Aujourd’hui je souhaiterais partager avec vous quelques réflexions de comptoir concernant le film Idiocracy réalisé par Mike Judge et sorti dans les salles durant l’année 2006. Quatorze années après, il est intéressant de revenir sur cette œuvre très caustique, très caricaturale, dont les éléments de fiction peuvent être mis en correspondance avec notre temporalité actuelle.
Toujours dans une idée de clarification en forme d’avant-propos, quelques prérequis me semblent nécessaires afin que ma démarche soit à la fois transparente et source d’échanges constructifs. Je ne défends, à titre personnel, aucune thèse et je ne souscris à aucune idéologie précise. Mon approche sera globalement interrogative avec une volonté d’analyse et de réflexion. Et surtout je ne me place pas en tant que moralisateur, n’étant pas un adepte du jugement de valeur.
Plusieurs sujets de société seront évoqués à travers une partie des thèmes visibles dans le film Idiocracy : l’environnement, la culture, l’éducation, la justice, la consommation ou encore la natalité ainsi que la démographie. Je séquencerai les parties en groupes et sous-groupes de thématiques. Aussi j’espère que cette modeste production suscitera des idées avec un échange de visions, d’appréciations. Bonne lecture à tous.
Q.I. et natalité, la corrélation fondatrice d’Idiocracy
Le film Idiocracy repose sur un postulat, je dis sciemment postulat car à mon sens on ne peut parler de thèse validée sachant que les éléments qui vont suivre ont donné suite à de nombreux travaux variables selon les pays et rien n’a été définitivement démontré, même si certaines statistiques tendent à corroborer la grille de lecture du film.
Le scénario, auquel Etan Cohen a contribué, propose dans l’œuvre Idiocracy l’idée fondatrice suivante : le taux de natalité serait en lien direct avec l’intelligence. Plus le Q.I. est élevé dans un couple, plus la descendance sera faible quantitativement parlant. Inversement, si les parents ont une intelligence/instruction réduites, les enfants seront nombreux, très nombreux.
A la nuance prêt que les Q.I. élevés donneront nécessairement naissance à des enfants intelligents là où les parents aux capacités cognitives limitées engendreront des progénitures à leur image. Et c’est peut-être ce point qui, lorsqu’on sort de la fiction pour rejoindre le réel, demande une véritable précaution concernant sa validité.
Consommation, écrans et passivité
C’est probablement les thématiques de l’œuvre Idiocracy, avec l’écologie, qui me tiennent le plus à cœur. Pour être tout à fait honnête, cette idée de papier m’est venue suite à une scène du film illustrant un humain “du futur”, autour de l’an 2505. La camera nous laisse découvrir un individu littéralement ancré dans un fauteuil et absorbé par un écran démesuré aux programmations abrutissantes. Nourrit à la publicité ainsi qu’à la malbouffe, cet humain des temps modernes est une sorte d’entité passive, décérébrée, sans possibilité de regard critique, à laquelle on sert une vision du monde toute faite.
Je crois que ce sujet n’a jamais été autant d’actualité. Les écrans sont partout et par extension la publicité, la consommation et finalement un piège, celui de devenir un gouffre à informations futiles qui nous scléroseraient dans l’inactivité, dans l’incapacité de développer des connaissances et des mécaniques intellectuelles essentielles.
You Tube, Netflix, les bouquets de chaines, les smartphones, les réseaux sociaux peuvent proposer le meilleur comme le pire. Plusieurs questions me semblent déterminantes : dans quelles proportions se répartissent les sujets constructifs face à ceux qui n’apportent qu’abrutissement ? Quelles sont les cibles de ces supports et programmations ? Comment orienter nos plus jeunes dans cette consommation du virtuel ?
Je n’ai pas toujours les réponses à ces problématiques mais une chose est sûre, limiter les écrans, se déconnecter du virtuel et rester en “lien” avec le réel me semble crucial.
J’entends souvent dans mon entourage des gens dire : “oh, moi je ne regarde plus la télévision !” avec un ton si déterminé qu’il laisserait entendre une réelle volonté de mieux vivre son temps libre en décrochant du passif, des programmations chronophages, qui peuvent d’ailleurs être très intéressantes comme divertissantes.
