes dont Bob Camp, Michael « Mike » Germakian ou encore Jim Meskimen.

En effet, ce sont les model sheets originaux ayant servi pour les séries animées Cosmocats, SilverHawks et TigerSharks qui ont été directement envoyés aux toys designers de chaque œuvre. La firme Kenner recevra donc dans ses bureaux – à Cincinnati dans l’Ohio – les documents d’animation estampillés SilverHawks à partir desquels les jouets seront façonnés. Ci-dessous un premier model sheet illustrant Mumbo-Jumbo sous sa forme « apaisée ».

 

 

La mention « Mumbo Jumbo (I) » fait justement référence à cette forme physique avant augmentation de la masse musculaire. Les annotations en haut du document – inscrites en japonais – proviennent très certainement du studio nippon Pacific Animation Corporation.

Cette société d’animation basée au pays du Soleil Levant a largement œuvré sur le DA des SilverHawks même si le studio d’animation coréen Hanho Heung-Up fût également contributeur, tout comme la firme AIC. Par ailleurs, on soulignera l’orthographe provisoire « Mumbo Jumbo » sans le trait d’union entre les deux mots.

Ci-dessous un second model sheet illustrant notre Minotaure de Limbo sous sa forme physique augmentée. Pour rappel, Mumbo-Jumbo a la capacité de changer de masse musculaire selon son degrés d’énervement, lequel est matérialisé par une gemme située au niveau du front. Lorsque celle-ci passe du bleu au rouge, il ne faut pas rester sur le chemin de « monsieur muscle ».

 

 

On retrouve sur ce deuxième document conceptuel un dénominatif en lien avec la forme du personnage, « Mumbo Jumbo II (transformed) », toujours sans trait d’union. Les inscriptions sont également en japonais selon le studio d’animation nippon évoqué précédemment.

L’élément qui me semble le plus intéressant, c’est la posture du Mumbo-Jumbo représenté sur le model sheet. En effet, le Minotaure de Limbo apparait désormais quadripède comme pour rappeler que la part de bestialité a pris définitivement le pas sur le peu d’humanité que le design du personnage suggérait. Un aspect primitif corroboré par l’incapacité de Mumbo-Jumbo à parler dans la série animée.

Je n’ai malheureusement pas les compétences pour déchiffrer les textes rédigés en japonais. Je pense cependant que ces derniers font mention d’un profil cybernétique/biomécanique et d’une capacité de rechargement via un câble qui se connecte dans le dos de Mumbo-Jumbo, comme c’est observable dans le dessin animé. Le changement de couleur de la gemme pourrait également être évoqué.

Ci-dessous un troisième model sheet illustrant notre Minotaure de Limbo. J’attire votre attention concernant les indications numériques.

 

 

La référence chiffrée 5,300 est clairement une unité de mesure relative à la création de l’action figure. La calibrage est bien évidemment en pouces soit environ 14cm (13,4 pour être précis). Les dimensions avancées lors de la conceptualisation du Mon*Star de plastique étaient de 5,48 pouces, ce qui représente approximativement 14cm (13,91 au millimètre près).

Même si ces références numériques ont très légèrement différé sur les modèles définitifs, on retrouve un écart de taille entre les action figures de Mumbo-Jumbo (cou rétracté) et Mon*Star qui correspond de manière proportionnelle/significative aux mesures mentionnées sur les documents conceptuels.

A titre de comparaison, je joins ci-dessous la planche préparatoire en lien avec la création de la déclinaison plastique relative au leader maléfique de Limbo ainsi qu’une mise en perspective entre les action figures de Mumbo-Jumbo et Mon*Star.

 

 

Le document conceptuel suivant entre clairement dans le cadre du façonnage propre à l’action figure de Mumbo-Jumbo. Il s’agit précisément d’un transparency art, c’est-à-dire une illustration réalisée sur un feuillet translucide. Celui-ci avait pour vocation d’être placé dans un dispositif de vidéo-projection afin d’être visible de manière simultanée par plusieurs personnes.

