Pour rire aux larmes : Toy Story 4 est une vraie réussite.
1ère partie sans spoiler (il faut quand même mieux avoir vu les Toy Story 1, 2 et 3 pour lire ce qui suit 😉 )
C’est ce mercredi 26 juin que sort Toy Story 4. Pourquoi faire ? Pourquoi aller voir la « suite » du 3 qui concluait déjà excellemment la saga phare de Pixar ?
Et déjà de ressortir la kyrielle d’argumentaires anti-Disney, vache-à-lait pompe à fric qui nous sature déjà les mirettes à grand coup de Marvel et autre Star Wars… et puis a-t-on déjà vu un épisode 4 d’une saga surpasser les trois premiers opus (en cas de tournage chronologique s’entend puisqu’on connait tous une exception fameuse depuis mai 1977…) ?
Allez quoi, à quoi bon extirper Woody, Buzz et toute la bande, des bras affectueux et bienveillants de Bonny, dans lesquels les jouets mythiques achevaient leur périple commencé en 1995 ? Qu’attendre en 2019 d’un énième scénario quand on avait vu en 2010 tous les héros frôler la mort, l’extinction pure et simple au bord d’un incinérateur (sans doute une des scènes les plus fortes et émouvantes de tous les Pixar) ?
C’est qu’en fait la mort/fin/disparition pour un jouet (et on en sait quelque chose à Fulguropop) ou même la disgrâce, l’abandon, le déclassement (notions hyper actuelles) sont des concepts ultra présents dans l’univers toyistique et que chacun des épisodes précédents a su exploiter brillamment ces menaces perpétuelles, qu’elles proviennent de sources endogènes : le comportement d’Andy, propriétaire attitré et « historique » de jouets sur lesquels il indique son nom, de la mère… ou exogènes : le vol du cow-boy par un collectionneur dans le 2.
Et dans ce 4ème épisode, voila donc qu’on enfonce une nouvelle fois le clou en tenant compte de toute l’histoire de ces jouets (eh oui, Toy Story était décidément un titre très bien trouvé !) tout en explorant la thématique du vieillissement : jouets délaissés, remplacés par littéralement n’importe quoi : plus jeune, différent, bric et broc… Quelle place pour un jouet devenu icône ? Comment revivre quand on revit une forme de routine en moins bien ? Peut-on échapper au temps (tiens c’était un des sujets du bac philo cette année !).
Jusqu’où doit-on s’occuper des autres ou de soi-même pour connaitre le bonheur, l’amour ? A quel moment vivre, revivre, écouter ou non sa petite voix intérieure ?
Mais si cet épisode 4 n’était qu’une vaste réflexion philosophique d’ampleur (et c’est effectivement ce qu’il est aussi), ce serait déjà bien ! Pas une garantie suffisante toutefois de faire un carton absolu (l’expérience vice-versa est passée par là): alors disons-le, Toy Story 4 est, derrière ses thèmes forts, un extraordinaire patchwork d’aventure et d’humour. Sans mentir, des tonnes de gags vraiment hilarants s’enchaînent à un rythme rarement vu au cinéma depuis quelques années. Attention, on ne parle pas de ces comédies poussives qui vous tirent ça-et-là un sourire mais bien de pure folie déchaînée à un rythme de fou qui vous emmènent loin, du coté d’un savant mélange entre Blake Edwards, les Marx Brothers, Billy Wilder, les Simpsons et les ZAZ…
A cela s’ajoute l’émotion, les larmes qui viennent à chaque apparition, ou presque, de Woody. Surtout quand on ne connait que trop bien les trois films précédents. Comme dirait Blier, Préparez vos mouchoirs avec vos enfants (et… vice-versa !) car il y a de vrais moments poignants tout au long du film. Et restez jusqu’à la toute, toute fin !
Voila les conseils et la critique qu’on peut raisonnablement faire sans trop en dire !
2ème partie avec divulgâchis
Attention vous voila prévenus : les lignes qui suivent dévoilent des parties de l’intrigues et les gags ou références qui nous ont le plus emballé. Cessez immédiatement votre lecture ici si vous n’avez pas encore vu le film !
Disons-le tout net : ce film est un joyau, un pur chef-d’œuvre malgré la sensation de fourre-tout qui a pu être ressenti par certaines critiques. Oui, c’est vrai qu’il y a une multitude de personnages, que cette « renaissance » de Fourchette, jouet/déchet qui envahit tout le début du film, semble nous entraîner vers une direction tel que le ferait un GP (tiens d’ailleurs il y en a un dans le film…) qui n’est pas totalement celle qu’on retient au final, bien plus forte. TS4 cultive l’art de la mise en abîme et, en la matière, la prouesse majeure de toute l’histoire est justement de nous permettre une introspection individuelle à travers le destin de Woody et quelques nouveaux personnages.