Je trouve ça très rassurant dans l’idée mais dans les faits, je constate que ce temps de “cerveau libre” est très souvent rattaché à d’autres formes d’écrans, les tablettes et les téléphones portables en tête de liste. L’ergonomie, l’accessibilité de ces supports technologiques offrent une visibilité permanente : la télévision est définitivement devenue portative avec à la clef des programmations infinies dans lesquelles il peut être très facile de s’abandonner, de se perdre.
Et l’archaïque téléspectateur devient dans cette vision moderne de la programmation le consommateur suprême, l’abonné, le follower ou encore le viewer. Disons le avec clarté, s’il y a des influenceurs, c’est qu’il y a des influencés, des influençables. Pire, parfois les bergers fabriquent eux-mêmes leurs moutons.
La publicité devient plus que jamais le fer de lance du rendement. Les compteurs doivent tourner à plein régime pour proposer toujours plus de consommables, de visibilité et ainsi répandre le plus viralement possible le sacrosaint contenu. Partageons, likons, souscrivons sans aucune retenue, quitte à nourrir notre propre Matrice.
Ecologie et consumérisme effréné
Le second thème de l’œuvre Idiocracy qui me semble capital, même s’ils sont tous interdépendants d’un certaine manière, concerne l’écologie et la préservation environnementale. En effet, le nouveau monde campé dans le film est submergé de déchets. Le genre humain n’a pas su remporter le défi environnemental qui se présentait à lui.
De véritables montagnes d’ordures entourent les villes, lesquelles tombent en décrépitude. Cette temporalité post-apocalyptique, dont l’homme est le premier responsable, découle directement des modes de consommation et de leurs excès qui ont pollué la Terre. Ainsi le recyclage est au point mort et les espaces vitaux saturés.
Une telle catastrophe environnementale a été également possible en raison d’une désorganisation sociale intrinsèque à la chute de l’intelligence et donc des compétences, mais pas que. Les conflits d’intérêts sont bien présents dans l’œuvre Idiocracy. L’argent est indissociable de la consommation et dans le film il tient une place déraisonné, si excessive, que l’homme ne pense qu’en unité de valeur.
Cette partie de ma production annonce la suivante : les ressources terrestres naturelles, dont l’eau, sont-elles encore disponible dans ce futur mortifère ? Les hommes de 2505 ont-ils des instances représentatives qui travaillent sur la question de l’écologie ? Si oui, de quelle manière ?
Gouvernement, ressources et interactions sociales
Cette ultime étape de mon développement est probablement la plus terrible. Le film Idiocracy met en scène une société moderne avec des dirigeants à l’image de leur population : incompétents. Plusieurs signaux satiriques et humoristiques attaquent de manière caustique la gouvernance et plus précisément celle des Etats-Unis. Le président des U.S.A est campé par un personnage excessif, ex acteur pornographique, caricatural, que ce soit sur le plan physique comme intellectuel, et qui voue un véritable culte aux armes à feu.
Ses ministres ne seront pas en reste, avec leurs médaillons ridiculement portés autour du cou, illustrations matérielles futiles d’un pouvoir et de compétences qu’ils n’ont pas. Le titre ne fait pas toujours l’homme et l’illusion d’une instance rassurante, qualifiée, doit perdurer quoi qu’il en coûte.
Par ailleurs, la justice dans l’œuvre Idiocracy est un théâtre dans lequel se joue des pièces surréalistes, notamment à travers des juges et des avocats qui fleurtent avec la folie. Pire, la peine de mort est rétablie sous la forme de jeux qui rappellent farouchement les cirques Romains. Les mots n’ont plus de sens et ce qui est nommé dans le film “réhabilitation” n’est qu’exécution publique violente où la victime, jugée hors de toute rationalité, n’a que peu de chance d’échapper au massacre, à la peine capitale.
Il faut préciser que, dans le film Idiocracy, l’expression orale comme écrite ont été lourdement impactées par la chute de l’intelligence. Les humains n’écrivent quasiment plus, les écrans tactiles ayant remplacés les stylos, et lorsqu’ils s’expriment, le champs lexical est d’une pauvreté affligeante, tout comme le développement des idées. J’ai toujours pensé, à tort ou à raison d’ailleurs, que la culture est le reflet d’une civilisation, c’est véritablement son âme.
