Critique Wakanda Forever sans spoiler
J’ai beaucoup aimé le premier film Black Panther, il apportait ce qu’il fallait de merveilleux et d’efficacité dans la franchise Marvel. Le charme de Chadwick Boseman, l’exubérance des décors et des costumes, tout concourait à faire du Wakanda un havre au sein du Maelstrom que constitue l’univers cinématique Marvel.
Las une fois sorti de son relatif isolement et privé de son roi (l’acteur Chadwick Boseman est décédé en août 2020), le Wakanda se trouve sur une pente dangereuse. Et l’analogie avec ce film vient facilement à l’esprit.
Ryan Coogler avait réussi un tour de force en 2018 sur la base du personnage introduit en 2016 dans le film Captain America : Civil War.
Alors on y avec de gros sabots… Entre chagrin, espoir, colère et vengeance, le film avait déjà de quoi se perdre. L’émergence d’une autre superpuissance cachée addict au vibranium et la multiplication des caméos et histoires parallèles nécessaires à l’avancement de la franchise alourdissent l’ensemble. Si Angela Basset s’adonne à plusieurs master class en matière de jeu d’acteur, on ne peut pas en dire autant de tous les membres du casting. Je me demande dans quelle mesure la nécessité d’avancer sans Boseman ne vient pas percuter la clarté du message (pas vraiment subtil pourtant) du film. Le deuil façon Hollywood, malgré le rituel wakandais flamboyant, n’est pas propice à la subtilité. Ce film est donc vraiment bavard. Il cumule les tares des films Marvel qui doivent expliquer tous les détails de l’histoire pour la rendre intelligible, ce qu’on appelle l’exposition, avec l’impérieuse nécessité pour tout personnage endeuillé d’exprimer exactement ce qu’il pense. Si à cela on ajoute la nécessité de gérer la peine de l’équipe du film face à la disparition de Chadwick Boseman, on comprend vite que Ryan Coogler s’est embarqué dans une course d’obstacles.
Au final, sans être déplaisant – à la différence de la majorité des films de la Phase IV du MCU – Wakanda Forever lasse, ne résout pas grand chose et peine à sortir du statut de tremplin pour une prochaine génération de héros, à commencer par Ironheart.
Critique Wakanda Forever AVEC SPOILERS
Comme vous le savez donc puisque Chadwick Boseman est décédé il y a deux ans, le film commence par les obsèques sublimes de T’Challah alias Black Panther. Tout est presque parfait dans cette séquence et c’est avec plaisir qu’on retrouve la reine Ramonda aux commandes de cette nation. Les choses se gâtent quand elle se présente au siège suisse des Nations unies pour mettre en garde la France et les Etats-Unis contre la tentation de s’accaparer du vibranium.
Mais une autre civilisation secrète et dépendante du vibranium veille également et punit une expédition américaine en plein océan. Sous le contrôle de Namor, ces êtres aquatiques à la peau bleue massacrent les soldats et les scientifiques pour les empêcher de miner le précieux métal dont une grande quantité est aussi submergée. J’ai trouvé intéressant que la découverte d’un nouveau gisement de vibranium loin du Wakanda bouscule les croyances et la foi des Wakandais car pour le reste le film est excessivement mystique et et quasi religieux dans son rapport à la mort. Même le personnage de Shuri succombe à cette vague a-cartésienne. Namor décide de faire chanter les Wakandais pour faire le sale boulot à sa place : éliminer le cerveau derrière la technologie de détection du vibranium utilisé par les USA.
Au vu des bandes-annonces, je me demandais comment Namor allait s’infiltrer au Wakanda alors que le pays est enclavé au milieu du continent africain. C’est simple, il a remonté un fleuve. Cela me va. C’est mieux que l’idée lancée par certains à l’époque, qu’il utiliserait une forme de lien entre les océans et les lacs.
