Les figurines sans licence RoboCop
Nicolas Fleurier
« Le mauvais goût a son droit autant que le bon goût. »
Friedrich Nietzsche
Le bootleg officialisé ou le paradoxe incarné
(crédit photographique : Itakon)
On parle de bootleg ou de knockoff, de fake ou de counterfeit en rajoutant parfois le mot figure derrière, mais dans tous les cas, on parle de figurines forcément illégales sans être forcément illégitimes, de ce qui sert autant à flouer le consommateur qu’à approvisionner les marchés fermés. Ce domaine mal connu, sauf dans des cas rebattus comme Star Wars, est aux films populaires ce qu’est son portrait à Dorian Gray, du moins le reflet déformé de toute licence à succès, et l’apparition en 2021 d’un nouveau « Robert Cop » a rappelé que RoboCop était au nombre des victimes. Cette reconnaissance étrange et presque rétroactive, qui plus est de la part d’un fabricant qui possédait les droits d’exploitation, apparaît comme la résurgence d’un mouvement souterrain, auquel ne s’intéressent souvent que les collectionneurs fatigués de tout avoir. Car le bootlegging d’action figures, comme il convient de l’appeler en bon français, est une dynamique aux ramifications complexes qui structure un domaine aux contours flous, plus particulièrement dans le cas de RoboCop, dont l’exploitation s’inscrit dans la durée depuis 1987, et dont le nom suffit à évoquer un personnage tellement évident qu’il sert à désigner une tenue anti-émeute.
Des limites de la licence
Les puérilités des débuts ou d’un fabricant géographiquement proche des professionnels de la copie
(crédits photographiques : John M. Pride Jr, Dallas Vintage Toys, Imagination Hobby)
C’est une frontière épaisse, qui sépare les figurines officieuses des figurines sous licence RoboCop, et cette frontière s’organise en trois lignes Maginot. La première est faite des errements de la gamme officielle, d’abord inspirée de la série conçue pour le Marvel action universe et donc assez éloignée des films, puis jouant sans originalité sur les variations autour du personnage principal. Les policiers aux pantalons marqués « POLICE » et leurs adversaires façon punk de chez Kenner le disputent donc aux RoboCop de chez Toy Island et Giochi Preziosi, qui non seulement ont été vendus sous des blisters dont les interjections feraient pâlir d’envie Adam West, mais qui en plus pouvaient s’exprimer et dire « drugs are trouble! » à des enfants de trois ans et pas toujours plus.
De l’amateurisme au ridicule en passant par un jeu qui avait décroché un « on oublie » dans le magazine Player One
(crédits photographiques : Hisparibus, Just Gamers, Neca)
La deuxième ligne, plus négligée ou moins connue, est faite des figurines qui pourraient passer pour des copies, mais qui ont été produites sous licence hors des Etats-Unis, à la manière des séries Top Toys pour Star Wars ou Jocsa pour Ghostbusters. Il s’agit donc de la gamme argentine de chez Sulc, qui reprend celle de chez Kenner référence par référence mais pas avec la qualité, allant jusqu’à neutraliser le système à amorces sans le retirer. Il est possible d’y ajouter la figurine en étain de chez NCP, à assembler comme un garage kit mais officielle malgré tout, et les figurines de chez Neca qui cherchaient à rendre le grain des jeux vidéo en tentant la peinture à la main, mais qui ne parvinrent qu’à rappeler le parfum les activités d’école primaire.
Les inventions de la fin quand la fin s’arrêtera à RoboCop returns ou RoboCop: rogue city
(crédits photographiques : Super7 Retail, Inc., Super7 Retail, Inc., The Toy Chronicle)
La dernière ligne, qui est aussi la plus éloignée de la source chronologiquement, est faite des figurines qui sont censées être un hommage, mais qui incarnent une certaine forme de révisionnisme intéressé. Il s’agit de la gamme « ReAction Figure » de chez Super7, qui sert à faire ce qui n’avait pas été fait, mais qui sert aussi à refaire pour mieux revendre. Il s’agit plus précisément de deux figurines suivies d’un set de deux autres, avec des variantes au début pour capitaliser sur la même sculpture par la même occasion.
La séquence « Night Fighter »
De Kenner à Neca à Hiya
(crédits photographiques : The Angry Spider, Action Figure Insider, Alibaba Group)
Les années quatre-vingts, c’est soi-disant les « années fric », les années Dorothée et Mitterrand, mais c’est surtout les années du fluorescent, et Kenner en a profité pour sortir un RoboCop qui « glows in the dark » sous le nom de « RoboCop Nightfighter ». Cette anomalie qu’aurait sûrement reniée OCP, dans la mesure où elle est contraire à tous les principes de l’infiltration ou de la simple discrétion, a suffisamment marqué les esprits pour inspirer le décor des flippers de chez Data East et Cromy, mais surtout pour être réinventée par Neca dans les années deux-mille-dix, sous le nom très référentiel de « Night Fighter RoboCop ». Hiya a suivi dans les années deux-mille-vingt, avec son « RoboCop Glow in the Dark » réservé au ComicFest, et bien entendu Super7 en poussant la perversité jusqu’à proposer deux versions, dont une « damaged » avec des impacts de balle bleus.
Des Etats-Unis au Mexique à la Chine
(crédits photographiques : Evolve Media Holding, LLC, Uber Rare and Holy Grails for You, Zoconet, S.L.)
Le bootleg était pour ainsi dire servi sur un plateau brillant, et les Mexicains s’emparèrent du sujet avant même ses rééditions récentes, en sortant une poupée articulée dès les années quatre-vingts. Mais comme les moyens ne sont pas les mêmes qu’aux Etats-Unis, la poupée en question emprunte son corps à un Stormtrooper, et la peinture fluorescente est devenue blanche alors que le bleu complémentaire a été conservé, ce qui est toujours mieux que de considérer comme XZS que la bicolorité suffit à baptiser « Robocop » un jouet façon « Robosapien ». Dans un registre plus modeste, le « Police Force 2002 Figures Play Set » chinois des années quatre-vingt-dix doit sa carte au « RoboCop Nightfighter », mais ses Tazos à une mode dont l’intérêt échappe encore au commun des mortels.
La semaine prochaine en vrac : RoboCopp, Lady RoboCop, Master Cop, et bien sûr Robert Cop !
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