Il y a près de trois ans, aux débuts de ce magazine donc, j’ai commis un article sur les histoires cultes que recelaient les pulps. Ces magazines bon marché américains ont vu éclore au début du XXème siècle des auteurs aussi talentueux de H.P. Lovecraft ou Robert E. Howard et constituent la source de tout un pan de la culture populaire moderne.
Aujourd’hui je souhaiterais reprendre un point que j’évoquais dans cet article. Il concerne la filiation de Musclor et des Maîtres de l’univers. Il est communément admis que Musclor s’inspire de Conan le barbare. Ce fut même un sujet polémique puisque Mattel était accusé par Conan Properties d’avoir copié la licence Conan pour sortir ses propres jouets sous la marque Masters of the Universe. Si le sujet vous intéresse, la question a été tranchée d’un point de vue légal par une décision de justice (United States District Court, S.D. New York) en 1984.
Toutefois, ce n’est pas tant de Conan que je veux parler aujourd’hui que de Flash Gordon. Le héros de comic strips a été créé par Alex Raymond en 1934 et a marqué plusieurs générations de lecteurs. Les intégrales sont disponibles en VO et en VF dans un format cartonné assez sympa et de qualité.
En effet, Musclor et Flash Gordon partagent bien des points communs en dehors de leur chevelure blonde. Le plus évident concerne Eternia et Mongo dont la faune et les espèces intelligentes et anthropomorphes sont très proches.
Hommes (et femmes) lézards, hommes oiseaux, archers arboricoles… On trouve de tout sur ces deux planètes et la diversification des sources (les comics, dessins-animés et films qui ont suivi les oeuvres originales) n’a fait qu’amplifier cette impression.
Leur géographie présente des similitudes (si le sujet de la cartographie dans les oeuvres de Fantasy vous intéresse, je vous renvoie à ce dossier publié en juin 2018).
La carte de Mongo ci-dessous est tirée des comics d‘Al Williamson (1966-1967) qui ont été publiés dans le Journal de Mickey jusqu’en 1984.
Elle a été dessinée par Arlene Williamson, l’épouse de l’artiste.
On y retrouve l’idée de base d’une planète continent partagée en régions habitées par des créatures plus ou moins humanoïdes.
Mattel a repris l’idée pour Eternia, la planète de Musclor. Le continent occidental occupe encore une fois une place centrale dans l’histoire. C’est l’un des axes que je développe dans le dossier que j’ai déjà consacré aux cartes de la Fantasy.
On retrouve d’ailleurs cette idée dans l’Etheria telle qu’elle est dépeinte dans la récente série Netflix, She-Ra and the Princesses of Power.
La puissance de l’oeuvre d’Alex Raymond se ressent dans le fait que presque toutes ces espèces humanoïdes ont leur équivalent sur Eternia ou sur Etheria.
Pas aussi évidente, la comparaison s’impose entre les créatures préhistoriques que rencontrent Flash, Dale et Zarkov en premier sur Mongo et les Beast People soumis à Beast Man dans la BD L’oiseau de feu.
La ressemblance n’est peut-être pas frappante, mais si l’on omet la tête de panthère (qui maintenant me rappelle Purplor), avouez qu’il y a quelque chose qui peut entretenir la confusion dans l’esprit d’un enfant des années 80.
De même, les hommes lions de Thun trouvent un équivalent plus facile à partir du dessin-animé MOTU de 2002 (MOTU 200X) avec les Qadians de Chief Carnivus.
Les hommes oiseaux de Vultan sont aussi à rapprocher du peuple de Stratos.
Comme Stratos, les Bird-Men utilisent parfois des véhicules/montures.
Et Bow n’est pas sans rappeler le Prince Barin. L’invocation d’Errol Flynn n’est pas totalement satisfaisante car la création du personnage du Barin d’Arboria (1934) précède la sortie du film Les aventures de Robin des bois (1938).
Mais si les aventures de Musclor se distinguent de celles de Conan, c’est bien par le niveau technologique des mondes dans lesquels ils évoluent. Conan est un Cimmérien qui explore la Terre dans un passé mythique après le cataclysme qui a englouti l’Atlantide, alors que les aventures de Musclor se déroulent certes sur une autre planète, mais à une époque contemporaine de la nôtre.
L’histoire de la Reine Marlena tout comme celle narrée dans le long métrage Christmas Special (Filmation, 1985) le confirment.
Cette dimension technologique sera reprise largement dans le film live avec Dolph Lundgren dans le rôle de Musclor sorti en 1988. Eternia y apparaît comme un monde de magie technologiquement avancé. On retrouve les armes laser, les armures improbables…
D’une manière générale, la technologie futuriste est fortement associée dans les Maîtres de l’univers au personnage de Duncan, le Maître d’armes.
Dans le dessin-animé et dans les mini-comics, il fabrique et utilise des armes très différentes de l’ambiance Sword and Sorcery qu’incarne Musclor et qui rapproche la franchise de la Science Fantasy de Flash Gordon. La série animée He-Man, le héros du futur (The New Adventures of He-Man) va encore plus loin dans cette direction en donnant à Musclor un look assez proche de celui du héros d’Alex Raymond.
Même dans la première série animée, on retrouve cet élément futuriste. Ne serait-ce qu’avec les robots chevaliers de Skeletor ou les soldats de la Horde. Deux ennemis robotiques (et donc destructibles, un élément important quand on parle de production jeune public) qui rappellent l’armée de Ming.
Bien entendu le sentiment de familiarité entre les deux licences doit beaucoup pour le jeune téléspectateur que j’étais au fait que Filmation a produit les deux dessins-animés et recyclé un grand nombre d’effets visuels (les courses des héros) et sonores (les tirs de laser).