Cet environnement sociétal déclinant, caricatural, inégalitaire et violent a nécessairement une incidence sur la population et les rapports sociaux. Dans le film Idiocracy, les humains “du futur” reviennent à des instincts primaires notamment à travers une sexualisation omniprésente. Un culte du corps sacralisé, une masturbation obsessionnelle ou encore une vision consumériste de la femme présentée comme un objet sexuel constituent autant d’éléments parfaitement mis en scène dans l’œuvre.
La déliquescence sociale visible dans le film repose en partie sur une sacralisation démesurée, impensable, du sexe et de l’argent. Parlons justement économie. J’utilisais dans mon paragraphe sur l’écologie la formule “les conflits d’intérêts”. Le nouveau monde décrit dans le film Idiocracy possède ses lobbys, et notamment un sous le nom de Brawndo.
Cette marque est celle d’une boisson énergisante aux “électrolytes” qui tient une place importante, quasi omnipotente, incarnant une sorte de monopole financier source d’emplois et de bénéfices conséquents. Le Brawndo remplace l’eau dans Idiocracy, laquelle est encore présente mais dont l’utilité se limite à évacuer les excréments dans les toilettes. Pire, les cultures agricoles infertiles du monde campé dans le film sont arrosées avec du Brawndo. Inutile de dire que rien ne pousse et qu’il est impensable pour les décérébrés d’utiliser de l’eau, celle-ci étant, par association aux toilettes, insalubre.
Dernier point crucial, toujours dans le registre sociétal, l’utilisation d’un marquage codifié sur les êtres humains “du futur” afin de les rendre “scannables”. En effet, un code-barres permet en un instant et via un dispositif technologique d’identifier le citoyen.
Assez spontanément, on peut y voir un moyen de contrôle tyrannique, liberticide, qui renvoie notamment aux matricules des déportés et des prisonniers durant la Seconde Guerre Mondiale. Cette grille de lecture est tout à fait recevable mais je pense qu’il faut percevoir également dans ces codes-barres une “version commerciale” de l’humain qui devient un produit parmi les produits.
Dans la société futuriste du film Idiocracy, tout est consommation. L’humain est désormais inclus de manière officielle dans cette chaine productiviste où il est désincarné. L’esprit, la pensée, les idées, la critique n’existent plus et le code-barres traduit une forme aseptisée, déshumanisée de l’être. Une véritable Némésis de l’évolution.
Epilogue
On pourrait dire infiniment plus de choses sur le film Idiocracy. J’ai volontairement circonscrit ma production à certains thèmes en développant ces derniers modérément, lisibilité oblige. Je souhaiterais conclure à travers plusieurs remarques. D’abord, et c’est très important pour moi de le préciser à nouveau, je ne me place pas en vertueux désignant du doigt les bons et les mauvais comportements. Non, ma volonté est de susciter des réflexions et de rappeler que l’équilibre est une notion fondamentale. Le “trop” et le “manque” sont possiblement dévastateurs.
Concernant la technologie et les écrans, je voudrais faire référence à un précepte amérindien que je vais tenter de traduire du mieux que je peux : “Le couteau, selon comment vous l’utiliserez, pourra défaire les liens de l’esclave ou bien tuer l’innocent”. Chacun aura sa grille de lecture.
Ensuite, et en résonnance à mon papier sur l’enseignement, la place de l’instruction et de la culture me semble capitale dans une société qui se veut saine. Les enseignants sont des passeurs de savoirs et des générateurs de pensées qui arment intellectuellement les générations afin de les instruire, de les rendre critique, de les construire intérieurement en éveillant leur conscience : “Science sans conscience n’est que ruine de l’âme” (Rabelais).
Cela semble parfois ambitieux mais l’idée pourrait être synthétisée de manière plus simple par une phrase de Michel Onfray, un auteur/philosophe que je lis beaucoup. La voici, de mémoire : “Adressez-vous à l’intelligence des gens, vous produirez du raisonnement. Adressez-vous à leur imbécilité, vous produirez des crétins”.
Selon ce prélèvement, je pense qu’il est possible “d’injecter” de l’intelligence dans n’importe quel sujet. Le traitement est donc capital pour que le produit de celui-ci soit constructif. C’est ce que je m’emploie à faire, le plus modestement du monde, lorsque je parle des jouets des années 80.
