J’ai déjà évoqué à plusieurs reprises l’importance de la géographie pour la littérature fantastique et la pop culture. Robert E. Howard comme JRR Tolkien proposent une cartographie exigeante de leur monde imaginaire que je vous propose d’explorer dans deux articles.
Chez Tolkien, la Terre du milieu au Troisième âge est une reproduction d’une Europe vaguement médiévale, mais à coup sûr fantasmée. Datée, la leçon d’histoire-géographie mise sur des événements marquants comme les grandes invasions et l’âge des ténèbres ou âge sombre, un concept de historiographie britannique (Dark Ages) largement disputé et critiqué. Toutefois, il ne faut jamais oublier le contexte de la rédaction de l’oeuvre, à savoir, dans ce cas précis, que JRR Tolkien est un auteur de la première moitié du XXe siècle.

Étudions donc la leçon d’histoire-géo du professeur Tolkien.
La Comté
Commençons pas le microcosme de la Comté (devenue Le Comté dans la nouvelle traduction française signée Daniel Lauzon). Avec ses collines verdoyantes et des habitants flegmatiques peu enclins aux aventures, elle s’apparente de toute évidence à l’environnement naturel proche de Tolkien : une campagne anglaise préservée des tumultes continentaux par son insularité.
On le remarque dans les romans, les Hobbits sont peu au fait des événements qui se déroulent au-delà des frontières de la Comté. Leur isolationnisme cache leur migration d’origine. En effet, on sait qu’ils proviennent de la région de l’Anduin, plus à l’est (c’est là que vivait Sméagol avant de trouver l’Anneau), d’où ils ont migré vers l’an mille du troisième Âge sous la pression des Orientaux (Orientais dans la trad actuelle). Dans l’ensemble, ce petit peuple se cantonne désormais à cette petite vallée de moins de 200 km de long, même si certains sont installés un peu plus à l’est à Bree. C’est d’ailleurs un phénomène intéressant dans l’histoire du peuplement de l’Eriador. Bree est la ville d’où partent en 1600 TA les Hobbits qui ont obtenus du roi d’Arthedain (cf infra) le droit de coloniser les étendues désormais inhabitées à l’est de Bree. Vassaux du roi d’Arthedain, les Hobbits s’autonomisent jusqu’à vivre en quasi autarcie après la mort du dernier roi.

Les Hobbits, pantouflards dans leur grande majorité, regardent avec méfiance ce qui vient de l’extérieur et avec curiosité ceux de leurs qui osent franchir les frontières de la Comté. Du fait de ses aventures mystérieuses, Bilbon Sacquet fait figure d’original. Une caractéristique que les films de Peter Jackson ont bien su transcrire.

Si la Comté représente le calme imperturbable de la campagne anglaise, les terres environnantes sont, en revanche, moins paisibles. Elles correspondent, peu ou prou, à de grandes civilisations connues du Ve au XVe siècles et aux troubles et soubresauts de leur histoire. Une histoire que Tolkien a su s’approprier pour donner vie à son récit.
L’Arnor et le Gondor, royaumes númenóréens en exil
Les royaumes d’Arnor et du Gondor sont les vestiges de l’exil des Dunedains de Numénor. On devine derrière le partage de ce vaste territoire de la Terre du milieu l’inspiration que Tolkien a puisé dans l’histoire antique puis médiévale.
La séparation de l’Arnor et du Gondor fait naturellement penser à la division de l’empire romain en 330 entre Empire romain d’occident et Empire romain d’Orient. En effet, après la Chute de Númenor, Elendil et ses fils (Isildur et Anarion) s’installent sur la Terre du milieu où, face au gigantisme du territoire, ils fondent les royaumes númenóréens en exil. A la différence de la division de l’empire romain, celle des royaumes númenóréens se fait ab initio. Elle est due au hasard des sites de débarquement de la flotte numénoréenne. En effet, les frères ont débarqué au sud dans ce qui deviendra le Gondor et le père est lui arrivé en bateau au nord.
Dans les appendices du Seigneur des anneaux, on peut lire :
Là, ils établirent au nord-ouest les royaumes númenóréens en exil, Arnor et Gondor. Elendil était le Haut Roi et habitait dans le Nord à Annúminas ; et la domination dans le Sud était confiée à ses fils, Isildur et Anárion.
Après la défaite de Sauron, et la mort d’Elendil, Isildur prend le contrôle de l’Arnor avec ses propres fils et place Meneldil, le fils de son frère défunt, sur le trône de Gondor. Isildur tombe en l’an 2 TA aux Champs d’Iris avec ses fils aînés, laissant son jeune fils cadet, Valandil, sur le trône d’Arnor. En fait, Valandil ne règnera qu’à compter de 10 TA, en attendant sa majorité. Son cousin régnant sur le Gondor s’autonomise de cette tutelle lointaine et probablement peu légitime à ses yeux. En effet, Meneldil est le dernier roi né à Númenór à la différence de Valandil qui est lui né en Terre du milieu. Il n’est alors plus question de Haut roi dans les faits, le titre se perd même. On a désormais deux royaumes voisins et proches culturellement, mais séparés.

