L’année 1988 est un cru que j’ai beaucoup apprécié en termes de jouets. Sur le plan vidéoludique et à titre personnel, c’est une date qui m’est indissociable du jeu Double Dragon sorti sur la console de salon Sega Master System. J’ai un affect très particulier concernant ce titre développé par Technos et édité par Taito. Il m’a clairement marqué de manière indélébile et c’est pourquoi j’ai choisi de le mettre à l’honneur aujourd’hui.
Le jeu Double Dragon est une véritable synthèse des années 70 et 80, sur le plan esthétique mais également scénaristique. En préambule, je souhaiterais rappeler que le titre est né sur arcade en 1987. Je considère Double Dragon comme le précurseur du style beat them all, même si les jeux Kung-Fu Master et Renegade avaient déjà posé des bases auparavant. Je reviendrai en détail sur cette remarque dans quelques lignes.
Scenario et modes
Le jeu Double Dragon propose un pitch assez sommaire. Billy Lee, le personnage principal, doit affronter le gang des Black Shadows afin de libérer sa chère et tendre, Mary Ann, kidnappée par ces derniers. Il vous faudra combattre plusieurs ennemis dans des environnements différents afin d’atteindre le leader des Black Shadows, Willy.
La tâche étant ardue, Billy pourra recevoir l’aide de son frère, Jimmy. En effet, un mode deux joueurs, faisant écho au titre du jeu, apporte une dimension coopérative à Double Dragon. Les personnages Billy et Jimmy apparaissent comme des experts en arts martiaux. Le Kempo « ancien » est évoqué dans la traduction française au dos de la boite (qui comporte d’ailleurs plusieurs coquilles et une syntaxe catastrophique. Hasbro France ? Ah ah !).
Sur l’artwork du front box, particulièrement bien réalisé, on note la présence de tatouages sur les épaules des deux protagonistes : un marteau et une pointe. Une référence aux particularités martiales de chaque personnage ainsi qu’au lien fraternel les unissant. On peut également parler d’une métaphore de la complémentarité.
Gameplay et esthétique
Le titre Double Dragon appartient à une ère de transition concernant le domaine vidéoludique. La technicité et les évolutions en termes de gameplay allaient s’accentuer dès le début des années 90. C’est en ce sens que je considère Double Dragon comme un précurseur notable du beat them all.
Le mode coopératif évoqué précédemment ainsi qu’un déplacement possible dans les champs de profondeur constituent des évolutions majeures et novatrices.
En termes de mouvements, Billy et Jimmy pourront utiliser leurs poings et leurs pieds pour maltraiter les adversaires. Des attaques en sautant seront possibles tout comme des coups de têtes ou des coups de genoux au corps-à-corps (suivis d’une projection).
Des éléments du décor pourront être également utilisés. Ainsi au fil des niveaux, on pourra projeter un couteau, un baril, un rocher ou encore de la dynamite. Un fouet et une batte de baseball amélioreront épisodiquement votre puissance de frappe.
Sur le plan esthétique, Double Dragon est un jeu très coloré, une particularité propre à la Master System qui offrait des titres avec des couleurs vives. Pas moins de 4 niveaux différents proposeront des environnements allant de la rue en passant par une usine jusqu’à des jardins en extérieur. Le tableau final sera le quartier général des Black Shadows.
Si on contextualise les choses tout en tenant compte des 8-bits de la Master System, je trouve le rendu plutôt réussi. Même si certains ennemis sont récurrents sous des couleurs différentes et que des clignotements sont présents, l’atmosphère générale de Double Dragon demeure très agréable.
Quelques mots sur les différents personnages : Billy et Jimmy offrent des couleurs inversées, évoquant leur fraternité voire leur gémellité. Des teintes vives, comme le rose, le rouge ou le orange apportent une dimension très punk rock (aux ennemis notamment). Le design général des personnages s’inscrit parfaitement dans ce thème.
Enfin impossible de ne pas mentionner Abobo, le colosse chauve évoquant un Sagat boursouflé ou encore Willy et son style assez futuriste.
Culture et références
Le background de Double Dragon, tout comme son esthétique, renvoient à des éléments culturels évoquant les années 70 et 80. D’abord le scénario suggère des films comme Un Justicier Dans La Ville (1974) ou encore Commando (1985). La dimension post-apocalyptique des ennemis, à travers le design punk, est à mettre en perspective avec des œuvres comme Ken le Survivant (1983) et Mad Max (1979). En ce sens, le pitch original japonais de Double Dragon campe un monde ravagé par une guerre nucléaire.