Sans surprise, c’est Riri Williams qui est convoquée dans le rôle du petit génie de la tech. J’ai du mal à concevoir que Shuri et elle puisse se trouver dans le même film si ce n’est pour donner un coup d’accélérateur du MCU. De fait, Riri Williams est à mon sens trop vite expédiée dans l’histoire et dans sa contribution au dénouement du film. L’arrivée de sa propre série sur Disney+ aurait, à mon sens, mérité une meilleure introduction, même si l’actrice fait le job. Le problème est plus lié à la convergence de trop d’éléments différents au sein d’un même film.
Namor est plutôt réussi, j’avais quelques doutes eu égard à la transposition des Atlantes en exilés méso-américains, mais ça fonctionne. J’ai bien levé les yeux au ciel quand ils ont retcon son nom à partir d’une locution en espagnol (nino sin amor), mais bon le reste c’est cool. Enfin les parties pas trop bavardes. En tout cas, la cité sous-marine de Telocan est magnifique. Le fait que Shuri ne se demande pas comment Namor avait obtenu le scaphandre de plongée m’a fait sourire, tout comme le courant qui les transporte et qui m’a furieusement fait penser à Nemo.
Après la série Falcon and The Winter Soldier et le film Black Widow, Valentina Allegra De Fontaine fait sa première véritable apparition hors épilogue façon MCU. Pour le coup, son rôle à la fois constitue une surprise (elle dirige désormais la CIA), provoque un haussement de sourcil (elle est l’ex de l’agent Ross) et déçoit un peu (rien ne transparaît du projet Thunderbolts).
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« Mais qu’est-ce que tu me Wakanda ?! »
– Une bande dessinée, un héros, une nation imaginaire, des envies de scenarii plus ouverts au Monde. Et toute la symbolique simple, fière et amusante qui en découle.
– Un film qui transpose cela sur grand écran, contenant aussi bien le cœur de son réalisateur qu’un aréopage d’héroïnes étonnantes, d’antagonistes excitants et d’une esthétique inédite. Et touche le monde entier en lui offrant quelque chose d’à la fois évident et peu vu.
– Quelques analyses bien souvent simples, ou surtout médiocres, comme sur tous les blockbusters Tout Public (trop bon pour être vrai). Qui ne comprendront jamais le plaisir du spectacle global et sérialisé, brut (fidèle aux comics Marvel d’ailleurs, souvent exégètes du dessin brouillon et biscornu), sans l’arrogance de se prendre pour une élite de la beauté et de l’orfèvrerie.
Idem ici, même malgré le drame injuste de la mort d’un comédien alors en plein état de grâce – son histoire s’écrivant ainsi à l’aune des futurs films qu’il n’aura jamais pû tourner. Et des épisodes auxquels son incarnation de T’Challa ne participera pas.
Dans une Phase IV de Marvel Studios, « qui dérange, tellement elle expérimente en faisant tout ce qu’il ne faudrait pas faire »… Qui a édicté ça ? ce qu’on a le droit de faire ou non ? Qui sont ceux qui se moquent vraiment de l’intelligence émotionnelle des spectateurs ? Qui accusent et jugent exagérément, mais en utilisant eux-mêmes des éléments de langage qui se croient plein d’esprit ?
Exemple de réflexion caricaturale et naïve : si ça a de l’expérience et des centaines de millions de dollars de budget, faut forcément que ça soit maîtrisé de A à Z, et devenir de plus en plus sophistiqué.
Non, du flan… C’est la sincérité qui compte, l’implication et le fait d’aller jusqu’au bout d’une idée, sans honte, sans ne parler qu’à un seul public (ancien) en snobant les nouveaux émergeants, sans se croire plus intelligent qu’on ne l’est et sans non plus de mépris.
