« Aujourd’hui nous vous proposons une nouvelle intervention de Nicolas Fleurier. Cet auteur de talent nous à fait le plaisir de rédiger spécialement pour FulguroPop une série de six travaux en relation avec la licence Alien. A travers le concept de réverbération culturelle, Nicolas va mettre en évidence différents domaines matricés par l’univers du xénomorphe et ce de manière plus ou moins officieuse.
Le thème est passionnant et il est une réflexion à la problématique qui consiste à définir les limites parfois aussi minces qu’une feuille de papier entre l’hommage, l’inspiration et la copie. Dans un souci de lisibilité, j’ai choisi de séquencer le travail de Nicolas en trois publications divisées elles-mêmes en deux sous-parties. Bonne lecture à tous. »
« Où sommes-nous maintenant ? Toujours sur la planète ? »
Alan Dean Foster, Alien ou le huitième passager.

Introduction
Dans cet espace intermédiaire qui se crée entre le créateur et le spectateur, où l’œuvre devient autre chose que ce qu’elle était jusque-là par le simple fait de sa réception, elle peut aussi se poursuivre en prenant des formes diverses. Elle n’appartient plus tout à fait à son auteur une fois diffusée, et les produits dérivés en sont une preuve évidente quand elle est populaire, de même que ce droit tacitement reconnu aux fans de s’exprimer sur les suites qu’elle pourrait connaître.
Mais le procédé du licensing peut parfois se confondre avec un phénomène qui n’est pas toujours plus gratuit, une sorte de réverbération culturelle qui double l’éclosion des « univers étendus » ou des films d’exploitation, et qui dépasse toujours le clin d’œil sans jamais atteindre le pastiche. Ce phénomène peut participer d’œuvres reconnues en créant des liaisons plus puissantes que les « œufs de Pâques », et en contribuant à cette innervation de la culture populaire qui est parfois confondue avec la cohérence. C’est particulièrement vrai avec des licences durables comme Alien car elles sont assimilées de longue date, et présentent des éléments définitionnels qui se prêtent aux variantes.
La réverbération culturelle peut alors provoquer des rejets dans des domaines étrangers au cinéma, et susciter une production parallèle dont les contours sont définis par la nécessaire adaptation du matériau originel et la volonté de rendre hommage, mais dont même les marqueurs remarquables sont parfois relégués aux magasins mentaux à prix cassés.
Dans l’animation japonaise : « how do I get out of this chicken shit outfit? »

La réverbération culturelle peut prendre la forme d’un hommage plus ou moins déguisé, ou plus ou moins adapté à ce dans quoi il s’inscrit, et si la licence Alien a été l’objet de nombreuses références dans l’animation, elle l’a plus rarement été dans les anime et peut-être une seule fois pour être parodiée. La série est Cowboy bebop et l’épisode Toys in the attic, où une créature se déplace dans le vaisseau Bebop et attaque les membres de son équipage un par un, jusqu’à ce que le personnage de Spike Spiegel ne la pourchasse dans des conduits d’aération, muni d’un détecteur de mouvements et d’un lance-flammes, pour se décider finalement à l’expulser dans l’espace par un sas. Cela dit, la créature tient plus du pathogène des Engineers que du Xénomorphe, même si elle est bien née d’un hôte et plus précisément d’un homard de Ganymède, et qu’elle finira dans la panse d’un humain comme les Facehuggers dans celle des créatures d’Aliens: Reapers ou d’Aliens: Taste. Mais on ne s’attend peut-être pas à une association culturelle de la sorte, car la dimension syncrétique du Cool Japan repose d’abord sur des emprunts à la culture européenne, et surtout pas à ce qu’elle tienne sur un épisode complet, quand Dragon ball ou My hero academia se contentent de simples clins d’œil. Il est d’ailleurs plus facile de trouver un équivalent dans l’animation américaine, où l’épisode de Futurama intitulé Murder on the Planet Express, par exemple, reprend l’idée de la poursuite dans les conduits d’aération et de repérage par détecteur de mouvements, mais renvoie pour le reste à The thing car la créature est un métamorphe.
Dans les jeux vidéo : « I can’t lie to you about your chances »