Alors certes, ceux qui ne jurent que par les vannes de M. et Mme Patate seront un peu déçus car on les voit guère, juste un peu plus que les martiens fans de grapin qui font de la figuration. Le film cherche vraiment à tourner une page et, de ce côté-là, le fait plus habilement que Les Derniers Jedi avec Star Wars.
« Quoi Woody ? Tu as un ENFANT ? » est une phrase qu’on entend plusieurs fois au court du film et qui nous semble donner la clef de voûte narrative de la saga par son double sens : les jouets « indépendants » interrogent en effet Woody sur son appartenance à Andy (puis Bonny) via cette phrase. Mais qui-possède-qui est la vraie question : est-ce l’enfant qui possède le jouet ou l’inverse ? Et le comportement-même du Shérif (remis en partie en question par l’air du temps, avec un humour d’une pertinence et d’une tendresse rares) qui veut faire le bien partout n’apparaît-il pas comme une métaphore de la pater/maternité dont il faut (faudra, faudrait ?) tôt ou tard faire son deuil ?
Fourchette, nouveau venu hilarant dans la « famille », est crée par Bonny à partir des éléments (fourchette, bâtonnet d’esquimau, glaise et cure-pipe – tiens ça existe encore ? sortis en catastrophe d’une poubelle) donnés par Woody. On est dans une métaphore adulte assez osée pour un film pour enfants : mythe de Frankenstein ou passage à l’acte sexuel ? PMA ou mythe d’Adam recyclé ?
Le gamin légèrement neuneu en apparence (et suicidaire parce que différent ?) qui en résulte est en tout cas protégé par Woody, lui-même délaissé progressivement par Bonny… Questionnant… La thématique de l’abandon constitue le fil conducteur du film et vrille habilement sur d’autres personnages : Bo Peep la bergère, Gabby Gabby, la petite fille de la fête foraine…
Le thème filé de l’abandon d’une partie de soi, pour permettre une renaissance poursuit très habilement l’ensemble et raccroche les wagons.
Alors que cette richesse thématique s’étoffe et semble se démultiplier au cours du film et que Fourchette ne semble finalement constituer qu’un habile passe-plat (plat/fourchette : haha), l’arrivée au coeur d’un complexe fête foraine/magasin d’antiquité apparaît comme le décor idéal pour donner court à la fantaisie débridée du réalisateur Josh Cooley ! On pense à Hitchcock à plusieurs reprises mais aussi à pas mal d’autres réalisateurs des seventies et/ou du nouvel Hollywood : Coppola, Scorsese, Spielberg et les autres… Et pour ceux qui n’ont pas oublié un épisode traumatisant de la Quatrième Dimension, tout est là !
Ne ratez pas, bien évidemment, les figurines vintage d’Obi-Wan et Walrus Man, idéalement revisitées, dans une reconstitution discrète et caméoscopique de la Cantina. Pixar a bien noté que Disney avait racheté tout le monde !
Duke Caboom devrait aussi beaucoup plaire à tous les nostalgiques de la légendaire boîte des « Cascadeurs » et ses pubs plus fun que la réalité ! On rit de bon coeur à chacune de ses apparitions (sans parler des répliques !)
A noter une très bonne version française avec des voix connues mais aussi des « voix intérieures » moins célèbres qu’on est ravi de retrouver, surtout quand elles sortes spécialement de leur retraite (n’est-ce pas Mr Buzz/Darbois ?).
On adore les personnages féminins du film : Jessie, Bo et Gabby Gabby. Les blessures externes/internes des deux nouvelles héroïnes constituent des trouvailles géniales. Et la porcelaine (matière qu’on devine fragile rien que dans le regard de Woody) est en fait très solide !
Insistons pour finir sur les prouesses visuelles du film : scènes grandioses et spectaculaires qui servent l’histoire en permanence : jouets qui virevoltent dans les airs au coeurs des attractions, « cascades » d’anthologie, rebonds sur des toiles de camping-car pour finir par voir le monde de haut, comme un beau symbole d’être -enfin- arrivé au sommet. Bravo et merci Woody !
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« propriétaire attitré et « historique » d’Andy » –> de Woody mais on avait compris
J’ai adoré ce film, et certains passage peuvent faire flipper quand même. ça m’a rappelé la poupée mécanique du 1, celle de Sid avec une pince de meccano.
Sacré Jean jean, comprenne qui pourra.
Oups… merci pour la relecture 😉 C’est corrigé.
Oui Jeanjean (prononcé avec l’accent chantant qu’il faut) va nous hanter longtemps !
Marrant de voir que dans chaque Toy Story, il y a toujours au moins un enfant épouvantable…
A propos de l’Episode VIII, Bo Peep me fait furieusement penser à Rey dans l’Episode VII, pas toi ?