FulgurAnime débat : Pourquoi j’ai compris la fin de SNK et pas vous !

Le titre se veut volontairement racoleur et vous vous doutez bien qu’à FulguroPop on n’est pas là pour ça mais je trouvais l’hommage à Durendal intéressant. Plus d’un mois après le dernier épisode en animé de SNK, j’en ai vu passer des vidéos et des avis sur cette fin… Mais je suis toujours aussi surpris que certaines personnes, qui font des analyses très poussées et intéressantes habituellement, soient ainsi passées à côté de la fin de ce chef d’œuvre. Je ne veux pas dire par là que je m’estime supérieurement intelligent au point d’avoir mieux compris qu’eux. Cependant, j’ai pu entendre ou lire des choses qui m’ont interpellées. Le plus souvent, j’ai trouvé certaines de ces idées trop arrêtées ou butées, quand Shingeki no Kyojin nous invite à faire tout l’inverse.

 

Je pense qu’une partie de ces incompréhensions ou de ce rejet tient au rythme de diffusion de la série. Cette saison 4 s’est trop étalée en longueur et beaucoup n’étaient « plus dedans » au fil du temps. Il me paraît en effet essentiel d’avoir une vision globale assez précise au moment de visionner cette fin. Beaucoup d’éléments nous sont donnés à interpréter en peu de temps et il s’agit d’être totalement imprégné de l’œuvre afin de pouvoir en profiter pleinement. Bien entendu, même ainsi, il se peut que les choix faits par Isayama ne vous conviennent pas malgré tout. Il s’agit d’une vision, et chacun selon sa propre sensibilité adhérera ou pas à cette dernière. Tant que nous sommes dans l’ordre du ressenti, la subjectivité est de mise et les avis peuvent diverger, fort heureusement. Ceci étant posé, il me semble toutefois que nombreux sont ceux à ne pas avoir appréhendé correctement certains éléments de cette fin. Ce papier a pour but de les éclaircir ou d’en donner mon interprétation.

Le premier de ces éléménts qui me vient concerne les passages de conversation entre Eren et Armin d’une part, Eren et Mikasa d’autre part. Je suis toujours aussi circonspect lorsque je m’aperçois que certains les ont pris comme faisant partie de la réalité de l’œuvre. Il ne s’agit pas de moments réels à proprement parler! A aucun moment ces deux conversations n’ont physiquement eu lieu. Il s’agit de souvenirs implantés artificiellement par Eren dans l’esprit de ses deux plus fidèles compagnons. Ces souvenirs n’ont pour autre but que de leur donner le courage d’aller au bout de leur mission et d’accomplir leur destinée. C’est pour cela qu’Eren apparaît aussi pathétique et insupportable aux yeux d’Armin et aussi amoureux et désabusé à ceux de Mikasa. Non, Eren n’a jamais été ainsi tout au long de l’œuvre. Et non, il ne l’est pas devenu brutalement à la fin. Il s’agit simplement de ce que ses amis devaient voir et ressentir pour trouver en eux la force de venir à bout de leur ami génocidaire. Peut-être que certaines parts de lui sont véritablement ce qu’il montre dans ces deux souvenirs artificiellement implantés, mais dans la réalité, il ne les a jamais laissées entrevoir. Et par voie de conséquence, il n’y a donc aucune incohérence avec sa personnalité entrevue jusqu’ici. Et puis, je suis également surpris des réactions de ceux qui ne comprennent pas cet état car tout au long du manga, Eren n’est pas connu pour sa stabilité émotionnelle sans faille si ? Alors pourquoi tout à coup, le voir avec des failles psychologiques poserait-il autant de soucis ?

