Les traductions françaises des oeuvres de Tolkien

Il y a quelque temps j’avais présenté cette vidéo sur les réseaux sociaux.

 

@fulguropop #tolkien #silmarillion #lordoftherings #hobbit #seigneurdesanneaux #traduction #livres ♬ son original – fulguropop

Cette vignette se voulait un teaser pour évoquer le sujet d’aujourd’hui. Allons-y donc.

Si vous avez ouvert une édition récente du Seigneur des anneaux récemment, vous avez probablement tiqué sur certains détails. Des noms bizarrement familiers, mais différents de ceux que vous connaissiez par les livres ou par les films de Peter Jackson. L’explication est simple. Tous les livres de Tolkien ont été traduits à des époques différentes sans grand souci de cohérence apparente. C’était vrai dès les premières traductions du Seigneur des anneaux, du Hobbit et du Silmarillion pour ne parler que de ces trois grands livres majeurs de l’oeuvre de JRR Tolkien. Je mets volontairement de côté les livres des contes perdus et autres Contes et légendes inachevés.

Les traductions en français de ces livres ont donc initialement été assurées par des auteurs différents. En effet, Le Hobbit a été traduit par Francis Ledoux en 1969, Le Seigneur des anneaux par lui également en 1972-73 et le Silmarillion a été confié à Pierre Alien en 1979. Notons que le même auteur peut affiner sa traduction. Ainsi chez Francis Ledoux, on observe des différences radicales dans les traductions de certains noms propres. Nous y reviendrons.

Toutefois, par souci de cohérence, depuis 2012, le Québecois Daniel Lauzon assume la lourde charge de traduire l’ensemble de l’oeuvre de Tolkien pour les éditions Bourgeois.  Il a d’abord retravaillé sur Le Hobbit (2012) avant de s’attaquer au Seigneur des anneaux entre 2014 et 2016 et de sortir récemment (décembre 2021) une nouvelle traduction du Silmarillion.

La traduction de Daniel Lauzon se veut plus précise, plus en prise avec l’univers créé par Tolkien. La maîtrise de la grammaire elfique est par exemple précieuse dans la traduction des féminins et des masculins en français. De surcroît, Daniel Lauzon articule la traduction du texte avec celui des appendices, un peu délaissés par Ledoux.

Bilbo & Bilbon

Pour la première traduction de The Hobbit en 1969, Francis Ledoux reste très proche du texte anglais. Il s’abstient de traduire les noms propres. Dans mes souvenirs de collège, le héros du Hobbit s’appelle bien Bilbo Baggins. Ce n’est qu’au début des années 1970, que Ledoux décide de traduire les jeux de mots sous-jacents à la plupart des noms propres de la Terre du milieu. Les anthroponymes autant que les toponymes méritent ainsi d’être traduits pour que le lecteur saisisse à la fois l’histoire et l’ambiance, le climat des lieux qu’il visite à travers les héros.

Bilbo Baggins devient donc 1972 et jusqu’en 2014, Bilbo Sacquet. Sous la plume de Daniel Lauzon cependant, on revient à Bilbo, mais avec un nom de famille traduit (différemment cette fois) par Bessac. J’avoue préférer la traduction de Ledoux au moins pour les prénoms en « o ». L’habitude française me semble de transcrire les noms propres finissant par « o », en latin par exemple, par le son « on ». On peut citer Pluto/Pluton, Nero/Neron… Il en va bien entendu de même pour les autres noms en « o » comme Frodo.

En revanche, à la différence de Ledoux, Daniel Lauzon ne francise pas le nom de Bard en lui ajoutant un « e ».

D’autres noms hobbits subissent des modifications légères entre les différents traducteurs. Ainsi le nom de famille Took est transcrit Touque par Ledoux et Touc par Lauzon. Si la différence est subtile la prononciation du Touc (avec un son « ke » plus court) est plus proche de la version originale et par voie de conséquence plus satisfaisante.

