Les écailles et le vinyle vont être de rigueur dans cette production du samedi puisque nous allons évoquer aujourd’hui l’incontournable licence des Tortues Ninja. Je n’aborderai pas le dessin animé de manière exhaustive, tout à déjà été dit et écrit sur le sujet. Je vous propose plutôt un très succinct historique concernant la naissance des jouets.
Nous découvrirons ensuite le blister du Soldat Foot commercialisé en France dès l’année 1990. Les étapes conceptuelles du personnage seront évoquées. Quelques lignes concernant l’action figure clôtureront ce petit dossier. Bonne lecture à tous.
Des comics aux jouets
Les premiers jouets Tortues Ninja vont être commercialisés aux Etats-Unis en 1988. Ce sera le début d’une prolifique production d’action figures, d’accessoires et de véhicules. Malgré le succès incommensurable que nous connaissons tous aujourd’hui, les débuts de l’aventure concernant la gamme de jouets furent assez incertains.
La licence des Tortues Ninja c’est avant tout la création d’un comic book en 1983 avec un background qui n’était pas nécessairement destiné aux jeunes enfants. En effet, Kévin Eastman et Peter Laird ont imaginé un univers avec une esthétique obscure malgré l’orientation parodique de l’oeuvre. Pour des raisons de coût, le premier comic avait été imprimé en noir et banc. L’atmosphère « dark » s’en trouvait clairement accentuée.
Suite au succès des comics, Eastman et Laird furent approchés par différents agents. L’idée était de développer la licence Tortues Ninja à travers une gamme de jouets. C’est finalement Mark Freedman qui se verra confier la lourde tâche de trouver un fabricant pour les action figures.
Mark Freedman et Playmates Toys
La production des jouets Tortues Ninja constituera un véritable challenge. Deux problèmes se posèrent rapidement : d’abord les grandes firmes alors en vogue, comme Mattel, n’ont pas adhéré à l’univers créé par Eastman et Laird. Ensuite l’aspect sombre des comics évoqué précédemment représentait un obstacle sur le plan marketing, puisque la cible des futurs produits dérivés allait être des enfants.
Mark Freedman, en jouant de ses contacts, se rapprochera de la société Playmates Toys. Le potentiel des jouets Tortues Ninja est enfin pressenti. La priorité sera de revoir le background et le design des tortues afin qu’elles soient plus adaptées au très jeune public visé.
En parallèle, la conception d’un dessin animé est évoqué. La suite vous la connaissez tous : des pizzas, de l’humour et un succès qui traversera les époques.
Conceptualisation du Robot Foot Ninja
Les Soldats Foot ont une fonction bien particulière dans le support animé Tortues Ninja : servir de punching–balls. Initialement, le Clan des Foot était, dans les comics de Eastman et laird, une organisation composée de ninjas. Le background ainsi que le design de la faction furent revisités pour la création des jouets ainsi que du dessin animé.
Les Soldats Foot deviennent à l’écran des êtres robotisés, déshumanisés, permettant aux Tortues Ninja d’exprimer pleinement leur maîtrise des arts martiaux. Le tout sans la moindre goutte de sang.
C’est Peter Laird himself qui proposera les premiers croquis du Soldat Foot en version robot. Pour information, Errol McCarthy participera au design de certains personnages issus de la licence Tortues Ninja comme Baxter Stockman ou encore Pizzaface.
Ci-dessous, deux concept arts réalisés par Peter Laird concernant la création du Soldat Foot robotique. On peut y découvrir l’endosquelette du personnage ainsi que sa forme humanoïde ninja.
La carte Bandai
La gamme de jouets Tortues Ninja a été distribuée en France à partir de 1990. Quelques allégations circulent sur le fait que les chevaliers d’écailles auraient connu les rayonnages hexagonaux dès 1989. Après un travail minutieux de recherche, il semblerait que non. Mais il existe des cas de distributions tellement anarchiques dans l’histoire du jouet que le conditionnel reste prudemment de rigueur.
C’est Bandai qui se chargera de la distribution en France. Les blisters avaient différentes particularités notables. D’abord les artworks de fond qui seront « génériques » chez nous alors qu’aux U.S. chaque personnage aura ses propres illustrations.
On notera ensuite le sticker nominatif sur la bulle du Soldat Foot qui n’a pas été traduit. Cette particularité m’évoque spontanément les blisters français Cosmocats avec, pour certain personnage, un autocollant mentionnant le nom original. Gorior restera Monkian par exemple.
