Hommage à Jean-Paul Belmondo : Merci pour les bébelles

 

« Oui, je suis roi, c’est vrai… […] roi avec un sceptre de bois doré, des diamants de strass et une couronne de carton. »
Sartre d’après Dumas, Kean


Belmondo par Belmondo
(crédit photographique : Régine Nicosia)

Jacques Morice a dit du Voleur qu’il fut le dernier grand rôle de Bébel, ce qui revient à oublier en particulier La sirène du Mississippi, mais surtout à faire du Télérama en considérant ce qui est populaire comme suspect… Car ce que les critiques ont toujours reproché au successeur de Jean Gabin jusque dans son surnom, c’est d’avoir été la figure de la Nouvelle Vague et de ne pas être parti en Abyssinie après. Pire, d’avoir eu les moyens de faire ce qu’il voulait, et de ne pas avoir fait ce qu’ils attendaient !

La rupture qui vaudra paradoxalement sa postérité à Bébel est souvent datée de Stavisky, alors que son « système Cerito » était déjà en place, mais que sa méthode ne l’était pas encore. Ce dosage d’action et de comédie dont il est pour ainsi dire l’inventeur, doublé de la crédibilité du bon artisan et du savoir-faire français, qui s’incarne parfaitement dans le carré de la première moitié des années quatre-vingt : Le professionnel, L’as des as, Le marginal et Les morfalous. Ce dosage moins bien respecté ensuite, avec un Joyeuses Pâques trop bouffon et un Solitaire trop rigide, puis finalement abandonné, comme si le retour au théâtre était devenu la troisième voie, ou la revanche trop retardée sur un milieu qui l’avait mal accueilli.


L’illustration d’un numéro spécial de Première
(crédit photographique : Richard Davies/Good Illustration Agency)

Mais ce n’est pas parce que Belmondo a trahi Michel Grisolia avec son Flic ou voyou que Flic ou voyou est un mauvais film, et ce n’est pas parce qu’il a accumulé les films uninominaux qu’il jouait toujours le même rôle, à moins d’oublier entre autres Le magnifique ou L’incorrigible. On peut toujours s’arrêter aux Jean-Luc Godard, en y ajoutant la trilogie italienne et Léon Morin, prêtre pour ne pas paraître trop sectaire, mais ce serait oublier les Claude Chabrol, les autres Jean-Pierre Melville, les premiers Philippe de Broca et le duo avec Gabin. Ce serait oublier qu’on ne peut pas reprocher à un acteur de jouer différents rôles, et ne pas tenir compte de son regard lucide sur Le guignolo, ni du principe très simple qui consiste à prendre du plaisir pour en donner.

Bébel, en s’opposant au concurrent minéral que représentait Alain Delon, s’est construit une marque entre honnêteté et facilité, une équipe faisant de la belle ouvrage sans éclipser la vedette, et peut-être une stature alors qu’il était le fils d’un sculpteur de renom. Il s’est surtout construit une relation fidèle et sincère avec le public, qui en retour, faisait de ses films des succès dont on a peine à imaginer l’importance aujourd’hui. Et désormais, il est peut-être devenu celui qui attend la main tendue, pour accompagner le spectateur, de L’animal ou de L’alpagueur à Moderato cantabile ou aux Distractions, et le mener du petit cinéma au grand…


Retour à l’hommage animé
(crédit photographique : Art of Effix)

 

 

5 comments

Fansolo says:

Bravo et merci Nicolas pour ce bel hommage. Acteur total en effet, partout à la fois, clivant la cinéphile (ou pas) mais aussi capable d’être là où on l’attendais peut-être moins : je pense à son rôle dans Le Cerveau par exemple, assez neutre et effacé face à Bourvil ou David Niven. Multiple, magique !

Et merci à toi pour l’hommage à travers les robots !

Merci Nicolas pour cet hommage très juste (j’ai l’impression de me répéter, non ?). Jean-Paul Belmondo incarne pour moi un cinéma que j’ai principalement découvert dans les vidéo-clubs autour de 1985-86 avec les VHS René Chateau.

Oui, malheureusement, les hommages se multiplient ces derniers temps… Mais je suis heureux que celui-là vous ait plu, à toi et Fansolo, car il n’a pas été facile à écrire. D’ailleurs, j’ai un peu détourné mon regret en le transformant en colère contre les professionnels du bon goût…

Ben says:

Le cinéma est en deuil depuis hier… Difficile de trouver les mots et de rester positif comme il savait toujours le faire avec tout le monde et par tous les temps. Je salue l’homme qui a réussi à mettre son immense talent avec une décontraction hors norme au service de l’art qui compte le plus pour moi. Je salue aussi ce qu’il a représenté et ce qu’il continuera de représenter à mes yeux: un héros inspirant ciselant ma passion depuis l’enfance. Pour tout et pour toujours: Merci M. Belmondo.

Détourner son regret est parfois salutaire, mais je préfère les souvenirs heureux que la colère.

Je n’oublierai jamais ce jour d’été dans les années 80 sur les Champs Élysée. Accompagné de mon cousin belge et de l’un de mes frères, nous nous promenions en rêvant devant les grandes affiches des cinéma. C’était une fin d’après-midi. Et là, devant ce cinéma qui projetait la « 7ième Cible », nous voyons Belmondo et sa mère sortir de la salle. Incroyable d’autant plus que mon frère venait d’acheter un peu plus tôt une photo du « Doulos » en noir et blanc. Nous sommes allé le voir et il nous a répondu avec sa gentillesse coutumière: « Si vous trouvez rapidement un stylo je signe la photo ».

Je n’oublierai pas non plus quelques 30 années plus tard, une autre rencontre au Théâtre de la Gaîté Montparnasse. Cette fois-ci avec mon père, nous nous étions décidé à aller voir Jean Dulery. Mais le spectacle ce jour-là a été dans la salle. Jean-Paul était venu voir son ami. Nous sommes allé à sa rencontre juste avant le début de la représentation. De nouveau sa disponibilité et sa gentillesse m’ont frappé. Lors d’une photo souvenir prise par mon père, il a eu ce conseil pour lui: « Prenez votre temps et reculez un peu sinon vous allez rater la photo ».

Bref, j’ai toujours rêvé et peut-être comme une grande majorité des français qui aiment le cinéma que Belmondo, c’est un peu la famille.

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *