A première vue : interprétations du cycle capillaire d’Ellen Ripley

 

Je vous livre aujourd’hui une succincte analyse à propos du personnage Ellen Ripley indissociable de la saga Alien. Il s’agira d’interpréter les informations suggérées par l’évolution capillaire de l’héroïne. Pour rappel, c’est Sigourney Weaver qui incarnera dans les quatre premiers films le lieutenant Ellen Ripley.

Que ce soit par évidence ou en filigrane, le style d’un personnage nous donne plusieurs indications sociales, culturelles, historiques ou encore temporelles. De simples détails peuvent parfois cacher des éléments de compréhension capitaux quand à l’appréciation d’un profil, d’une identité, d’un devenir.

Retraçons ensemble une partie de l’histoire d’Ellen Ripley afin d’interpréter son cycle capillaire du premier film de 1979 jusqu’à celui de 1997. Bonne lecture à tous.

 

 

Alien, le huitième passager (1979)

Le point de départ. Dans ce premier opus, Ellen Ripley arbore des cheveux relativement longs, quasiment jusqu’aux épaules. Symbole historique de la féminité et de l’érotisme, la chevelure abondante est aussi une représentation de la candeur, de l’ingénuité. La mise en symétrie avec Ripley est à faire à travers cette acception.

En effet, au commencement du premier film, notre héroïne est vierge de tout contact avec les xénomorphes. Ensuite le seul rapport qu’elle entretient avec les hommes de l’équipage est d’ordre professionnel. Pourtant une relation intime avec le capitaine Dallas était prévu dans le scénario original.

Dans le quatrième acte du film, Ellen Ripley apparaît en sous-vêtement blanc, immaculé, tout comme son débardeur. Là encore la blancheur est à mettre en perspective avec la notion de candeur. De manière synthétique, la longueur des cheveux d’Ellen Ripley peut être interprétée comme un symbole de virginité ou encore de pureté avant la première rencontre avec un xénomorphe.

 

 

Aliens, le retour (1986)

Première évolution. Dans cette suite sous le signe de l’action, Ellen Ripley apparaît dès les premières scènes avec des cheveux longs. Très rapidement, notre héroïne va raccourcir sa chevelure jusqu’à la nuque. Plusieurs grilles de lectures en filigrane sont possibles.

D’abord la perte de la virginité, relative au premier film et évoquée dans la première partie de cette analyse. La rencontre avec le xénomorphe a marqué Ripley de manière indélébile. Le raccourcissement de ses cheveux suggère en parallèle une diminution de la féminité mais également une stigmate.

Les cauchemars qui hantent Ripley au début du deuxième film traduisent à quel point elle a été marquée par son aventure dans le Nostromo. Comme pour acter un nouveau départ, notre héroïne modifie son apparence. Ensuite la maturité et l’expérience opèrent. Ripley connait le mal qui ronge LV-426 et fait office de “référente” dans l’œuvre de James Cameron.

Enfin la détermination. Il se dégage une dimension très militarisée d’Ellen Ripley à travers le raccourcissement de ses cheveux, comme si cette dernière partait en guerre. Et ce sera le cas (à mettre en perspective avec Vasquez). La masculinisation de l’héroïne est un aspect capital concernant son évolution dans le second film (par opposition à la relation maternelle qu’elle développe avec Newt).

 

 

Alien 3 (1992)

La rupture. Ce troisième volet marque la fin du cycle. Ellen Ripley doit, dans la première partie du film, se tondre la tête pour des raisons sanitaires et sociales. L’environnement dégradé et insalubre de Fiorina 161 sera le tombeau de Ripley. Là encore, plusieurs interprétations sont à faire.

En première instance, la perte quasi totale de féminité. Malgré sa relation intime avec le docteur Clemens et la tentation qu’elle représente pour les prisonniers, notre héroïne se désincarne peu à peu en se tondant la tête, perdant ainsi un des attributs historiques de la féminité. La stigmate, la cicatrice que laisse les multiples rencontres avec les xénomorphes ne cesse d’augmenter à travers le raccourcissement de ses cheveux. Une antithèse très symbolique.

