Dans cet épisode, la focale va s’attarder sur un personnage qui m’a toujours fasciné dans Ken le Survivant. Il n’est pas le seul, loin de là, mais c’est son histoire qui m’a le plus marqué et l’arc dans lequel Shu apparaît est celui que je préfère.
Dès les premières secondes où l’on rencontre Shu, il endosse le rôle du sauveteur, un rôle qui ne le quittera plus par la suite. Il est à la fois le chef de la résistance contre le tyran Souther mais également une des six étoiles du Nanto, celle de la bonté. Il défie Ken pour jauger son potentiel. Défait par ce dernier, il accepte qu’il l’accompagne dans sa lutte. La particularité de Shu c’est le fait qu’il soit aveugle mais, bien entendu, comme souvent, cela ne l’empêche pas d’être un grand guerrier. Non, ce qu’il y a de réellement intéressant avec sa cécité, c’est l’histoire qui l’accompagne. On fait alors un saut de plusieurs années en arrière, lorsque Ken n’était encore qu’un jeune enfant, disciple de l’école du Hokuto.
Cette scène est gravée dans ma mémoire. J’adore les tournois, et j’adore les liens entre disciples et maîtres. Autant dire que là, on est servis. Shu, accompagné de Souther en tant que représentant de l’école du Nanto, assiste au rituel de passage de l’école du Hokuto auquel doit se prêter Kenshiro. Le principe est simple, il doit se battre contre dix pratiquants de l’école du Nanto et les vaincre. Il terrasse facilement les neufs premiers, et là, sous les yeux médusés de Raoul et Toki, ses grands frères du Hokuto, c’est Shu lui même qui se propose pour être son dixième adversaire. Ken, encore inexpérimenté, échoue et la règle est sans appel, Shu doit l’exécuter. Mais, le but de ce dernier n’a jamais été de vaincre Ken, il a senti en lui un immense potentiel, mais surtout une grande bonté et un destin hors du commun. Il refuse de tuer le jeune enfant et offre alors ses yeux en sacrifice.
Le parallèle avec la croisade présente de Shu est évident puisque Souther, étoile principale du Nanto et dictateur autoproclamé, réduit en esclavage tous les enfants de la région. Il n’en fallait pas plus pour en faire mon personnage de cœur, étant donné le rapport particuliers que j’entretiens avec les enfants et l’enfance au sens plus large. En cela, cet arc est particulièrement traumatisant je trouve. On cite souvent les hectolitres d’hémoglobine, les têtes qui explosent et les corps découpés pour décrire la violence dans cette œuvre, mais le sort réservé à ses enfants est bien plus marquant à mes yeux. Alors que je perçois le reste comme de l’entertainment, d’une part, et une violence nécessaire, d’autre part, pour décrire le monde dans lequel Ken évolue, cette maltraitance des enfants me prend au tripes. Non pas que j’aurais souhaité qu’elle soit censurée, puisque, malheureusement, elle existe encore, sous d’autres formes, dans notre monde actuel. Alors, il faut savoir en parler et Buronson le fait admirablement. Mais, je le vis viscéralement. J’en arrive alors à détester Souther et même lors de sa rédemption, je n’ai aucune pitié pour lui et je ne lui aurai pas asséné, comme Ken, le poing de la compassion. Surtout qu’entre temps, cet être malfaisant, non content de vouloir faire exécuter plusieurs bambins, va transpercer Shu d’une lance dans le dos alors que ce dernier, tendons des jambes sectionnés, tente d’amener au haut de la pyramide érigée en l’honneur de Souther, la dernière pierre à l’édifice afin que ce dernier épargne les petits.
Peine perdue, la gars est mauvais jusqu’à l’os mais malheureusement il est invincible. Aucune technique, ni celles du Hokuto, ni celles du Nanto ne peuvent venir à bout de cette infâme ordure. Jusqu’à ce que Ken, à la suite de son premier affrontement contre Souther qui le laisse pour mort, ne découvre son point faible et puisse retourner lui foutre une branlée grâce au sacrifice du fils de Shu (tel père, tel fils, terrible destinée) qui sauve Ken. L’immonde scélérat possède une particularité génétique bien pratique pour un combattant en arts martiaux, son cœur, ainsi que se points vitaux, sont inversés.
Une fois ceci compris, Ken débarrasse le monde de cette crapule et sauve de facto tous les enfants. Tout est bien qui finit bien pour eux et Ken, sauveur de l’humanité. Enfin presque, car maintenant, ils vont devoir lutter contre la famine, la pauvreté, la soif et toutes les pourritures qui vont en avoir après eux. Ainsi va la vie dans le monde crée par Tetsuo Hara et Buronson. Mais heureusement, on y rencontre aussi des hommes au grand cœur, des hommes prêts au plus beau des sacrifices, des hommes qui vouent leur vie au plus beau des trésors, l’enfance. On y trouve Shu, de l’étoile de la bonté.
