Dossier : Il était une fois… (l’espace et ) Métro par Nicolas

« Ah, ils ne sont pas vrais, ces humains…
C’est bien la peine de se triturer les connexions pour leur rendre service
 ! »
Il était une fois… l’espace, épisode « L’infini de l’espace »

Métro au milieu du catalogue JouéClub de 1982, et au centre de la vitrine sur La revanche des humanoïdes du Toulouse Game Show de 2022
(crédits photographiques : Les Copains d’abord, Nindo64)

Métro, c’est le second robot français des années quatre-vingts après Nono, la version améliorée de l’archétype du savant et le symbole d’une évolution logique, celle d’une série télévisée à caractère didactique couronnée d’un Soleil d’Or. Métro, c’est donc l’incarnation d’un passage, celui de l’utile à l’agréable ou du savoir à l’imagination, de même que ses incarnations concrètes, parties du jouet évident pour devenir objet de collection, tout en posant toujours la même question : que pouvait-il bien avoir dans le ventre ?


Métro en construction dans le premier épisode, et dépossédé de son aile ventrale dans le sixième
(crédit photographique : Procidis)

Métro est le substitut du professeur Maestro dans la série Il était une fois… l’espace, qui a poursuivi sur FR3 la série Il était une fois… l’homme de 1982 à 1983, et qui a elle aussi été créée par le producteur Albert Barillé déjà connu pour Les aventures de Colargol. Son physique original en forme de poire, rappelant la barbe du savant au moyen d’ailes recouvrant ses mécanismes, est une création du dessinateur Jean Barbaud, ce qui le distingue d’un 7-Zark-7 inspiré de R2-D2, et sa voix évoquant un accent britannique ou un ton suffisant est une invention de l’acteur Roger Carel. Apparu dès le premier épisode pour rejoindre Pierrot dès le deuxième, il est construit par Maestro et baptisé par Psi, après qu’il eut malencontreusement appelé Maetro son constructeur. Cet androïde conçu à l’image de ce dernier est capable, si l’on en croit ses propres mots, de faire « tout ce que sait faire [son] maître, sauf [qu’il est] moins brouillon que lui », et parvient jusqu’à analyser l’environnement d’une planète, même s’« il est presque aussi rouspéteur que son maître » d’après Petit-Gros. Il est aussi capable de multiplier les accessoires et les transformations, s’équipant d’une scie ou devenant un véhicule selon les situations, mais le secret de ses pouvoirs est entretenu par des indices parfois contradictoires sur ses mécanismes, même s’il apparaît dénudé dans le premier épisode en annonçant le C-3PO de l’Episode I.


Métro s’apprêtant à déplier ses sièges, et après le crash provoqué par les humanoïdes
(crédit photographique : Procidis)

Ces indices permettent cependant d’avancer deux certitudes : les mécanismes de la tête sont un mystère entretenu, sachant que la bouche permet seulement la phonation, et ceux du corps sont constitués d’un ou plusieurs modules rectangulaires, organisés autour d’un axe télescopique. L’écueil consiste à rationnaliser ce qui ne gagne pas toujours à l’être, en cherchant des explications mécaniques à des capacités spécifiques, ou en prenant pour argent comptant des manifestations humoristiques, comme lorsque Métro fait apparaître des chiffres sur ses yeux pour exprimer un calcul, alors qu’il peut aussi les utiliser pour lancer des rayons. Le quinzième épisode permet d’apercevoir plusieurs fois les mécanismes, après l’ajout de sièges à l’axe puis après le crash sur un astéroïde, et ces vues permettent de confirmer le principe des modules, tout en revenant sur deux idées apparues dès le premier épisode : le robot possède un câblage avec câbles annelés, et une alimentation avec ventilateur ou échappement. Cela laisse une marge confortable d’interprétation aux spectateurs, qui ne s’étonneront donc pas de voir Métro se mettre littéralement en boule ou se révéler poste à soudure, mais aussi aux fabricants de produits dérivés, autrement contraints par la difficulté d’articuler un personnage possédant deux bras fins et rétractables. Les licenciés doivent tout autant tenir compte de l’air du temps, donc du succès des figurines non articulées de chez Schleich, et si l’on s’intéresse aux licences thématiquement proches, de l’apparition de figurines articulées comme le Grag en métal de chez Popy, ou le Nono dont le capot ventral révèle un autocollant argenté, sachant que la transparence n’avait été explorée que par Mattel avec sa poupée Pulsar aux organes visibles.


Le curieux Métro transparent de la gamme Popy, et le « Métro Gum Trésor » des boulangeries
(crédits photographiques : jhudson, Fabrice d’Eure et Loir)

Les incarnations de Métro dans le domaine des produits dérivés datent de deux périodes distinctes, celle de la première diffusion de la série et celle plus tardive d’Hello Maestro !, la marque lancée par le studio d’animation Procidis pour réunir ses séries et ses produits. Deux principes propres à la première moitié des années quatre-vingts sont d’abord illustrés : celui de la double gamme en métal et en plastique avec le Japonais Popy, qui vise de cette manière deux catégories différentes de budget, et celui de la figurine de boulangerie accompagnée d’un chewing-gum avec le Français May, qui capitalise ainsi sur l’attrait des friandises chez les enfants. La question du moteur trouve alors trois réponses différentes : la figurine en métal comporte un capot permettant de révéler un circuit, alors que la figurine en plastique dispose d’une carrosserie transparente laissant apparaître une masse fuselée de mécanismes, et que la figurine de boulangerie a remplacé l’électronique par un chewing-gum. Cette dernière, qui ne fait pas partie des sujets de petite taille renvoyant à la gamme « Maya l’abeille » de chez Zeno, mais fait clairement suite au « Nono Gum Trésor » du même May, est en effet une figurine creuse qui s’ouvre pour libérer son contenu. Les figurines de chez Popy sont donc des figurines pleines, mais aussi le résultat de deux choix apparents : celui d’ignorer l’organisation des mécanismes en modules, et celui de considérer les deux jouets comme complémentaires, d’autant que le premier comporte plus de matière plastique que ses comparses en métal.