Deuxième approche : dans le film Alien 3, Ellen Ripley a été “inséminée” par un Royal Facehugger. Elle est alors porteuse d’une reine. La thématique médicale qui découle de ce statut d’hôte est intéressante. A l’image d’une tumeur incurable, l’embryon Alien assiège le corps de Ripley en condamnant celle-ci inéluctablement. En parallèle, les cheveux tondus nous renvoient aux effets secondaires de traitements médicaux lourds pratiqués en cliniques.

De manière plus synthétique, le physique d’Ellen Ripley dans le troisième film est indissociable d’un achèvement, d’une tragédie, dont les étapes successives sont symbolisées par une réduction capillaire progressive (durant les 3 premiers volets de la saga).

 

 

Alien, la résurrection (1997)

La renaissance ou le reboot. Quatrième film de l’univers Alien qui introduit judicieusement la thématique du clonage afin de ramener Ripley à la vie. Le titre évocateur de l’œuvre réalisée par Jean-Pierre Jeunet est à mettre en perspective avec la dernière partie de l’analyse.

La notion de cycle mentionnée à plusieurs reprises dans la production d’aujourd’hui implique un recommencement. Ellen Ripley, sous sa forme clonée, apparaît dès les premières scènes dans un cryotube. Elle n’a absolument plus aucun cheveu. Nous sommes au point d’intersection entre la fin et le renouveau.

Notre héroïne sera représentée, dans les plans qui vont suivre, avec des cheveux longs et ce jusqu’à la fin du film. La boucle est bouclée via un retour au point de départ mais avec une psychologie et un profil qui ont évolué. Je souhaiterais citer, en résonance à cette dernière partie, une phrase de Fleurette Levesque : “La vie étant un éternel recommencement, seule l’acceptation de la défaite signifie la fin de tout. Tant et aussi longtemps que l’on sait recommencer, rien n’est totalement perdu”.

 

 

Epilogue

J’ai volontairement condensé les informations que contient cette rédaction afin qu’elles restent lisibles. Pour autant, l’analyse n’est pas tirée par les cheveux (c’était trop tentant !). Il va sans dire que beaucoup d’autres éléments auraient pu être confrontés. Les différentes thématiques relatives à l’univers d’Alien sont vraiment passionnantes.

La rubrique A première vue est un superbe outil qui permet d’aborder les éléments secondaires d’une œuvre. Merci à Julien de l’avoir conceptualisé. J’espère que vous avez pris plaisir à lire ces quelques digressions capillaires.

Je vous donne rendez-vous très bientôt pour d’autres séquences de décryptages cinématographiques. Merci à tous pour vos lectures. Cette production est dédiée à tous les coiffeurs ainsi qu’aux mordus de la saga Alien.

14 comments

Valentin says:

Je copie mon message laissé sur FB du coup 😀 :
L’angle de la coiffure comme analyse est intéressant mais c’est dommage de rester sur un poncif genré “cheveux longs = féminité et cheveux courts = masculinité”.

Nicko says:

Merci Valentin d’avoir pris le temps de me lire 🙂

Ne vous formalisez surtout pas, mais votre remarque est anachronique. Mon analyse est circonscrite sur une période bien précise, 1979 jusqu’à 1997. A cette époque, les choix des différents auteurs et scénaristes ne prenaient absolument pas en compte les changements et évolutions sociales contemporaines. Ensuite il faut lire toute la littérature fin 18ème et début 19ème siècle avec sa période romantique pour appréhender une grande partie de la féminité. Les cheveux longs constituent tout un pan historique qui s’inscrit dans une culture, dans une tradition.

Ma production est donc fondée sur une temporalité avec ses codes et ses déterminants. Sinon l’analyse serait impossible puisque les outils de compréhensions et les concepts appartiendraient à un autre temps 🙂 Un peu comme votre remarque que je ne rejette absolument pas d’ailleurs. La féminité est polyforme, à n’en point douter.

Je vous souhaite une excellente journée et merci encore pour votre lecture 🙂

Valentin says:

Alors oui et non. 🙂
Une analyse ne peut se faire hors de tout contexte. L’auteur de l’analyse est forcément influencé par tout un tas de facteurs socio-culturels. C’est d’ailleurs le travail scientifique et difficile d’un historien. Un exemple fallacieux qui revient le plus souvent c’est de dire qu’au 18-19ème tout le monde était raciste (esclavage, massacres, etc) et qu’il serait donc irrecevable de qualifier d’anti-sémite ou de raciste des auteurs de cette époque. Or, il existait bien des voix contradictoires, même à l’époque.