Si vous souhaitez revivre ce passage culte dans un condensé de moins de deux heures, visionnez le film Ken, l’ère de Raoh dont sont tirées la plupart des illustrations de cet article.
Merci de tout cœur mon Aurel pour ce papier. Vous savez tous au sein de la rédaction combien l’œuvre Hokuto no Ken me touche. Elle a littéralement bercé mon enfance et reste à ce jour mon manga/animé favoris.
Quelques mots concis sur Shû et l’arc de Souther. Je me souviens parfaitement durant ma jeunesse lorsque j’ai découvert à la télévision le parcours sacrificiel de Shû, celui-ci portant sur son dos l’ultime partie de la pyramide maléfique. Je devais avoir tout juste dix ans, peut-être moins, et cette séquence m’a marqué de manière indélébile.
J’ai souvent écrit dans mes papiers que Kenshiro avait une aura Christique, ce qui est pleinement justifié par certaines particularités – qu’elles soient physiques comme scénaristiques – observables au fil des épisodes de l’animé.
Lorsqu’on met en perspective Shû et Kenshiro, il est intéressant de souligner une évolution des transpositions avec un héritier de la grande ourse davantage Messianique selon une vision qui est nourrie par l’attente, celle du sauveur qui viendra délivrer l’humanité du mal.
De manière complémentaire, Shû apparait pleinement Christique, essentiellement d’après une dimension sacrificielle indissociable de celui qui va donner sa vie pour sauver l’humanité. Ce sera précisément le cas lors de la séquence de la pyramide mais auparavant, Shû va littéralement offrir sa vue pour sauver Kenshiro, comme tu le soulignes dans ton papier mon Aurel.
Cette configuration physique ne nous est pas inconnue puisqu’on la retrouvera notamment – et de mémoire – plusieurs fois dans l’œuvre Les Chevaliers du Zodiaque. Privé de ses sens, Seiyar atteindra un niveau de puissance sans précédent.
Cette transcendance par l’handicap est à mettre en correspondance avec Shû qui est, selon moi, le disciple du Nanto Seiken le plus magistral, bien au-delà de Rei et Shin. Une existence qui ne peut être défaite de la tragédie et du sacrifice au point d’atteindre des compétences martiales hors du commun. J’insiste sur le fait que l’on peut être le plus remarquable au combat sans être nécessairement le plus fort.
Par ailleurs il me semble crucial d’établir une symétrie – toujours au cœur de l’handicap – entre Shû et Souther. Chacun d’entre eux a transcendé une particularité/altération physique pour en faire une force. Il est intéressant d’apprécier comment une constitution/affectation organique contribue à la puissance redoutable de guerriers légendaires.
On pourrait souligner de nombreux autres éléments dans cet arc de Souther, notamment concernant Shû. Le rapport à l’enfance n’est pas anodin lorsqu’on l’associe à la bonté. Une nouvelle référence Christique/Chrétienne apparait, davantage en filigrane, puisqu’elle rappelle le Saint Nicolas, Saint patron des enfants et sauveur de ces derniers.
Mais c’est sans compter de manière parallèle la dimension ésotérique de la pyramide et sa symbolique grandiose/dictatoriale, le rapport à l’enfance de Souther qui a été abandonné à la naissance, tout comme le fait que Shû utilise majoritairement ses jambes pour se battre.
Je m’arrête ici, merci mon Aurel pour ce moment de grâce <3
En voilà un chouette commentaire qui vient développer une thématique que je n’avais même pas effleurée.
Comme quoi les sources d’inspiration sont très vastes voire infinies et nous n’avons pas fini de faire vivre FulguroPop, pour notre plus grand plaisir.
Quelle série que ce Hokuto no Ken quand même… Merci de nous en faire revivre un petit bout via cet article 🙂
D’ailleurs je crois bien que ce moment (Souther, la pyramide et tout ça) correspond à la fin de la diffusion de la série au club Dorothée… Quelle frustration!
En passant, je voulais m’offrir l’intégrale de la série en manga pour Noël et j’ai dû abandonner l’idée car certains volumes sont en rupture de stock et ne se trouvent que d’occasion à des prix « un peu » prohibitifs! Comme par exemple le tome 1 à quasiment 300 € !!!!
Vivement les réimpressions probables l’année prochaine!
Bonnes fêtes à tous 🙂
« Quelle série que ce Hokuto no Ken quand même… »
Une grande phrase de la part d’un grand homme. Tout est dit.
Bonnes fêtes également Thomas et merci pour ta présence 🙂