Enfin je souhaiterais terminer en disant ceci : évitons d’être des codes-barres, des influencés, devenons autant que possible des penseurs libres, des passeurs de savoirs et de connaissances, des soldats de l’intellect et de la culture, peu importe les domaines. Merci à tous pour vos lectures. Cette production est spécialement dédiée à mon ami David L. qui m’a fait découvrir le film Idiocracy.
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Analyse très intéressante et film prophétique 🙂 Pour reprendre les écrans et les humains qui ne se bougent plus et ne pensent plus, je prendrai aussi comme exemple Wall-E. Et dans ce dessin animé Disney, on peut aussi y voir la surconsommation des ressources de la planète et sa pollution. De nos jours, en France, concernant les contenus de qualité sur la télévision, que cela soit en dessin animé ou émissions pour enfants, je regrette que des pépites comme “les Cités d’Or” (avec documentaire), ou “C’est pas sorcier” n’aient pas fait plus d’émules.
La particularité d’internet est que l’on puisse choisir rapidement le contenu qui nous intéresse, mais l’offre peut être tellement large ou trop diluée, qu’il est possible d’y perdre beaucoup de temps. Contrairement à mon enfance, j’oblige mon fils à écouter (et quand ça l’intéresse il lit lui même) des romans de son âge car nous avons la chance d’avoir un réseau de bibliothèque gratuite (pour le moment). Toi qui est enseignant, et en ce qui concerne les écrans, je ne comprends pas que dans certaines écoles les ordi/tablettes prennent autant de place, alors que je trouve que l’information lu sur un écran a tendance à être conservée de façon beaucoup plus temporaire par le cerveau que par l’intermédiaire d’un livre. L’écran n’est utile que dans certains cas précis au niveau pédagogique à mon sens. Le ludique et le divertissement devraient plus être au service du didactique, et toujours en apportant la nuance et l’opposition pour forcer le spectateur à réfléchir,…..ou pas. Nabila présidente :p
Merci beaucoup mon JP pour ta lecture et tes messages toujours intéressants avec une touche d’humour ! 😀
Je souscris globalement à tes remarques et les références que tu cites me semblent justes. Le dessin animé Les Mystérieuses Citées d’Or ne faisait pas partie de mes favoris mais je garde un souvenir marquant des musiques comme du petit documentaire en fin d’épisode. Une approche très pédagogique.
Il faut lire, c’est fondamental. Et ca rejoint ma volonté d’écriture dans un monde où la vidéo devient la norme. Lire/écrire c’est un entrainement cérébral redoutable, une manière de pérenniser un patrimoine d’expression. C’est redéfinir la notion de temps et ne plus succomber à des choix infinis où il faut parfois enchainer de manière insoutenable les contenus. Prendre le temps d’échanger, de se lire, de se répondre c’est finalement considérer son correspondant, lui accorder une véritable place existentielle. Ce n’est pas rien à notre époque.
Aujourd’hui JP je ne travaille plus pour l’Education Nationale. Je suis enseignant dans un domaine privé. Je suis cependant toujours en contact avec d’anciens collègues de l’EN et avec lesquels nous discutons très régulièrement. Je n’ai pas d’avis précis concernant l’apport des tablettes et des ordinateurs au sein même de la pédagogie. Ma remarque globale sera celle présente dans l’épilogue de mon texte, c’est l’utilisation que l’on fait de ce matériel technologique qui est finalement déterminant.
Merci encore à toi JP pour ton intervention très intéressante 🙂
Merci pour ton partage, Nicko, une fois de plus aussi intéressant qu’instructif. Je ne connais pas ce film, mais je vais l’ajouter à ma liste de visionnage.
