A première vue : Excalibur de John Boorman, épée épique

Au tout début des années 80, à la suite des révolutions cinématographiques lancées par Ridley Scott, George Lucas et Steven Spielberg, le cinéma de genre redécouvrait les gloires de ses origines. L’exploitation des mythes fondateurs de la littérature occidentale était une évidence. Le Britannique John Boorman se lança donc dans l’adaptation de la légende arthurienne, donnant à son film l’ambiguïté des sources hétérogènes qui ont façonné siècles après siècles notre perception du roi Arthur.

Le choc des mondes celte et chrétien

Ambigu car, à l’instar de Kaamelott par exemple, Excalibur entend donner à voir un monde coincé entre l’antiquité et le moyen âge. Le « vrai » roi Arthur, enfin celui qui a donné son nom à la légende, serait un souverain britannique de la fin du Vème siècle, luttant contre les envahisseurs germaniques alors que l’Empire romain d’occident s’effondre.

Cette légende connaîtra un succès phénoménal, notamment grâce à son intégration dans les romans de chevalerie en vogue au bas moyen-âge. Chrétien de Troyes popularise le thème et l’ancre profondément dans l’inconscient collectif.

 

La dimension chrétienne du mythe transparait de maniere fugace autour du salut attendu du Graal.

Le mysticisme l’emporte sur le religieux. Seul le couvent où Guenièvre conserve l’épée de son époux présente de légers signes de christianisme.

 

C’est via le personnage de Merlin que Boorman fait sentir cette transition « historique ». Le magicien invoque et incarne les divinités du passé. L’ouroboros qu’il porte au bout de son bâton le rattache au monde indo-européen.

Un an avant qu’il n’apparaisse dans le film Conan le Barbare autour du culte de Thulsa Doom, cette version du serpent monde frappe par son universalisme.

 

Le thème de l’ophidolatrie a régulièrement été évoqué dans ce magazine, par Ayorsaint et moi-même, notamment, mais il s’agit bel et bien d’un symbole universel qu’on retrouve dans des cultures très éloignés, dont certaines échappent à l’éternel sphère indo-européenne puisque le Serpent à deux têtes du British Museum vient d’Amérique centrale.

 

Ce symbole « parle » tellement à tout le monde que Lucasfiml l’a même intégré dans l’univers Star Wars !

 

 

 

 

 

Merlin Kenobi

Voilà qui m’amène à évoquer un autre lien entre Star Wars et Excalibur. Dans ce dernier film, le personnage de Merlin ressemble étonnamment à la figure Ben Kenobi. Ermite mystique, détenteur d’un savoir secret et sacré, qui a veillé sur le bébé d’un chevalier disparu… L’humour, mêlé de gravité, rappelle dans le jeu de Nicol Williamson celui de Sir Alec Guinness.

La geste arthurienne

Pour rendre son film épique Boorman se la joue pompier. Poussant très loin l’académisme, il convoque, dans le médiévalisme le plus pur, tous fles antasmes relatifs au Moyen âge occidental. Wagnérien en diable, le film s’illustre par ces armures ireéelles.
Alors qu’on s’attend à ce que sonne le cor, Boorman nous balance les chevauchées sur fond de Carmina Burana. Comme Kaamelott, Excalibur navigue entre les deux extrêmes de la légende arthurienne : de la chute de l’empire romain d’occident aux tournois de l’amour courtois du bas Moyen âge. Comme dans nombre d’évocations cinématographiques des aventures des chevaliers (qu’ils siègent ou non à la table ronde), Excalibur reprend les poncifs habituels. Les armures, anachronique et rutilantes,  resplendissent dans cette évocation bâtarde du haut moyen âge britannique.

Les sièges se limitent à des assauts de forteresses improbables. La géographie même semble souffrir dans Excalibur où la Carmélide côtoie le site où Excalibur est retirée du rocher.

 

King’s Landing ou Camelot ?

Entre deux chevauchées à fond les gamelles, Boorman revisite crument les fautes d’Arthur. De l’inceste à l’abandon d’Excalibur, la patience divine s’épuise rapidement et précipite la fin sur le champ de bataille de Camlann.

Comme Joffrey, Mordred est un sale gosse, cruel et violent.

Comme Joffrey, Mordred est le fruit d’un inceste maudit.

Comme Joffrey, son succès conduit le royaume vers la ruine. Le parricide et l’infanticide mutuels à Camlann viennent clore cette épopée. Au petit jour, Viviane récupere l’épée et Arthur est emportée vers Avallon.

Après toutes ces années,  Excalibur conserve à mes yeux de spectateur biberonné aux classiques de La Dernière séance, cette modernité incroyable. C’est avec plaisir et émotion que je le regarde régulièrement, frissonnant en réaction autant à la musique de la bande originale qu’à celle des invocations gaéliques de Merlin.

 

 

 

 

1 comment

Sith says:

Mordred me fait penser à l union diabolique de Macron et de Mélenchon 🤣

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