Un peu plus en détail, le style vestimentaire mais également capillaire de la plupart des personnages corroborent à la dimension punk rock mentionnée précédemment, via notamment des « coupes bananes ». Nominativement et à travers leur maitrise des arts martiaux, Billy et Jimmy Lee sont une référence à Bruce Lee, tout comme le terme « dragon ». Sur la jaquette du jeu le personnage principal, Billy, est blond. Un « code » intimement lié aux forces du bien.
Concernant le design environnemental, la scène introductive du premier stage illustre une grosse cylindrée dans un garage. Le bolide m’évoque une Pontiac GTO très proche du design de Stinger dans M.A.S.K. Autre remarque : le dernier tableau met en scène une demeure magistrale avec des ornements divers. Un poncif qui souligne la puissance et la domination dictatoriale du boss final.
Les ponts culturels sont innombrables. J’aurais pu évoquer les bandeaux dans les cheveux de Billy et Jimmy, sur l’artwork de la boite, rappelant le film The Karaté Kid (1984). Je vous laisse le soin d’établir d’autres symétries.
Epilogue
Je garde un souvenir impérissable du jeu Double Dragon sur Sega Master System. Les musiques du premier et du dernier niveau résonnent encore dans ma tête. La puissance relativement limitée de la console n’a pas empêché les développeurs d’être créatifs et originaux.
Seuls petits bémols, la durée de vie du jeu, trop courte avec ses 4 stages et un aspect parfois répétitif. Il est également possible à Billy et Jimmy de se frapper mutuellement. Une opposition fratricide qui peut être perçue selon les sensibilités comme amusante ou bien handicapante. Les qualités demeurent malgré tout.
Enfin il faut bien le dire, sans le titre Double Dragon, des licences comme Final Fight ou encore Streets of Rage n’auraient probablement pas vu le jour. Les porosités stylistiques sont évidentes.
J’ai été très heureux d’évoquer Double Dragon sous sa déclinaison Master System. Le portage Sega a définitivement une place dans mon cœur. J’espère que le plaisir a été communicatif. N’hésitez pas à partager avec nous via l’espace des commentaires vos souvenirs et anecdotes vidéoludiques. Merci à tous pour vos lectures. Cette production est spécialement dédiée à Tom du blog TomTom’s lair.
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FurySanctuary
•4 ans ago
Mon premier jeu 2 joueurs sur la SMS (ma première console de salon), qu’est-ce qu’on a pu jouer. Il faudrait que je le retrouve à l’occasion.
Nicko
•4 ans ago
Idem Furynette, la Sega Master System a été ma première console de salon. Je l’avais eu en cadeau avec Black Belt de mémoire, sur lequel je reviendrai bien évidemment dans le magazine. Double Dragon m’a marqué, je l’ai découvert en vacances chez un ami pour mes 8 ans. Un véritable choc, il me le fallait.
Blaster
•4 ans ago
Je l’avais emprunté à un pote en 3ème et c’était vraiment top ! Merci Nicko.
Black Belt était aussi un très bon titre, plus linéaire dans mon souvenir. J’y ai énormément joué.
Nicko
•4 ans ago
Avec plaisir Ju ! 😀
Oui, Black Belt c’était du scrolling horizontal typique avec des sauts, assez répétitif dans son ensemble. Mais c’est aussi une refonte édulcorée du jeu Ken le Survivant propre à l’Europe.
Blaster
•4 ans ago
Oui, je n’ai appris la filiation que récemment. J’ai été surpris.
ayorsaint
•4 ans ago
Pour ma part j’avais joué à la version Game Boy. Un très bon souvenir…
Tu évoques aussi Renegade que j’avais fait sur Amstrad CPC et qui était son précurseur bien sympa lui aussi.
Mais évidemment le roi en la matière arrivera quelques années après en la personne de Streets of Rage 2, toujours pas dépassé aujourd’hui. Le 4 arrive bientôt et j’ai très hâte de voir ce que ça va donner !