Cependant, l’orientation du film, telle que tu l’exposes en tout cas, me paraît un brin excessive. Certes, la situation mondiale actuelle et les mentalités sont encore loin d’être parfaites, et les tendances (ou les tentations) évoquées sont bien réelles. Mais quand on regarde autour, on s’aperçoit que les gens en général, et les jeunes en particuliers, ont, par exemple, une conscience écologique beaucoup plus importante que celle que nous avions à leur âge. Il y a 25 ou 30 ans, on commençait tout juste à parler d’écologie au grand public, et on pensait sauver la couche d’ozone en achetant un déo au nom de salutation, dans la pub duquel des filles passaient leur temps à couper des arbres pour piéger un groupe de garçons. Maintenant, l’écologie est au cœur de toutes les conversations, et si les mots ne se traduisent pas toujours en actions (surtout lorsque notre confort ou notre portefeuille sont affectés), on peut quand même voir les comportements évoluer. On réduit la consommation de viande, on mange bio ou on prend le vélo parce que c’est plus sain voire plus économique, mais aussi parce que c’est plus écologique. De même, si le recyclage des matériaux est encore largement insuffisant, celui des objets se développe, et on donne ou revend beaucoup plus facilement qu’autrefois, notamment parce que les canaux se sont multipliés et sont bien plus largement utilisés : containers de récupération de vêtements ou d’appareils électriques, magasins d’occasion, sites de vente en ligne, vide-greniers…Aujourd’hui, acheter d’occasion, y compris des vêtements, ne passe plus pour un acte de radin ou de pauvre, mais pour un “achat malin”, qui est également plus écolo.
De même, les jeunes sont bien plus sensibles que nous aux questions de l’égalité hommes-femmes ou des droits des “minorités”. Certes, il y a les “Marseillais”, mais il y a aussi MeToo. Certes, on continue de montrer des femmes dénudées pour vendre du yaourt, mais il y a 30 ou 40 ans, la question de l’objectivisation de la femme ne se posait même pas : elle était un état de fait, et sa sexualisation à outrance était même parfois présentée comme un signe d’affirmation, voire de féminisme. De même, il y a 25 ans, les représentations des homosexuels dans les médias étaient inexistantes ou caricaturales (repensez au personnage de Gérard Vivès dans “les filles d’à côté” et à sa monomanie du comptage de serviette). Aujourd’hui, que ce soit dans les comics, les films ou les séries, cela a bien évolué, au point que dans Game of Thrones, un personnage comme Tormund Giantsbane, farouche guerrier, homme viril et intrépide, peut dire qu’il “aime les bites” tout en étant amoureux de Brienne, et sans susciter de tollé (saison 7, épisode 3, pour ceux qui voudraient vérifier). L’image de la femme, elle aussi, a évolué, et on voit maintenant fleurir des personnages féminins beaucoup plus “forts” dans tous les sens du terme. Rien que dans les personnages montrés aux enfants, on est quand même passé des Totally Spies à Black Widow, de Teela à Korra, de Blanche Neige à la Reine des Neiges. Repensez également que dans notre enfance, la ségrégation venait d’être abolie aux USA, et l’apartheid était encore une réalité en Afrique du Sud.
Certes, on peut toujours déplorer que les mentalités évoluent trop lentement. Mais point n’est besoin d’être capitaine au long cours pour savoir que plus le bateau est grand, plus il est lent et lourd à manœuvrer. Et faire changer de cap un bateau de 7 milliards de personnes (ou même de 65 millions de râleurs, grandes gueules et imbus d’eux-mêmes) ça prend du temps. Et puisque tu aimes les citations, je ne résiste pas au plaisir de partager un passage de Kant issu de Théorie et pratique que je relis les soirs de cafard : “on peut trouver de nombreuses preuves de ce que le genre humain dans son ensemble a réellement fait dans notre siècle, comparé à tous les précédents, de notables progrès dans la voie de son amélioration morale (de courts moments d’arrêt ne prouvent rien là contre) ; et de ce que le bruit qu’on fait sur son abâtardissement irrésistible et croissant vient justement de ce qu’élevé à un degré supérieur de moralité il voit encore plus loin devant lui ; et son jugement sur ce qu’on est, comparé à ce qu’on devrait être, par conséquent les reproches que nous nous adressons à nous-mêmes, deviennent d’autant plus sévères que nous avons déjà gravi, dans l’ensemble du cours du monde tel que nous le connaissons, plus de degrés de la moralité.” Autrement dit, si nous jugeons nos contemporains avec plus de sévérité, c’est peut-être simplement parce que nos critères moraux sont plus élevés, et que ce qui passait avant pour “normal” est aujourd’hui insupportable. Et ça, c’est plutôt de bon augure, non ?
En tout cas, merci encore pour ton article, Nicko, et continue à nous régaler avec ce genre de contenus. J’adore ouvrir mon site de news préféré pour voir des jouets, et finir par échanger des considérations philosophiques.