La réverbération culturelle peut aussi prendre la forme d’une intégration plus ou moins respectueuse, et le domaine des jeux vidéo indépendants lui fournit alors un territoire de choix, étant donné que s’y rejoignent la liberté de ton des développeurs et le goût pour les références des joueurs. Cela n’a sans doute pas échappé à Free Lives, qui a conçu le pastiche de films d’action Broforce, dans lequel tous les « PJ » sont des « Bros » et où Ripley devient Ellen Ripbro, logiquement équipée d’un Pulse Rifle et d’un lance-flammes. Mais la deuxième campagne du jeu va plus loin que cette référence car elle insère, entre les terroristes anti américains et les suppôts de Satan, des créatures inspirées du Xénomorphe ou de son cycle de vie. Cette « Alien infestation » propose aussi de nouveaux bosses qui sont autant de liens directs avec la licence Alien, sans pour autant porter les noms reconnus dans le Canon ou par les fans : l’Acid Crawler et ses variantes ressemblent à des Chestbursters géants ou au Bodyburster d’Aliens: Kidnapped, tandis que l’Humongocrawler rappelle la Queen et que le Heart of the Hive fait le lien entre Aliens et Contra. Mais il ne s’agit pas tant de s’inspirer de la « quadrilogie » ni même d’en reproduire l’ambiance, comme ces jeux vidéo hésitant entre le renommage façon Metroid et l’implémentation façon Aliens TC pour Doom, que d’en intégrer des éléments définitionnels avec l’esprit qui présida à la conception de certains produits dérivés, en particulier la gamme à variations de chez Kenner, dont le « Sgt. Apone » réédité par Neca ou l’« Hudson » possédant lui aussi un bras mécanique pourraient facilement affronter le Terrorkrawler cybernétisé dans l’imaginaire d’un enfant.
Fin de la première partie.
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ortk
•3 ans ago
Très rafraîchissant comme thème. J’aime bien les discussions sur le droit qu’à un auteur sur son œuvre par rapport aux droits que pensent avoir les fans. On a vu énormément de sagas, que ce soit en série TV, littérature ou cinéma, être confrontées à ce problème. De Star Wars à Harry Potter en passant par Games of Thrones ou How I Met Your Mother, les fans s’approprient tellement l’œuvre et imaginent tellement eux-mêmes des théories, spéculent le destin des héros qu’au final, beaucoup d’entre eux ne s’y retrouvent pas. Il en va de même pour les produits dérivés, où certains regrettent que « leur » franchise soit vendue pour tout et n’importe quoi, tout ça pour élargir un public si possible de plus en plus grand. « A quoi bon cet agrandissement quand on sait que ces nouveaux fans n’ont pas le recul ni la lecture nécessaire pour bien comprendre l’œuvre. » Il en va de même pour Alien où certains sont tristes de voir le sort de leur « mascotte » dans des films comme Alien Vs Predator. Vous mélangez cela aux chocs des générations, et vous obtenez de beaux écarts sur ce que doit être l’héritage d’une œuvre : clin d’œil, reboot, apparition, spin off ou alors « laissez ma franchise tranquille ». Vaste sujet. J’arrête là sinon on va pouvoir repaver le tracé de Paris-Roubaix. Merci pour cet article et vivement la suite.
Nicko
•3 ans ago
« Il en va de même pour Alien où certains sont tristes de voir le sort de leur « mascotte » dans des films comme Alien Vs Predator » A titre personnel, c’est Prometheus et surtout Alien : Covenant qui m’ont fait du mal, bien plus que les deux Alien VS Predator, à prendre comme une parenthèse « fan service – divertissement ».