Le féminisme et la remise en question des codes de la “féminité” traditionnelles étaient déjà des questions importantes dans les années 80’s et avant, ça ne date pas de 2010. Tu noteras également que “la féminité de la littérature du 18ème et 19ème” est dans sa quasi totalité écrite par des hommes. Ce que tu décris est donc la “féminité” vue par les hommes oui (et certaines femmes mais c’est un autre sujet). Ce qui peut paraître curieux puisque ce ne sont pas les premiers concernés. 🙂

On peut donc se questionner de l’intérêt d’une analyse ancrée dans le même contexte.
Les différents réalisateurs avaient-ils la même vision biaisée ? Peut-être bien, je ne connais pas assez tous les réalisateurs derrière la saga pour le déterminer.
L’interprétation n’est de toute façon que ce qu’on veut bien y voir. Une petite vidéo pour approfondir tout ça : https://youtu.be/eMYTkOrdmtw

Hello j’interviens en reprenant le message que j’avais posté en réponse à Valentin sur Facebook.
Je soulignais la complexité de la question de l’analyse des symboles et justement de la question contextuelle (contexte géographique et temporelle : culture/civilisation). L’exemple biblique de Samson et les variations récentes de la mode en sont des exemples. Je souhaite néanmoins insisté sur un aspect que Nicko souligne dans son texte et qui est propre à Alien. Ainsi Lambert, la seule autre femme parmi l’équipage du Nostromo porte les cheveux courts, alors que Dallas porte des cheveux plus longs à la mode dans les années 70. Ce qui fait que Ripley est à part sur ce vaisseau. Elle n’a pas de relation sociale autre que professionnelle avec ses collègues (ce qui n’est pas le cas de Lambert).

Valentin says:

Qu’on me comprenne bien, je ne dis pas que le film laisse une image de la féminité discutable. Ripley est un personnage d’ailleurs assez apprécié par les femmes. Je dis juste que parler de féminité en abordant que le prisme traditionnel phallocrate est assez dispensable. L’analyse d’une féministe serait, amha, plus intéressante sur le sujet de la féminité.

Nicko says:

“Une analyse ne peut se faire hors de tout contexte”. Surtout quand le contexte est déterminant 🙂 C’était un peu l’objet de mon précédent message. Et c’est le cas dans ma production. Ai-je réduit la définition d’une analyse à ce cas unique ? A aucun moment me semble t-il.

Ensuite si vous m’avez lu entièrement, ce dont je ne doute absolument pas, je ne limite pas les cheveux courts à la masculinité. La notion de stigmate/cicatrice est introduite. Idem pour les cheveux longs et l’ingénuité/candeur. Parfois, en vous lisant, j’ai l’impression que vous réduisez ma modeste production au thème du genre. Il y a bien d’autres notions évoquées.

J’ai cité la période du romantisme où la femme est souvent sublimement évoquée à travers des textes. Mais j’aurais pu parler de la Rome antique ou de la culture au moyen-orient, toujours sur le thème de la longueur des cheveux évoquant la féminité. Je ne vais pas rentrer dans les détails, je ne pense pas que ce soit approprié. Le magazine est un lieu de divertissement et de bienveillance.

Je voudrais ajouter que l’histoire est un mouvement perpétuel, rien n’est figé. Il faut accepter qu’à un instant “T” des perceptions, des modes, des codes, des cultures aient existés. Ca s’appelle contextualiser et c’est ce que j’ai fait dans mon analyse. A titre personnel, je ne me place jamais en tant que moralisateur. Je laisse le soin à chacun d’apprécier le bien, le mal, la validité ou l’irrecevabilité de toute chose. Les faits sont en toutes circonstances mes seuls outils pour analyser, bien que l’interprétation induise aussi de la subjectivité.

Merci à vous pour ces échanges intéressants 🙂 N’hésitez pas à vous manifester plus souvent dans le magazine.

Au final, je reste persuadé que l’évolution physique de Ripley n’est pas neutre du point de vue des auteurs et de la société qui les inspire. En effet, Rip est l’un des rares personnages féminins qu’on puisse suivre sur une période aussi longue (18 ans) et qui a subi autant de changements physiques. L’analyse de cette seule évolution n’entraine pas de mon point de vue l’imposition d’un prisme phallocrate, mais je peux me tromper.
Je suis très content en tout cas qu’on ait cet échange sur le site car c’est une illustration de la richesse et de la profondeur de la pop culture.