Le record du message le plus long dans notre webzine vient d’être battu haut la main ! Et c’est bien normal venant de la part d’un enseignant. Avec toutes les vacances dont cette corporation bénéficie, le temps libre est quasiment illimité ! Je te taquine Mindmaster, en résonnance à l’introduction de ton message dans mon papier sur l’enseignement 😀
Plus sérieusement, je te remercie infiniment d’avoir pris le temps de me lire et d’avoir rédigé un commentaire si intéressant. Le plaisir est réellement pour moi et je me dis de nouveau que nous avons bien de la chance chez FulguroPop d’avoir des intervenants d’une telle qualité. Alors pour apporter une réponse, ou plutôt pour rebondir à tes remarques, je souhaiterais commencer en disant que ton message m’a fait du bien. Il porte une vision positive où la prise de conscience et l’évolution tendent vers un vivre mieux, vers un monde plus équilibré. Par les temps qui courent, les messages pleins d’espoir et qui soulignent factuellement des avancées sont précieux.
A titre personnel, je n’ai pas d’avis bien tranché sur la question de l’évolution. Je m’explique. Parmi mes élèves, certains me rassurent quant à l’avenir de l’humanité. Ils affichent une capacité de travail, de réflexion, d’intelligence, bien au-delà de ce que je peux globalement constater. Je me dis que ce terreau fertile enrichira notre société, notre humanité. Parallèlement à ces personnalités en lesquelles je crois, se trouvent d’autres élèves, moins éveillés, moins conscients des enjeux de notre époque et sensiblement plus majoritaires. Ils affichent une volonté clairement consumériste à travers la sacralisation du smartphone et autres connexions à haut débit. Alors ils pourront effectivement évoluer, se construire et développer un regard critique sur le monde qui les entoure. C’est ce que je souhaite de tout cœur.
Ensuite je me dis que tout ce que tu décris avec une certaine justesse est peut-être une forme de parabole inversée qui ne donnerait pas une valeur minimale mais au contraire un point quasi culminant d’une évolution qui tendrait à régresser selon ma métaphore mathématique. Là encore je suis dans une posture d’incertitude concernant le devenir de cette évolution où il est possible que le travail de nos ainés, le degrés d’intelligence et la volonté de construire un monde meilleur, plus juste, plus éclairé, soient possiblement déclinant. Je n’affirme rien, je suis de nouveau dans l’attente, dans l’observation et dans le questionnement.
Les deux seuls points où je serais peut-être plus nuancé que toi concernent d’abord ton parallèle entre notre bien aimé Gerard des Filles d’à côté et le fait qu’un personnage viril de Game of Thrones puisse dire qu’il “aime les bites”. Je trouve finalement que les deux références sont aussi caricaturales l’une que l’autre. Ensuite je gage qu’en France nous ne soyons pas “65 millions de de râleurs, grandes gueules et imbus d’eux-mêmes”. Je suis certain que ta volonté était taquine.
Je ne peux que te remercier de nouveau Mindmaster pour cet échange nourrissant, constructif et qui laisse encore une fois planer une perspective rassurante. C’est une petite bouffée d’oxygène que j’ai pris plaisir à attraper au vol. Je t’invite personnellement à visionner le film Idiocracy pour que tu te fasses une idée plus précise de celui-ci. Il me semble même profitable d’organiser un visionnage collectif avec certains élèves dans ton établissement. Le film, malgré ses aspects excessifs et caricaturaux, constitue un matériel idéal pour la réflexion et la prise de conscience. Ce n’est qu’un point de vue encore une fois. Merci Mindmaster ! 🙂
Mindmaster, il y a beaucoup à dire et à redire sur ton intervention….Il faudrait que tu prennes du recul sur ce que tu dis quand même. Je pense que tu es un peu écolo, un brin “bien-pensant” . Tu me fais penser à ces donneurs de leçons actuels qui surfent sur la vague écolo et qui remettent en question les acquis du passé parce qu’ils ne conviennent pas à LEUR/TA façon de voir le monde. Un joyeux fourre-tout moraliste que l’on voit fleurir dans les médias d’aujourd’hui.