Rien de mal à avoir une structure industrielle qui marche, et qui étale ses compétences sur la durée au lieu de la concentrer d’un coup… et qui a décrété qu’on n’avait pas le droit de faire ça ? Il n’y a pas Un type de cinéma, unique… il y a Des types de cinéma, divers et normalement accessibles à tout le monde (selon les âges).
Et selon les évolutions des modes de diffusion – là aussi, c’est quelque chose qui s’étale dans le temps (est-ce un tacle de dernière minute, maladroit, à la France qu’on y voit passer là ?).
Il y avait un plan, évoquant un deuil bref qui verrait le retour amer d’une fratrie royale… Il y a eu une évolution, et l’inclusion du deuil réel et définitif (au moins dans cette continuité là – ce n’est pas compliqué du tout à comprendre).
En osant à nouveau « faire ce qu’il ne faut pas faire », alors que l’histoire des super-héros de comics nous a prouvé mainte et mainte fois que c’était possible, et intéressant :
Qu’est-ce qu’on devient quand on a perdu l’espoir incarné ? Comment on trouve le moyen de continuer à avancer, alors que l’univers (étendu), avec ses obstacles envieux et ses personnages nouveaux arrivants, frappent à la porte… avec leurs propres espoirs potentiels.
Et bien on fait, on utilise, on ne stagne pas sur tous ses acquis, tout en en gardant suffisamment pour ne pas perdre son identité, car on n’est pas des révolutionnaires.
Qui de l’œuf ou de la poule est arrivé le premier ? Choisir de piocher dans les légendes précolombiennes pour mieux laisser l’Atlantide à « Aquaman », et ensuite engager un acteur latino en conséquence ? Ou l’inverse, découvrir cet acteur capable de jouer le jeu, et adapter tout son royaume en fonction ?..
Choisir de piocher dans des histoires existantes où la sœur prend difficilement la place du frère, et où il existe un antagonisme improbable entre des nations séparées par des kilomètres de terres… Pourquoi pas, dès le moment où il existe une construction narrative permettant de mêler ses scenarii en un…
Choisir de tourner très difficilement avec des contraintes physiques, en gardant une date butoir (quoique possiblement mouvante), et de ne pas être à 100% de netteté visuelle, ni d’avoir le temps de créer de l’image très virtuose… c’est à dire choisir d’être toujours là au rendez-vous des salles (et des abonnements), comme un évènement festif populaire et régulier, avec la responsabilité de faire en sorte que ça ne soit jamais trop imparfait…
Les esprits chagrins ont beau s’en plaindre (en ont-ils vraiment assez, ou bien sont-ils jaloux de ces succès sans faille ?), il s’agit bien ici d’un type de « film monde », ne se contentant plus d’un héros, d’une amoureuse, d’un vilain et hop on réfléchit et on tourne. Non on croise des franchises, et donc à la fois un film Black Panther Et un film Namor Et un film sur Riri Williams (avec même un petit peu de teasers pour « Secret Invasion » et « Thunderbolts »).
Alors on a un Namor avec plus de menton (poilu) et de colifichets, et moins de front (originellement si haut qu’on le croirait botoxé)…
Portant sensiblement la marque de sa productrice Victoria Alonso (jolie réinterprétation latine du nom du protagoniste) très très impliquée dans le studio.
Fidèle à un caractère fier, arrogant, violent, versatile, puissant. Un peu trop tendre par moment, mais ce n’est pas bien grave si on s’éloigne de son modèle comics, parangon de machisme adolescent lourdingue.
Quant à la pertinence à voir Ryan Coogler le mettre en scène avec son peuple aquatique, et s’éloigner beaucoup de l’univers du Wakanda malgré que s’y créé une sorte de « cousinade »… elle est toute trouvée si on tient compte qu’il s’agit de deux peuples forts et cachés, gardant de grandes traditions tribales… et qui sont proches de l’extermination, la soumission, bref de la disparition totale à cause de la menace des états industrialisés (pas uniquement occidentaux). Une extinction glaçante, qui touche même la propre famille royale.