Les transparency arts étaient souvent utilisés lors des réunions et autres débriefings permettant d’apporter un regard critique collectif sur une réalisation alors en cours de développement. On retrouve sur le document conceptuel ci-dessous la référence numérique 5,300 mais surtout un Mumbo-Jumbo représenté de manière beaucoup plus sommaire à travers un design qui suggère clairement un personnage de plastique.

D’un point de vue orthographique, le trait d’union n’est toujours pas présent dans le dénominatif relatif à notre Minotaure de Limbo. Ce concept art a été réalisé en mai 1985. Notez que sur l’intégralité des documents partagés jusqu’à présent, il n’est fait d’aucune manière référence à Airshock, le « weapon bird » de Mumbo-Jumbo.

 

 

La version musculeuse, massive et quadripède de Mumbo-Jumbo sous sa forme enragée me conduit à partager un autre document conceptuel estampillé SilverHawks. Plusieurs jouets destinés à la gamme des aigles d’argent ont été imaginés sans pour autant avoir été pleinement développés. Ces modèles de l’ombre, quasi exclusivement des oiseaux « king size », auraient très certainement appartenus à la seconde série de 1988 voire même à une hypothétique troisième mouture. C’est fortement envisageable.

Le concept art qui va suivre illustre un « véhicule » pour le moins étonnant. On peut parler d’oiseau « king size » robotique, lequel semble être associé à Steelwill (rien n’est certain). Il s’agit du « Flightless Battle Eagle Motorized Muscular Big Bird« . Voilà une création (possiblement motorisée via un système à piles) clairement prévue pour la guerre. Un aspect souligné par la mention « four legged war ».

L’hypothétique association avec Steelwill rejoint également la thématique du musculeux, du massif physiquement, avec un engin assimilable à un aigle qui ne volera pas. Nous sommes effectivement plus proche du véhicule blindé terrestre que du volatile. Cet oiseau « king size » mécanique serait par logique assimilable aux forces du bien, un atout majeur pour Quicksilver et ses acolytes.

Le créateur de cette machine de métal est John K. Fertig. C’est un toy designer qui a œuvré sur la série d’oiseaux conceptuels « king size » SilverHawks mais c’est surtout un nom trop rarement cité, lequel a collaboré avec la firme Marvin Glass & Associates. Cette société spécialisée dans le développement de jouets a largement officié dans les années 60, 70 et 80, notamment pour des géants comme Mattel, Hasbro et Kenner.

Le développement des oiseaux « king size » évoqués précédemment avait été confié à la société Marvin Glass & Associates. John K. Fertig était très certainement un toys designer en freelance qui travaillait de près avec cette firme. Je prévois d’ailleurs d’ici peu une production afin de présenter dans le magazine plusieurs documents préparatoires illustrant ces oiseaux « king size » conceptuels SilverHawks.

 

 

Epilogue

Un sujet peut en amener un autre. Evoquer la période conceptuelle d’un jouet, en l’occurrence vintage, c’est voyager et se laisser emporter par le parfum enivrant de la découverte. Ces coulisses créatives me fascineront toujours, notamment parce que je les perçois comme un moyen de compréhension véritablement stimulant.

Mumbo-Jumbo est un dénominatif qui « sonne » auditivement mais c’est surtout bien plus qu’une simple action figure anthropomorphique. C’est un concentré d’idées, de concepts, la synthèse d’un passé, d’une époque avec ses modes et ses tendances. Nos jouets vintage sont véritablement le produit d’influences diverses tantôt convenues, tantôt très surprenantes.

Il reste bien des choses à découvrir concernant la licence SilverHawks. Je m’emploie quotidiennement, avec humilité, à disséquer cette gamme de jouets pour laquelle je porte une affection sans limites. Aussi d’autres productions relatives aux aigles d’argent sont à venir dans FulguroPop puisque celle d’aujourd’hui a ouvert une brèche qui ne demande qu’à être explorée.