Je n ai pas dit idéaliste (tu as remarqué) parce que ta phrase : “acheter un vêtement d’occasion n’est plus vu comme un acte de pauvre mais comme un achat malin” trahit ton origine sociale et la honte que tu en éprouves. Désolé d’être aussi cash mais tu mets un pansement sur une jambe de bois. Tu peux te rassurer comme tu veux bien sûr mais ta démonstration ne tient pas la route. Il y aurait tant à dire aussi sur ta vision du passé ou tes vertus écologiques… mais il me faudrait un livre entier pour démonter ton argumentaire assez faiblard. Désolé encore, mais on entend tellement ce discours de bourrage de crâne en ce moment que cela en devient mal élevé. Une sorte de philosophie de bazar sans réel socle durable (sans mauvais jeu de mot). Et encore, tu n as pas fait de parallèle foireux avec le Covid, ouf ! on s’en sort quand même un peu… juste un peu.
Merci mon Chris pour ta lecture ainsi que pour ton message auquel je ne souscris pas 🙂
“Je pense que tu es un peu écolo, un brin “bien-pensant ”. Tu me fais penser à ces donneurs de leçons actuels qui surfent sur la vague écolo et qui remettent en question les acquis du passé parce qu’ils ne conviennent pas à LEUR/TA façon de voir le monde. Un joyeux fourre tout moraliste que l’on voit fleurir dans les médias d aujourd’hui.”
A titre personnel, je ne connais pas particulièrement Mindmaster mais à aucun moment je n’ai senti dans ses interventions une volonté de donner des leçons. Peut-être l’ai-je mal lu ? De nouveau selon une sensibilité personnelle, je suis très attaché à la préservation environnementale. Ensuite j’ai l’impression Chris, à tort peut-être, que tu as une vision politisée du terme écolo. A titre personnel, je pense l’écologie à travers des enjeux planétaires, à travers une façon de consommer, à travers une prise conscience qui doit être transmise aux générations futures. Et je ne suis encarté nulle part, je n’ai pas d’affinité politique particulière.
“Je n’ai pas dit idéaliste (tu as remarqué ) parce que ta phrase : ” acheter un vêtement d’occasion n’est plus vu comme un acte de pauvre mais un achat malin” trahit ton origine sociale et la honte que tu en éprouves”.
Je ne souscris pas à ta remarque. Je trouve que le recyclage, qu’importe sa forme, est tellement profitable. Il permet de limiter les déchets et de proposer des produits moins onéreux aux plus démunis. Ce n’est pas rien quand même. Alors effectivement on peut penser que c’est peu et que la démarche est vaine. Pour répondre à ta remarque Chris qui va dans ce sens : “Désolé d’être aussi cash mais tu mets un pansement sur une jambe de bois”, permets-moi de partager avec toi une petite légende chère à Pierre Rabhi :
“Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : “Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ”
Et le colibri lui répondit : “Je le sais, mais je fais ma part.”
Selon cette idée, dans mon quotidien, je fais ma part. C’est peut-être dérisoire, vain et déraisonné, mais je continuerai à trier mes déchets, à acheter mes légumes chez un producteur local, à déposer mes vieux vêtements dans des collectes de recyclage. Alors je ne donne aucune leçon, je ne dis pas qu’il faut faire ce que je fais. Comme le petit colibri, je fais juste ma part 🙂
Et ne sois pas désolé Chris, ton intervention et ton “petit coup de gueule” ont leur place. Sachons cependant développer des idées et des réflexions sans être nécessairement dans l’anathème. Le désaccord et des visions divergentes peuvent être l’occasion d’échanges constructifs j’en suis certain.
Merci encore à toi Chris 🙂
Merci Nicko pour cette découverte. En effet, je ne connaissais pas ce film, mais je vais de ce pas me mettre en quête d’un moyen de le regarder.
De rien avec plaisir. J’attends ton regard sur celui-ci avec intérêt.