Le deuxième reproche qui revient bien souvent est l’orientation très sentimentaliste de cette fin. Mikasa aime Eren. Le personnage féminin si fort des trois premières saisons s’effacerait petit à petit pour laisser place à un personnage féminin plus convenu, dépendante de son amoureux. On n’a pas du voir le même manga les amis ! Souvenez-vous qu’en saison 1, lorsqu’elle apprend la « fausse mort » d’Eren, elle est prête à se suicider en se laissant bouffer. Si ensuite on assiste plus souvent à une Mikasa forte, c’est parce que le personnage d’Eren, lui, devient à la fois fort mais aussi impuissant face à ce pouvoir qu’il ne maîtrise pas. Mikasa doit alors le protéger des autres et de lui-même. En réalité, son évolution a toujours été parallèle à celle d’Eren. C’est bien aussi parce qu’Eren est longtemps insupportable que Mikasa (ainsi que Livai) finissent par lui voler la vedette. Au moment où Eren prend toute son ampleur en début de saison 4, Mikasa doit s’effacer. C’est arythmétique… Livai aussi va disparaître de cette saison 4 d’ailleurs. Ensuite, il y a toutes les autres histoires d’amour. Que viennent foutre des histoires d’amour dans SNK ? Vous avez la mémoire courte là aussi. Ymir et Historia. Reiner et Historia. Jean et Mikasa. La trame narrative de SNK est constellée d’histoires d’amour. Mais lorsqu’arrive la fin, il faut s’occuper de la principale d’entre elles et bien entendu, elle va prendre de la place. Comment traiter le lien Mikasa/Eren comme celui des autres ? On aurait fait à Isayama un autre type de procès sans ça. Reste l’histoire reliant Ymir première du nom au Roi Fritz. Ici, force est de reconnaître que c’est quand même fort de café. Elle aura aimé pendant 2000 ans la pire saloperie possible… Bon, il faut bien quelques imperfections pour rendre cette œuvre humaine non ? Car effectivement, faire un parallèle entre elle et Mikasa semble compliqué tant l’une s’est murée dans ses erreurs des siècles durant tandis que l’autre saura faire fi de ses sentiments pour accomplir sa destinée.

Enfin, le dernier élément d’incompréhension est lié au manque de courage de l’auteur qui n’aurait pas assumé jusqu’au bout le Eren méchant. Mais en réalité Eren n’a jamais été méchant ou gentil ! C’est La première grande partie de SNK qui était plus manichéenne et par conséquent plus simple à lire et analyser. L’humanité contre les Titans. Et quand certains humains deviennent Titans, là encore pas de soucis, ils sont plutôt les méchants. Mais à partir de la saison 4, tout bascule. Il n’y a plus de gentils et de méchants. Il n’y a plus que du gris. Beaucoup de gris, dans lequel certains ne se sont peut-être pas retrouvés. Surtout que le type de récit change lui aussi. On passe de la survie dans un monde fantastique moyenâgeux à de l’espionnage dans un monde contemporain mécanisé. On peut comprendre que certains se soient sentis déstabilisés. Gardons à l’esprit que si Isayama avait voulu faire d’Eren un « vrai » méchant, il lui aurait fait tuer un personnage important et pas 80 % de la population. Ça peut paraître étrange dit comme ça mais, narrativement parlant, ça a du sens. Gaby tue Sasha et on l’a tous détestée pour ça… Bref, revenons à notre manichéisme. Eren n’est pas gentil, n’est pas méchant, il est une victime et un humain. Fondamentalement humain. Ce qui le rend très complexe. Trop complexe probablement pour un héros de manga. Je trouve pour ma part que ça le rend fascinant alors qu’il m’a déplu jusqu’au dénouement durant lequel il a enfin su trouver grâce à mes yeux. Pour moi, c’est le dernier grand twist d’Isayama. Cette fois-ci, il n’est pas scénaristique sous forme de foreshadowing mais il est psychologique. Ça ne le rend que plus incroyable à mes yeux. Mais c’est aussi tellement subjectif en fonction de la sensibilité de chaque lecteur. Eren finit comme un personnage pathétique. Mais pas pathétique comme dans la vision qu’il induit chez Armin et dont nous avons parlé avant. Pathétique dans le sens où il nous rend inexorablement tristes. Enfin, on reproche beaucoup le fait qu’aucun personnage n’en veut finalement à Eren pour tout le mal qu’il a fait. A part Mikasa qui continue d’aller sur sa tombe, cela n’est jamais dit… Mais faut-il tout dire ? Et pourquoi va-t-elle se recueillir ? En souvenir de ses actes barbares ou de leur enfance ? D’aucuns auraient préféré qu’Eren soit arrêté et traduit devant la justice. Selon moi, il a amplement purgé sa peine et la plus grande victime de Shingeki no Kyojin, c’est bel et bien lui.