Alors que le Gondor maintient une cohésion territoriale au fil du troisième Âge, l’Arnor s’effondre. De mon point de vue, cet échec de l’Arnor sous les coups de butée des forces du mal venues du nord et de l’est dans Le Seigneur des anneaux, s’apparente dans l’histoire réelle à la la chute de l’Empire romain d’Occident. Elle est cependant précédée, à la différence de mon exemple historique par la division de l’Arnor en trois royaumes. Ainsi, en 861 TA, le roi Eärendur meurt et laisse à ses fils trois royaumes rivaux : Arthedain (entre la mer et vers le nord au-delà de Fornost) , Rhudaur (entre Bree et les Monts brumeux) et Cardolan (au sud est du Brandevin). Cette répartition successorale rappelle celle de l’empire de Charlemagne. Elle signe surtout l’affaiblissement durable de la présence des Dunedains dans le nord de la Terre du milieu. Les trois royaumes se rejoignent au niveau du Mont venteux (Amon Sul) et sur lequel ils revendiquent tous la souveraineté. La tour contenant le Palantir est cependant durablement sous le contrôle des rois d’Arthedain.

La chute de ce qui fut l’Arnor sera provoquée par la formation à l’extrême nord du royaume d’Angmar par le Roi-Sorcier en 1300 TA.
En effet, Rhudaur est d’abord conquis par Angmar en 1349 TA, puis annexé en 1409. Cardolan tomba également en 1409, mais le royaume s’effrita encore lentement, mais entre les épidémies, les guerres et les zones hantées (la vieille forêt, les Hauts de galgals…), la population décrut irrémédiablement.
L’Arthedain fait figure de place forte des Dunedains. Le Royaume se maintient, malgré la perte de ses deux voisins jusqu’en 1974 TA quand Angmar conquit la capitale Fornost. Il s’en est fallu de peu que l’Arnor soit sauvé car l’année suivante, en 1975 TA, l’armée de secours envoyée par le Gondor détruisait Angmar.
Si le Gondor se maintient dans ses frontières, il doit affronter lui aussi la poussée des forces du mal et des divisions internes. Ainsi à compter du 2050 TA, il n’y a plus de roi. C’est l’Intendant (une charge instituée par le roi Rómendacil en 492) qui règne et transmet sa charge à son fils aîné. Le dernier des intendants régnant est Denethor II qui meurt en 3019 TA.
Le Rohan

Pour protéger ses frontières, en 2510 TA, le Gondor va concéder une partie de son territoire pour sédentariser une tribu de guerriers, les Rohirrim en récompense de leur aide militaire décisive au cours de la bataille du Champ de Celebrant. Originaire de Rhovanion, ce peuple (appelé alors Eothéod) de cavaliers devient un vassal du Gondor. Du point de vue historique, les Rohirrim sont un peuple composite (en gros, des vikings à cheval) dont j’ai évoqué l’histoire dans la critique du film animé La Guerre des Rohirrim.
Le Mordor, le Harad, le pays de Rhûn : terres hostiles aux populations agressives

Les régions du sud et de l’est de la Terre du milieu sont le creuset de peuples agressifs prompts à l’expansion géographique vers l’ouest. Une situation qui rappelle le cadre de réflexion de Tolkien qui a reconstruit une Europe occidentale soumise à la pression des grandes invasions de la part des Vandales, des Sarrazins, des Huns, des Mongols, des Vikings…

L’impression qui se dégage de cette géographie est certainement celle d’une citadelle assiégée. Les peuples libres sont adossés à la mer et assaillis de toutes parts, ou presque, par les forces du mal. Ce sentiment accroît l’anxiété des héros dont les Hobbits qui perçoivent pour la première fois les dangers du monde en dehors de la Comté. Reste que les premiers dangers qu’ils affrontent dans Le Seigneur des anneaux ne sont pas des envahisseurs, mais plutôt des résidents plus anciens de l’Arnor : le Veil Homme Saule et les spectres des Hauts de galgals.
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