Nicko
•4 ans ago
Merci Ayorsaint de partager tes souvenirs vidéoludiques avec nous ! 😀
Streets of Rage est une licence exceptionnelle. J’y ai joué sur Sega Mega Drive et Game Gear dans mes souvenirs. Si on parle beat them all, mon « roi » à moi c’est la série des Final Fight. J’ai d’ailleurs en tête de rédiger une petite production concernant les deux premiers opus. Haggar a clairement marqué mon parcours vidéoludique, tout comme Zangief dans un autre registre. L’esthétique Capcom me séduit particulièrement et ce peu importe les jeux.
ayorsaint
•4 ans ago
Capcom est après Nintendo mon éditeur phare c’est clair. Que de franchises cultes… Vivement ton papier sur Final Fight alors !
Nicko
•4 ans ago
C’est en cours de rédaction 😉
TomTom
•4 ans ago
Une dédicace sur un article qui parle de Sega Master System! Merci 🙂
Si elle n’a pas été ma première console de salon, elle n’est pas arrivée très longtemps après chez moi. Elle a remplacé une compatible SD70 qui était partie en fumée – ou SD50, les souvenirs sont un peu flous… En tout cas, à l’époque, c’était vraiment quelque chose! C’est probablement la raison de mon inclinaison envers Maître Sega 🙂
Cette console m’a laissé de sacrés souvenirs!
Pour le jeu en lui-même, je n’y ai que peu joué dans cette version (plus sur NES chez les copains ou quand on s’échangeait les consoles, sur GB ou même sur arcade!) et si la version Master System a bien des qualités que devait lui envier sa rivale de l’époque, là où elle pèche vraiment, c’est au niveau du son. La musique manque tellement de peps et d’énergie! Quel dommage, ces musiques sont tellement énormes!
Quoiqu’il en soit, jouer à deux en même temps n’était pas si courant à l’époque et pour ça on pouvait bien accepter quelques compromis…
Nicko
•4 ans ago
De rien, avec plaisir Tom ! 🙂
Merci pour tes précisions et tes anecdotes de jeunesse. J’apprécie lire des avis éclairés concernant les jeux et les consoles dans la rubrique FulguroZik. Je suis un novice dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres d’ailleurs. J’ai possédé la Master System dans mon enfance mais pas la NES. J’ai connu la petite protégée de Nintendo mais seulement chez des amis. Dans mes souvenirs, je préférais de loin la 8-bits de Sega, notamment pour des licences exclusives comme Alex Kidd. Mais surtout j’ai découvert les jeux vidéo avec la Master System dans ma prime jeunesse, ce qui explique mon affect.
Benjamin
•4 ans ago
Encore un article très agréable à lire.
Merci monsieur Nicolas.
M’étant mis au retrogaming il y a environ 2 ans et ayant une Master System, c’est un jeu que j’ai prévu d’acheter prochainement. Je suis sûr que je prendrai un certain plaisir à le découvrir. Car je ne le connais pas. Je ne l’avais pas dans ma ludothèque étant petit.
Mais, cet article me le confirme, Double Dragon est un jeu à avoir sans nul doute.
Pour la petite anecdote, je me souviens de la version sur Atari ST. Un de mes meilleurs amis d’enfance l’avait. Et on prenait beaucoup de plaisir à passer nos mercredis après-midi dessus ! 🙂
Nicko
•4 ans ago
Merci Benjamin pour ta lecture et ton message 😀
Alors je t’avoue que je ne suis pas un expert dans le domaine des jeux vidéo. Je suis expert en rien d’ailleurs. Mais je m’y intéresse de manière occasionnelle, comme un loisir. Je voulais également apporter à FulguroPop une dimension supplémentaire de celle du jouet vintage. Même si c’est mon domaine de prédilection, il ne faut pas oublier que le magazine traite de la pop culture au sens large. Nous gardons tous en tête ToyzMag, et dans nos cœurs, avec un angle d’approche uniquement basé sur les jouets. FulguroPop en est la filiation directe mais avec des plus values.
La rubrique FulguroPix est donc à la fois une manière d’enrichir le magazine culturellement, selon son identité généraliste, mais également de proposer un contenu qui varie quotidiennement. Cela permet aussi de faire plaisir à l’ensemble des lecteurs.
Le jeu Double Dragon a marqué mon enfance. J’évoque très souvent dans la rubrique FulguroPix des coups de cœur liés à ma jeunesse. Même si je suis un novice dans le domaine vidéoludique, je peux quand même en parler à travers le prisme de l’affect, du souvenir.
Merci encore pour ta présence Benjamin ! 🙂