Finalement le fil rouge entre ces trois reproches repose sur le personnage d’Eren. Trop alambiqué et ambivalent pour un « héros » classique, il laissera une trace à part dans la monde de la japanim, à n’en pas douter. Tout comme l’œuvre dans son ensemble. Finalement l’une des plus humaines qu’il nous ai été donnée d’appréhender depuis des années. Car au fond, si elle divise tant sur ses fondamentaux, c’est bien car nous sommes tous des individus à part entière, ni bons, ni mauvais. Simplement différents. Mais également capables d’interpréter un même contenu de diverses façons et de l’acepter dans le partage. N’est-ce pas là l’une des plus grande qualité de l’être humain ? Mise en relief de façon magistrale par l’Attaque des Titans…

Cet article est dédicacé à Galo et Nana avec qui ce fut  un plaisir de visionner cette fin et d’échanger des points de vue qui divergent. Merci les amis 🙏

Ayorsaint

4 comments

jp says:

Je viens seulement de finir la lecture après avoir vu le post facebook. Article très bien rédigée et qui a mis un peu plus en lumière des éléments sur lesquelles je sentais quelque chose sans pour autant mettre des mots dessus. Je n’ai vu que les 2/3 premières saisons, puis comme je n’avais pas la patience d’attendre j’ai lu les mangas. Au niveau personnalité je pourrais comparé Eren à un Thanos, mais comme il est le héros de l’histoire au début, je le rapprocherai peut-être plus de Ozymandias couplé à Dr Manhattan. Ce qui m’a plus déranger dans cette fin c’est que je m’attendais à un twist final, plus exactement à mon twist final. Dans la première saison Eren a comme une vision et se réveille au bord d’un ruisseau ou talus (il me semble) avec Armin à côté de lui. J’aurai aimé que tout ce qui se passe jusqu’à la fin soit en faite un rêve/vision du futur (comme certains passage ont tendance à montrer la liaison à travers le temps entre les détenteurs du Titan assaillant, voir scène sur le mur dans le passé avec la chouette et le père d’Eren), et que cela lui permette de changer l’avenir pour forcer les nations à la paix, même sous contrainte. Happy End 🙂

ayorsaint says:

C’est typiquement le genre d’oeuvre si complexe et aux multiples interprétations que cela peut se retourner contre elles in fine. En effet, on finit tous par extrapoler une fin que ce soit conscient ou inconscient, qu’on puisse la formuler clairement ou pas vraiment. Ensuite quand la fin de l’auteur arrive enfin on peut être déçu si elle est trop éloignée de ce à quoi on s’attendait toujours consciemment ou non.
Mais ce qui est certain c’est que je ne crois pas qu’on puisse s’estimer floués par cette fin car même si elle ne plaît pas elle n’est pas une fin “facile” comme celle de Lost par exemple. Il n’y a pas de happy end ni de tragédie ce qui a désarçonné beaucoup de gens je crois. Il y a une fin très nuancée et qui ne donne pas clairement toutes les réponses. Chacun doit être capable de faire sa propre analyse. En cela c’est aussi une fin exigeante pour le lecteur.

Lanace says:

Merci pour cet éclairage, je pensais en effet que ces conversation Eren/Armin et Eren/Mikasa s’étaient réellement passées. Cela ne m’avait pas du tout dérangé pour le coup.
Pour ce qui est de la fin, Eren ne pouvait que mourir pour moi. ⚠️ spoiler Alert ⚠️ Et que ce soit de la main de Mikasa, c’est très japonais dans l’esprit. Ce genre de scénarios perturbent les jeunes d’aujourd’hui comme ils l’ont fait dans notre jeunesse avec tous les codes américains dont on a été abreuvé.

ayorsaint says:

Il n’y a aucun moment où Eren et Mikasa auraient pu trouver le temps d’aller vivre dans une cabane au fond des bois. Et il parle avec Armin à tout un tas d’endroits et d’âges différents donc c’est clairement des images.
Je suis d’accord je m’attendais à sa mort et j’espérais au fond de moi que Isayama ai le courage de le faire tuer par Mikasa donc j’ai été exaucé si on peut dire. Mais ce n’est pas le plus satisfaisant dans cette fin. C’est plus la façon dont la boucle est bouclée puis se reproduit…

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