Cette thématique offensive doit particulièrement tenir à cœur du réalisateur, donnant des airs de thrillers géopolitiques hélas toujours pas aboutis (la poursuite à Boston n’est pas excitante, les arcanes du pouvoir sont bien trop survolées).
Certes la future Ironheart est placée dans l’intrigue en en devenant un enjeu, mais aussi en reprenant la place de jeune fille noire inventrice, non conventionnelle et insolente, qui était dévolue jusque là à Shuri.
Cette dernière étant le fil rouge passionnel du film, à l’évolution surprenante qui la voit devenir un personnage aux contours plus rudes, encore plus en butte aux traditions de son pays.
Permettant de ne jamais trop s’éloigner de toute cette histoire de Deuil, grand thème (Pixarien) de cette Phase IV. Laquelle avait débuté en explorant des étapes telles que le Marchandage dans « WandaVision » (avec « Black Widow », il s’agissait déjà d’histoires où des femmes prenaient le temps de parler avant de passer à l’action), jusqu’au Déni récemment dans « Thor – Love and Thunder » – donc non, « Black Panther – Wakanda Forever » ne rachète rien du tout de cette année 2022. Il va dans la même direction mais en regardant les choses différemment.
Ici c’est plus la Colère qui domine, d’une Reine Mère impitoyable à une fille en quête de revanche. Mais même quand arrivent des batailles trop numérisées entre armées belliqueuses, on finit toujours par revenir à ce côté intimiste, en un mano à mano sans pitié émulant le final de « Volte-face ». Qui, s’il ne raconte effectivement rien de nouveau par rapport au précédent film ou même à la fin de « Captain America – Civil War », se permet alors de boucler la boucle en se mettant dans les mêmes pas. Juste d’une autre manière, furieuse, mais toujours en cherchant sa façon de trouver la résilience.
Les comics ont toujours fait ça, avoir des trouées sérieuses, sentimentales ou gracieuses, existantes à contrario d’un gros barnum bariolé et peu subtil.
Malgré un bon travail d’ambiance esthétique et sonore, l’action de ce film connait encore un certain déficit de fluidité, de vélocité, de viscéralité (les plans-séquences ne marchent toujours pas très bien)… Et de clarté – l’omniprésence de scènes sombres, non stylisées, n’aide pas réellement à donner un aspect plus grave à cet opus de toute façon poignant, dénué de tout chantage à l’émotion…
Les comédiens ont une implication qui est variable, la plupart dévorant l’écran avec force et second degré (on s’y permet même un clin d’œil jouissif à une scène culte de « Predator »)… d’autres étant sous-utilisés, faute de plus de temps (avec un Daniel Kaluuya pas disponible, Danai Gurira n’a plus qu’à devenir un relief comique et la rivale de Attuma ? Michaela Coel s’est-elle au moins amusée ? quand verra-t-on les réactions des civils ?).
Un certain caméo se permet même de contredire un fantasme de fans de reprise du rôle de T’Challa, en appuyant bien sur l’importance du caractère d’un personnage pour justifier qu’une icône ne devienne pas superficielle.
2 h 30, des arcs narratifs parallèles en attente de développement et une flopée d’épilogues « à la Seigneur des anneaux » peuvent paraître bien lourds, pour un film émotionnel, même pas conclusif à une franchise.
Peut-être que c’est parce-que plus la grosse conclusion d’une Phase cherchant à marier la flamboyance avec la sobriété. Ainsi, le traditionnel générique de fin marvelien récapitulatif est remplacé par une flambée symbolique, placée entre deux scènes pleines d’une tendresse mélancolique.
Résultat : c’est toujours suffisamment une réussite. Enthousiasmante, oui.
Dans le premier opus, les blancs passaient au mieux pour des imbéciles, au pire pour des pleutres voire, des racistes… J’espère que ce 2ème opus fait preuve de plus d’intelligence.