Rachat de la Fox : un pari pour Disney

Après ABC (en 1996), Marvel (en 2009) et Lucasfilm (en 2012), et maintenant la 21st Century Fox, rien ne semble pouvoir étancher la soif de Disney.

The Walt Disney Company règne déjà sur un empire qu’on aurait eu du mal à imaginer il y a trente ans. Au creux de la vague dans son secteur d’origine, le cinéma d’animation, la maison mère du studio a su se réorganiser pour acquérir inexorablement, année après année, une position stratégique dans le secteur de l’entertainement.

Un deal hors normes

Au prix de 60 milliards de dollars, Disney pourrait acquérir un acteur historique majeur du cinéma : Le groupe 21st Century Fox né de la scission de News Corporation (propriété du magnat australien Rupert Murdoch). L’entreprise regroupe les activités de cinéma et de télévision du groupe,  à savoir le studio 20th Century Fox et ses filiales (dont Fox Searchlight) et les réseaux câblés (comme FX ou National Geographic).

Le deal ne concernerait donc pas les activités de Fox News et les chaînes TV généralistes hertziennes aux USA, mais sa conformité aux lois anti-trusts américaines soulève encore des interrogations.

Un acteur historique du cinéma

Acteur historique parmi les majors, la 20th Century Fox possède une identité propre avec laquelle seule la Metro Goldwin Meyer semble pouvoir rivaliser. La fanfare Fox comme le lion de la MGM marquent instantanément l’esprit, bien plus, au final, que le château de la Belle au bois dormant de Buena Vista (Disney) ou que la planète terre d’Universal.

 

Mickey, roi de l’entertainment

Le rachat de la Fox permettrait à Disney d’enterrer ses concurrents. En effet, le box office américain est sous la coupe d’un oligopole assez simple. Avant la sortie de l’épisode VIII de Star Wars : Les derniers Jedi, Disney concentrait 18% du marché, la Fox, 12%, et Warner Bros, 20%. Il est fort probable que le nouveau film Star Wars fasse passer Mickey devant les frères Warner sur l’année 2017 et lui donne une confortable avance sur 2018 (en attendant l’arrivée dès le premier semestre de trois films sûrs de cartonner : Han Solo, Black Panther et Avengers : Infinity War). Notez d’ores et déjà que  les parts de marché à fin novembre 2017 citées plus haut portent sur un nombre de films très variable selon les studios. Warner Bros sécurise sa position de leader au box office en cumulant 30 films quand Buena Vista le talonne avec seulement 7 films !

Avec le Marvel Cinematic Universe et la saga Star Wars, Disney produit au minimum trois blockbusters dans l’année avec un plan de charge courant sur plusieurs années. A cela s’ajoutent les succès énormes de ses films d’animation (produits indistinctement par Disney-Pixar ou par Disney Animation) comme La Reine des neiges, Zootopie ou Coco. La concurrence a de la peine à suivre. Chez Warner Bros, on cherche encore la recette miracle pour les films de super-héros, malgré l’accalmie apportée par le succès critique et public de Wonder Woman qui éclipse pas vraiment les flops qualitatifs de Batman V Superman et de Suicide Squad. Côté animation, WB, qui pensait avoir décroché la timbale avec La grande aventure LEGO, voit ses recettes décliner au fur et à mesure que sortent les longs-métrages sur ces briques de construction (LEGO Batman, puis Ninjago le film).

En rachetant le catalogue de productions cinématographiques et télévisuelles de la Fox, Disney étofferait également son offre de SVOD en mode OTT. Un atout de poids face à la concurrence de géants du web bien installés sur ce secteur, que sont Amazon et Netflix. Le rachat devrait aussi intégrer les 30% de Fox au capital de Hulu, qui viendraient ainsi doubler le poids de Disney parmi les actionnaires de la plateforme.

 

Un portefeuille de héros inégalé

En rachetant la Fox, Disney mettrait la main sur des droits qui complèteraient ses acquisitions de Marvel et Lucasfilm. En effet, la Fox possède encore les droits vidéo des premiers films Star Wars, ainsi que les droits ciné de super-héros Marvel qui ne pourraient que gagner à rejoindre le MCU : les X-Men, les Quatre fantastiques, Wolverine et Deadpool. D’autres films tomberaient dans l’escarcelle de Disney comme Avatar, cela tomberait bien car justement Pandora, the world of Avatar vient d’ouvrir au parc Animal Kingdom au sein du resort Walt Disney World. Il n’est pas non plus anodin que Deadpool 2 et Avatar 2 sont généralement identifiés comme les seuls films hors Disney susceptibles d’engranger plus d’un milliard de dollars de recettes.

Les risques pour Disney

Artistiquement, le deal est aussi un piège : la relative liberté laissée à Marvel et à Lucasfilm pourra-t-elle s’appliquer à la Fox ? C’est surtout pour les héros Marvel que la question se pose. Deadpool et Wolverine incarnent un univers Marvel violent et sombre en légère dissonance avec le MCU qui a déjà absorbé les nouveaux films Spider-Man produits par Sony. La possibilité de puiser dans les stars de comics que sont les 4 Fantastiques et les X-Men pourrait également présenter un risque pour Marvel Studios qui a jusqu’ici réussi à faire sans ces poids-lourds. Aurait-on eu deux films sur les Gardiens de la galaxie autrement ? L’énorme chantier et le potentiel bazar que s’annonce être Avengers : Infinity War avec sa pléthore de héros laisse entrevoir la complexité de la tâche qui attend Marvel Studios.

A l’inverse, la maison mère de la Fox (News Corp) se trouverait bien avantagée par le deal qui lui permettrait de se débarrasser de certains boulets audiovisuels. En effet, les chaînes du câble connaissent un érosion persistante de leur audience, un problème que connaît déjà TWDC. Ce qui risque de peser lourd dans les comptes de Disney alors que la Fox pourrait, elle, se concentrer sur ses chaînes d’information et généralistes hertziennes.

Autre point épineux, mis en lumière par le Financial Times, la succession de Bob Iger à la tête de Disney pourrait aussi faire partie du deal. En acquérant un sacré paquet d’actions TWDC, la famille de Rupert Murdoch (patron de Newscorp) pourrait être tentée de placer l’un des siens à la tête de Disney quand Iger partira en retraite en 2019. La question de la succession de ce capitaine d’industrie qu’est Iger est au cœur des débats chez Disney depuis plusieurs années et il serait attendu que James Murdoch puisse diriger une filiale du groupe pour faire ses preuves.

 

Le contrat devrait être officialisé la semaine prochaine, on aura donc l’occasion de brosser un portrait complet de l’empire Disney à cet occasion.

Mais que tout cela ne nous éloigne pas du seul objectif qui vaille : récupérer la fanfare Fox en ouverture des nouveaux films Star Wars !

 

(DR)

 

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