Merci à vous deux.

Nicko says:

Merci beaucoup Ju pour tes précisions très intéressantes 🙂

Comme je l’ai mentionné à la fin de ma production, il y a d’innombrables parallèles et points à évoquer encore sur le thème que j’ai abordé. Vasquez est tellement représentative du sujet. Encore une fois, il faut contextualiser les choses et utiliser une grille de lecture en adéquation avec la temporalité évoquée. Sinon on risque à la fois le hors sujet mais aussi le manque de pertinence.

Valentin says:

Ah mais je suis d’accord que l’évolution physique a un intérêt 😀 Je parlais juste de la vision traditionnelle de la féminité qui était phallocrate 🙂 Et c’est d’ailleurs pas si annodin et propre à l’époque des films puisque encore aujourd’hui, des hommes associent féminité à cheveux longs, maquillage, etc.

Certes, mais tu vois, dans le même film, le personnage qui au final colle le plus avec la caricature phallocrate (notamment du fait de ses réactions émotives), c’est Lambert. Et pour le coup a les cheveux courts.

Valentin says:

Donc parler de longueur de cheveux pour parler de féminité n’est pas très pertinent, on est d’accord 😀 Et je nuancerais aussi mon propos du dessus : Les films des 80’s étaient à fond dans les stéréotypes sexistes. Les personnages féminins d’Alien étaient peut-être des contre-exemples à l’époque.

Seconde nuance également : Même l’archétype de la “femme forte” est assez critiquée aujourd’hui. En effet une “femme forte” est dite “forte” car ayant des traits traditionnellement liés à l’archétypes genré masculin (attrait pour la violence, musculature développée, faible capacité à montrer des émotions, militarisé). Et c’est probablement pour cette raison, d’ailleurs, que l’archétype de la femme forte hétéro est souvent apprécié par la globalité des hommes hétéro (sauf quand celle si s’oppose aux hommes, wink wink Captain Marvel).
Cela dit, on peut voir aussi que cet archétype voit sa limite sexiste acceptable dans la musculation : Dès qu’une femme est très musclée, elle est désignée comme “trop” musclée ou plus “féminine” car plus désirable (comme si la féminité d’une femme se déterminait sur sa désirabilité vis à vis de mâles hétéros).

Enfin bon c’est un sujet passionnant mais je ne suis absolument pas légitime pour en parler. Il serait intéressant d’avoir plus de visions de femmes dans la pop culture qui reste un milieu encore trop ethnocentré (comme le prouvent les dizaines de polémiques sur les personnages féminins et POC).

Nicko says:

Donc parler de longueur de cheveux pour parler de féminité n’est pas très pertinent, on est d’accord” Merci de ne pas caricaturer mes propos et de jouer à celui qui ne comprend pas mon cher Valentin 😀 Nous valons mieux que ça vous et moi.

Je n’ai pas vocation à juger ce qui est féminin ou pas. D’où l’utilisation encore une fois dans ma production du terme “historique”. Et oui mon cher Valentin, ne soyons pas narcissiques au point de nier un passé, des littératures, des cultures. Ne nous érigeons pas en juges suprêmes du passé, comme si le bien était irrémédiablement inscrit dans notre ADN. Il y a des faits encore une fois, que vous appréciez selon vos grilles de lectures et j’ai la politesse, l’ouverture d’esprit, de respecter celles-ci.

La méthodologie, l’analyse contextuelle, n’est pas l’idéologie ou la caricature. Extraire des informations, s’imprégner d’un contexte, de l’histoire, d’un passé, d’une littérature, de cultures factuelles ne relève pas du subjectif. Seule l’interprétation qu’on en fait peut être remise en cause. Si j’avais écrit “la longueur des cheveux c’est la féminité, point” alors votre message provenant de FB aurait été juste. Mais non, j’ai bien évoqué une symbolique “historique” factuelle.

Enfin, comme mentionné dans ma première réponse, je pense que la féminité est polyforme donc nous nous rejoignons finalement. Merci Valentin ! 🙂

Ryuzo says:

Ça y est, c’est bon? Je peux le prendre mon Doliprane ?!

😂🤣

Nicko says:

Lol 🤣

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