J’espère que cette petite parenthèse à la fois vintage et conceptuelle aura été agréable à parcourir. Rendez-vous d’ici peu afin de (re)découvrir ensemble un nouveau jouet des années 80. Merci à tous pour vos lectures. Ce dossier est affectueusement dédié à Pascal alias KissFan, un inconditionnel de la licence SilverHawks. Je vous invite à lire ses travaux remarquables sur le forum Eternia Antique.

6 comments

jp says:

On arrive à en apprendre encore et le concept art de fin est la cerise sur le gâteau. De Mumbo, tout ce dont je me souviens, c’est un bref passage dans le générique, le jouet par contre rien. Je vois bien en jouet le méchant Mon*Star, et celui à la scie, c’est tout. Tout ce que j’ai pu déchiffrer en katakana de Mumbo-Jumbo c’est Mumbo-Jumbo (lol trop fort), robot, et métal. Sinon, sur la licence, je ne comprends pas (ou je n’ai jamais compris, ça marche aussi) pourquoi les méchants ont aussi des oiseaux comme armes ? Les Hawks je comprends, mais pas les méchants ?

Nicko says:

On en apprend toujours mon JP, moi le premier ! 🙂

Le « méchant à la scie » que tu évoques est Buzz-Saw. Pour répondre à ton interrogation qui a du sens, je te dirais que même si la thématique des volatiles s’applique largement aux forces du bien, en l’occurrence les SilverHawks, rien n’empêchait de l’étendre à une partie des malfrats de Limbo. A la seule condition – et celle-ci me semble avoir été parfaitement respectée – proposer des design qui offrent des weapons birds visuellement « maléfiques ». Ainsi le Sky-Shadow, le Shredator ou encore Airshock, affichent un aspect tantôt incisif, tantôt agressif, voir même brutal et vampirique. Des formes inquiétantes qui conviennent parfaitement à la evil MOB.

sith says:

Ce concept de l’oiseau king size est super sympa, ça m’aurait interpellé ça ! Il me tarde de voir aussi à quoi vont ressembler les figurines de super7 sur cette gamme… incontournable. Pour le Minotaure, le choix du bad guy s’impose très bien dans un combo de méchants ! Pauvre bête…

Nicko says:

Merci Chris pour ta lecture et ton intervention ! 🙂

Je te rejoins, le concept final de l’oiseau « king size » m’a également séduit. J’aurais aimé le voir décliné en prototype, si tant est que celui-ci existe. Rien n’est certain.

Bravo encore Nicko pour ce dossier époustouflant. J’aurais bien une théorie sur les mesures mentionnées en pouces. Est-il possible selon toi qu’ils aient voulu dire 5″3/8 et 5″4/8 ? Je crois que le 1/8 est l’unité standard de subdivision du pouce. C’est juste que je trouve bizarre de mélanger système décimal (sur lequel est fondé le système métrique) et système impérial. Après d’autres exemples existent dans ce sens, les fameux 3″3/4 ou 3.75″ des figurines 10cm notamment.

Nicko says:

Merci mon Ju pour ton soutien indéfectible ! 🙂

Je répondrais à ton interrogation en te disant que j’ai en ma possession des concept arts G.I.Joe qui proviennent des archives d’Hasbro et les annotations concernant les dimensions précisent bien du 3 3/4″. Je pense que si les formats avancés sur les documents conceptuels présentés dans mon papier avaient comporté des quarts ou bien des huitièmes, ceux-ci auraient été clairement mentionnés. Mais rien n’est sûr et ta remarque m’encourage à transposer en centimètres les mesures que tu suggères afin de voir si celles-ci s’accordent parfaitement avec les action figures concernées. Merci pour la piste que tu as ouverte 🙂

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