Bien Nicko, décrire la réalité c’est revisiter notre monde. Reste à savoir si l’homme a encore les pieds sur Terre ou dans sa merde…
“L’homme” (comprendre l’humain, mais comme j’aimais bien le générique d’Il était une fois l’homme, je laisse l’homme) ayant deux pieds, il pourra en avoir un dans chaque emplacement. Seul problème, le pied dans sa merde mettra plus longtemps à se nettoyer, comme la planète sur laquelle il vit (belle image, j’en deviens philosophe :))
Merci mon Fred pour ta lecture et ton message 🙂
Que dire si ce n’est essayons de rester positif et croyons en une partie de notre jeunesse qui saura relever les défis de l’avenir 😉
Idiocracy vaut peut-être plus pour sa manière de susciter la réflexion que de la poser, mais c’est déjà beaucoup, et c’est peut-être le propre de toute satire. Car il n’est pas possible de corréler la natalité à l’intelligence, entre autres parce qu’il n’est pas possible d’évaluer l’intelligence, et que des comportements de survie peuvent expliquer une forte natalité. Quant à l’emprise des écrans, elle mène à se questionner sur la manière dont on utilise ce qui n’est somme toute qu’un outil, et donc sur la manière dont on forme la société à ce sujet. Il est d’ailleurs curieux de remarquer comme la voiture a pu faire peur avant sa démocratisation, et faire craindre qu’on ne puisse plus respirer correctement une fois au volant, alors que le smartphone est entré dans la vie la plus intime par la porte du téléphone, auquel il ne ressemble pourtant qu’en apparence. On se rend peut-être mieux compte maintenant de l’importance des relations véritablement sociales, par opposition aux réseaux sociaux, mais il reste difficile de reconnaître sa dépendance envers les « leaders d’opinion », ou les effets de la « spirale du silence ». Le fait de liker ou non revient à dire qu’on aime ou qu’on n’aime pas, ce qui est le seul niveau d’analyse des citoyens spectateurs, et revient accessoirement à dépenser de l’énergie pour ne rien produire, parce qu’il faut bien que cette information soit enregistrée sur un serveur. La thématique du désastre écologique en marche, qui est si à la mode mais qui n’en est pas moins d’actualité, est sans doute plus corrélée à l’intelligence que la natalité, ou du moins à la raréfaction des esprits brillants parmi les décideurs. Il est difficile et peut-être prématuré de chercher les responsabilités, surtout que la société de consommation et la croissance évaluée par la richesse figurent toujours parmi les « usual suspects », mais l’heure des comptes sonnera sans doute celle de l’individualisme capitalistique. Car à l’aune de la vie sur Terre, le fait de chercher à réaliser le plus de profit possible sur le peu d’années que vit un adulte ne vaut pas mieux que d’abandonner ses libertés pour le confort de ne plus avoir à réfléchir, ou de pouvoir continuer à acheter ce qu’on a déjà acheté plusieurs fois sous différents emballages. Idiocracy ne fait sans doute qu’exagérer les travers de l’Amérique pré-trumpienne, mais malgré sa diffusion chaotique et son exploitation du dysgénisme, il apparaît maintenant comme la résultante de la réalité alternative qu’impose un imbécile ayant trop de pouvoir.
“Idiocracy vaut peut-être plus pour sa manière de susciter la réflexion que de la poser, mais c’est déjà beaucoup, et c’est peut-être le propre de toute satire.”
Je souscris de manière absolue à cette remarque, et elle rejoint celle que j’ai adressé à Mindmaster sous la forme d’une invitation à visionner avec ses élèves le film Idiocracy. Effectivement, le fait de générer un regard sur le monde, sur les enjeux de l’avenir, et finalement proposer la réflexion, c’est déjà beaucoup. Comme toi Nicolas, je reste très prudent concernant le postulat de départ du film, je l’ai d’ailleurs mentionné dans ma production.
“Il est difficile et peut-être prématuré de chercher les responsabilités, surtout que la société de consommation et la croissance évaluée par la richesse figurent toujours parmi les « usual suspects », mais l’heure des comptes sonnera sans doute celle de l’individualisme capitalistique. Car à l’aune de la vie sur Terre, le fait de chercher à réaliser le plus de profit possible sur le peu d’années que vit un adulte ne vaut pas mieux que d’abandonner ses libertés pour le confort de ne plus avoir à réfléchir, ou de pouvoir continuer à acheter ce qu’on a déjà acheté plusieurs fois sous différents emballages”.
J’aime cette approche. Elle est teintée d’humilité, de mesure et de lucidité. A titre personnel, et sans tomber dans une “pensée précipitée”, je pense que nos modes de consommation et un capitalisme effréné génèrent des problématiques écologiques et parallèlement des désastres humains. Dans mon épilogue j’ai évoqué la notion d’équilibre et ses dérèglements possiblement dévastateurs. Est-il possible de nos jours et pour l’avenir de retrouver une certaine raison concernant nos modes de consommation ainsi qu’un système économique plus équilibré ? Je l’espère de tout cœur.