Même le pseudonyme de Frodon (pardonnez-moi cette coquetterie, mais je m’en tiens à la traduction de ma jeunesse), Soucolline est légèrement altéré par Lauzon. On aurait pu croire pourtant que cette traduction du Underhill original ne posait pas de problème. Pour reprendre intégralement la structure de la langue anglaise, Daniel Lauzon décide d’ajouter un « s » pour bien marquer le mode de vie souterrain des Hobbits et l’origine de ce nom.

Certains titres sont aussi modifiés, le Master of Lake-Town, traduit par Maître par Ledoux, devient assez judicieusement bourgmestre chez Lauzon. L’Arkenstone, laissée telle quelle par Ledoux, est enfin traduite Pierre arcane par Lauzon. Les exemples sont nombreux et contribuent dans l’ensemble à une traduction plus précise dans les éditions récentes.

Je reste néanmoins convaincu que certains éléments auraient mérité de rester inchangés depuis la traduction de Francis Ledoux. Si j’ai déjà parlé des noms de Frodon et de Bilbon (au moins les prénoms), je souhaiterais maintenant évoquer le titre du premier volume du Seigneur des anneaux. En effet, nous connaissons tous La Communauté de l’Anneau, au moins grâce au film de Peter Jackson. Daniel Lauzon a souhaité transformer ce titre en La Fraternité de l’Anneau (disponible aussi au format poche). Le remplacement de communauté par fraternité semble assez mineur. Je fais toute confiance à Daniel Lauzon sur le sujet, mais ce changement que j’estime cosmétique est assez perturbant pour le lecteur peu au fait des subtilités des traductions.

Voilà qui conclut un propos plus introductif qu’autre chose sur le vaste sujet des traductions en français des oeuvres de JRR Tolkien. J’espère que ce petit dossier vous donnera envie d’approfondir la question. De très bonnes sources existent sur le net à cette fin.

 

 

 

 

Blaster
A suivre

3 comments

jp says:

Intéressant, au moins ici, les adaptations ont au moins le mérite soit d’être de vraies traductions soit de rester très proche du sujet, contrairement à certains films américains se retrouvant avec un nom français plus aguicheurs mais aux fraises par rapport au nom original. Ne me demandez pas de titres de films, je n’ai plus la mémoire de l’un d’eux qui m’avait choqué à l’époque où j’avais appris le titre original.

mindmaster says:

Comme titre aguicheur, je penserais spontanément à l’adaptation moderne (enfin, début 2000 il me semble) des « liaisons dangereuses » version université, avec Sarah Michelle Gellar. Le titre original était « cruel intentions », et son esprit me parait traduire assez bien l’œuvre de Laclos, puisque Merteuil et Valmont jouent avec les sentiments des autres sans égards pour la peine qu’ils pourraient causer, et cherchent juste à détruire des réputations, se venger ou satisfaire leurs désirs. Or le titre français était « sexe intentions », qui en plus d’être du gloubi-boulga, avec un mot orthographié en français dans une construction anglaise, était racoleur et à côté de la plaque. Ce titre m’avait d’ailleurs initialement détourné du film, avant que je le découvre sur canal+, et il m’avait laissé une assez bonne impression (Sarah Michelle Gellar est superbe en méchante). Par parenthèse, je ne saurais trop conseiller le livre de Laclos, une merveille.

Autrement, d’accord avec Blaster sur la traduction de Fellowship of the Ring. il me semble que « fraternité » aurait convenu pour traduire « brotherhood ». « Fellow », c’est « camarade », comme la chanson « he is a jolly good fellow » donne en français « car c’est un bon camarade ». D’ailleurs, « camarade » est bien le terme employé dans mon Harrap’s pour traduire « fellow » (oui, j’ai encore un dico papier, je suis un vieux).

Gus says:

Ah ? Une nouvelle traduction du Silmarion. Chouette nouvelle. J’avais adoré mais je me souviens d’avoir buté sur des termes ou des tournures incohérentes.

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