Le Métro portugais en forme de bouteille d’Orangina, et le Métro espagnol en forme de bouteille de Perrier
(crédit photographique : NF)

Ces trois figurines sont articulées et commercialisées jusqu’au Benelux, contrairement à la version que Maia & Borges a fabriquée au Portugal, en insérant sa production entre les gammes du Français Delpi et de l’Espagnol Comics Spain. Cette figurine non articulée s’inscrit dans un ensemble s’inspirant largement des figurines en plastique, mais elle est l’exception car elle est la seule à tenir d’une figurine en métal, jusqu’à la la molette située à l’arrière de la tête alors que cette pièce est moulée dans la masse. Une cinquième figurine est apparue à la même époque en Espagne, dans le cadre d’une série d’au moins trois, mais il s’agit d’un bootleg qui ne répond pas davantage à la question du moteur. Cette figurine en métal articulée, dans la mesure où deux des ailes peuvent être levées, est plus haute que large, et si elle présente comme la précédente un bas du corps fermé, elle est fidèle à la physionomie du personnage. Il est possible que Métro ait aussi inspiré un bootleg de petit taille, de type keshigomu ou surprise pour tirette car cela a été le cas de Nono, mais rien ne permet de l’affirmer.


Métro devenu une peluche sous sa forme d’anticorps, et un objet de collection sous les doigts de Roméo Tran
(crédits photographiques : Illufantasy, Cfr Studios)

Après un hiatus d’une quarantaine d’années, la seconde période est caractérisée par trois incarnations, dues aux Français Barrado, Dragon Memories et Cfr Studios, qui ont respectivement conçu une peluche, deux figurines et une statuette. La fidélité de ces incarnations à la source les distingue encore plus que le format choisi : la première est inspirée de la série Il était une fois… la vie, et donc marquée sur le ventre du « V » jaune caractérisant les anticorps, alors que les figurines le sont du film La revanche des humanoïdes, et que la dernière est une reproduction au 1/6, réalisée après consultation de Jean Barbaud avec un grand souci de précision. Si la peluche peut apparaître comme un clin d’oeil au jouet à remonter du premier épisode qui présente un torse similaire, la question du moteur ne s’est posée que dans le dernier cas, car les deux figurines dites de « style rétro » sont pleines et ne se distinguent l’une de l’autre que par la finition. La réponse apportée par Cfr Studios est double : utiliser comme référence principale le sixième épisode, celui où Métro affronte le parent de Goldorak baptisé Goldenbar, et utiliser comme solution pratique des aimants permettant d’accessoiriser les ailes, pour faire apparaître des mécanismes en forme de cube. Cette statuette limitée à quatre cents exemplaires est la première incarnation concrète de l’androïde à ne pas s’adresser aux enfants, et de ce fait la plus fidèle au personnage, sachant que les deux figurines font partie d’une série limitée à mille exemplaires, et donc que Métro est désormais devenu l’objet d’une « collectorification » comme on pourrait dire de la muséification.


Les derniers Métro en date, livrables le 16 mai 2023
(crédit photographique : Dragon Memories)

Métro apparaît comme un personnage très reconnaissable, mais aussi comme l’illustration d’un principe whovian expliquant qu’il soit « plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur », si bien que chacune de ses figurines représente à la fois une option et une fixation, la question du moteur devenant le moyen d’identifier le point de rencontre entre spectateur et licencié. Il a connu moins de déclinaisons que sa version suivante, qui est allée du magnet au timbre en passant par le jeton de jeu, car sa série fait figure de déviation artistique dans l’univers d’Hello Maestro ! alors que la suivante a rencontré un succès durable, mais il est avec son constructeur le personnage le plus représenté de la marque sous la forme d’une figurine.


Métro et Nono se rencontrent enfin, au détour du projet de jeu de tarot The Shõnen Avengers
(crédit photographique : ZeMiaL)

Remerciements à Joel et Cfr Studios, Rebeka Terrier et La Fée Sauvage

2 comments

Nicko says:

Voilà une licence qui m’est étrangère, autant sur le plan de l’animation que des jouets. Et pourtant, Nicolas a ce talent d’écriture qui rendrait n’importe quel sujet intéressant, passionnant même, pour un non-initié. C’est une chance de l’avoir dans la rédaction de FulguroPop et à titre personnel, c’est un véritable modèle rédactionnel. Un immense merci.

Nicko, ton compliment me touche profondément, d’autant que je suis entré dans la rédaction grâce à toi. Et je suis heureux que cette licence un peu secondaire aie gagné de l’intérêt à tes yeux, car elle se situe à un point difficile à tenir. A ce croisement du pédagogique et du ludique, on trouve d’ordinaire les jouets éducatifs et les jeux sérieux. Procidis a tenté une voie en pariant sur une mode, et le résultat est un objet presque hybride sonnant comme un contrepoint à la série Ulysse 31.

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