Je conclurai ces rapprochements, avec probablement le plus spécieux. En effet, j’ai longtemps cherché ce que rappelait l’insert en carton de la gamme MOTUC.
Les pierres jaunes et vertes font certainement référence au Château des ombres, mais j’ai eu une révélation en regardant la scène du sacrifice de Dale au début du pilote de Flash Gordon. Les flammes colorent la roche de la même manière.
Voilà un élément qui permet de conclure cette incroyable triple convergence (en matière chromatique, d’animation et éditoriale) entre deux licences mythiques du XXème siècle. J’espère que l’exercice vous aura plu.
Je n’aurais probablement jamais écrit ce dossier si Nicko ne me l’avait pas conseillé à la suite d’un de nos échanges sur ces sujets passionnants liés à la création des Maîtres de l’univers. Je l’en remercie chaleureusement.
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Super article ! Perso, je suis un gros fan de Flash Gordon, et surtout le D.A. de 79 que tu mets en avant ici.
Je te rejoins totalement, ce DA est l’un de mes meilleurs souvenirs de vidéoclub. Une perle (je parle du pilote, la série m’est moins familière).
L’oiseau de feu… Pour moi une des meilleures histoires de Musclor… Je garderai toujours précieusement mon exemplaire car se lit toujours aussi bien plus de 30 ans après
Tout à fait. J’ai été surpris de le retrouver chez mes parent alors que pas grand chose ne subsiste de cette époque du fait de multiples déménagement. Une vraie madeleine de proust que j’ai eu beaucoup de plaisir à transmettre à mon fils.
Un dossier brillamment mené Julien, bravo, notamment avec cette particularité propre à FulguroPop : un contenu original, analytique, personnalisé et tellement rafraîchissant. Je « surveille » avec bienveillance le magazine et je suis très heureux d’y lire autant de belles choses. Nicolas Fleurier manie les mots et les idées avec une telle virtuosité, ses interventions sur la « vision » m’ont littéralement captivé. Du génie. Mon complice Aurélien a su faire perdurer la rubrique des Jouets du Mercredi avec beaucoup d’émotion et de nostalgie. Un lien indéfectible à l’enfance parfaitement mis en scène et tellement fédérateur. Bravo et merci à toi. Et puis Laurent et Seb sont de très bons vidéastes, sans oublier les pétillantes revues de mon Géronimo.
Bref, vous me manquez tous sans exception mais l’heure est au repos pour moi. Si ma santé me le permet et si l’envie de reprendre la plume se fait sentir, je contribuerai peut-être encore un temps avec vous. Rien n’est certain mais comme je l’ai répété assez régulièrement : il reste tout à faire concernant les jouets des années 80 et 90.
Je vous embrasse tous chaleureusement ainsi que les lecteurs avec lesquels j’ai eu de passionnants échanges : KissFan, Cobra083, Fabrice, JP, Julortk, Cédric, Sémias, Sebastator, Fabrice, Benjamin, Mindmaster, Ludosith, Elcaballerodelcancer, Christophe « Mr Yellow Border », Tyler, Padawan et tant d’autres…
Coucou Nicko et merci pour ton gentil message. Prends bien soin de toi et reviens nous vite si l’envie t’en prend. On sera là.
Qu’est ce que ça fait plaisir de te lire à nouveau !!!
Merci pour cette intervention. Les jouets du mercredi dans leur jus, tu sais j’ai eu l’idée en pensant à toi, clairement. Je suis heureux si ça te plaît. Chaque numéro t’est un peu dédié tu sais.
Bon repos et comme l’a dit Julien tu seras toujours bien accueilli si un retour se profile.
A bientôt 😘
Nicko!!! 🙂 Quelle joie de parcourir ces quelques lignes rédigées de ta main ! Je suis heureux d’avoir un peu de tes nouvelles à travers ton commentaire. Cela fait tellement plaisir… Je t’envoie toutes les ondes positives en ma possession et celles dégagées par la bienveillance de nos héros favoris. IndiNicko Jones is a rock!!! À bientôt….
Blaster… C’est un dossier vraiment génial !! J’ai adoré ton travail de recherche! Quel plaisir de lire ce type d’article! Merci beaucoup !!
Merci camarade chevalier. Comme je l’explique dans l’article, c’est un sujet que je traine depuis quelques mois et qu’il me tardait de concrétiser. Je suis ravi de lire vos commentaires, réactions et enrichissements.
Super article.
Ça me rappelle quand j’ai lu quelques romans de Capitaine Futur ( Capitaine Flam) et que j’y ai vu ( impression personnelle ) le monde dans lequel évoluent les héros de Star Wars.
Quand je regardais Capitaine Flam ou Cobra, je me disais que ça surfais sur la vague SF et l’univers imaginé dans Star Wars avec ces mondes et toutes ces espèces différentes mais malgré tout cohérentes. J’ai été surpris quand j’ai vu que tout cet univers de Capitaine Futur que je pensais inspiré de Star Wars est déjà présent tel quel dans les romans en 1940.
Encore merci pour ce bel article.
Lucas, à l’instar de Toriyama n’a pas inventé grand chose. Il ne se sonymt jamais cachés d’avoir été inspirés par tout un tas de truc. Leur génie réside dans la manière dont ils ont tout imbriqué et dans cette façon de nous surprendre par une narration inventive.
Merci Julortk, c’est effectivement un biais qu’on a tous de lier premier contact que nous avons avec une matière avec l’oeuvre précise qui nous l’a fait découvrir.
C’est toujours un plaisir de voir les réactions que ces articles (étonnamment très personnels et subjectifs) peuvent susciter.