Autre détail amusant : le logo du Clan des Foot apparaît sur la carte, une empreinte de pied gauche. Dans la série animée ce sera étrangement un pied droit. Je vous passe l’anecdote du Clan de la Main, avec le clin d’œil aux comics de Daredevil, que tout le monde connaît.
Au niveau du cardback, on retrouve une charte graphique générale extrêmement proche de la version originale U.S. La B.D. introductive qui révèle la genèse des Tortues Ninja est présente. Les dix personnages de la série 1 sont illustrés. On parle de blister « ten back ».
Ensuite la traditionnelle filecard nous donne des précisions sur les Soldats Foot. Pour rappel, ces petites fiches qui détaillent les spécificités d’un personnage étaient monnaie courante sur les packagings des années 80. C’est un astucieux procédé marketing qui encourage à collectionner les autres jouets de la gamme concernée. C’est également un point de liaison avec le support animé.
L’artwork de la filecard Bandai est générique. Les quatre antagonistes principaux des Tortues Ninja sont illustrés. Les informations contenues présentent curieusement les Soldats Foot comme des momies. Cet aspect est finalement raccord avec le profil déshumanisé des sbires de Shredder. On relèvera au passage la splendide faute d’orthographe « mommie ». C’est en fait l’anglicisme mummy provenant de la carte originale qui a été mal traduit.
Enfin, la double traduction français/espagnol ne vous aura pas échappée. C’est une des particularités de nos cartes Bandai, indiquant une distribution ibérique. Ce concept de « jumelage » m’évoque spontanément les blisters Fr/Nl S.O.S Fantômes.
Le Soldat Foot
L’action figure du Soldat Foot est, en ce qui me concerne, une réussite. Elle ne fait pas l’unanimité, loin de là même. Il faut dire que le profil du personnage y est pour beaucoup, sans compter le fait qu’il n’est pas unique. Les Soldats Foot ne sont au final que des copies de copies.
Le code couleur de l’action figure est différent de celui visible dans l’animé, le jouet ayant été conceptualisé avant le D.A. Je trouve personnellement l’association des teintes très réussie et en adéquation parfaite avec celles de Shredder. Le sculpt général du Soldat Foot renvoi à cette idée de personnage désincarné à l’allure « zombifiée ». La longueur disproportionnée des bras ainsi que la courbure du corps accentuent cet aspect fantomatique.
Les articulations sont limitées et le jouet souffre d’une certaine rigidité. Qu’importe, le design se suffit à lui-même. Trois armes sont fournies avec le Soldat Foot ainsi qu’un râtelier permettant de les supporter. On regrettera cependant l’absence d’un fusil laser.
Épilogue
De nombreux points auraient pu être encore abordés et développés concernant le Soldat Foot : ses déclinaisons cinématographiques ou encore ses origines dans le comic book. L’idée n’était pas de faire un dossier exhaustif sur le personnage mais d’aborder le packaging Bandai ainsi que l’action figure. J’ai pris plaisir cependant à évoquer succinctement la naissance des jouets Tortues Ninja.
Les chevaliers d’écailles ont eu un succès fracassant en France dès 1990. Le prix des premières action figures Tortues Ninja était d’environ 49 francs. Cela constituait un tarif raisonnable et dans la moyenne des autres gammes présentes sur le marché du jouet.
Notre dossier du samedi se termine. J’espère que vous avez passé un bon moment. Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir un nouveau jouet vintage. Merci à tous pour vos lectures. Ce dossier est spécialement dédié à Jouck et Lolonardo.
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- Calendrier de l’avent 2023 – Jour 12 : Robo Machines (Bandai 1993) - 12 décembre 2023
- Calendrier de l’avent 2023 – Jour 10 : Le Rocher de la Peur (1986) - 10 décembre 2023
Comme disait le grand philosophe Chuck Norris, « je mets les pieds où je veux et c’est souvent dans la gueule » … Je l’aime bien ce bon vieux Foot Soldier, je ne sais pas si à l’époque il a été acheté en plusieurs exemplaires par les enfants amateurs des Tortues Ninja, mais sa silhouette , sa position, son visage masqué avec ses yeux jaunes, lui donne un côté inquiétant fort réussi. Un bon personnage même si sa tête sert de pédiluve aux tortues! Par contre, quand je lis « Playmates » sur le blister, rien à faire, je m’attends toujours à trouver une April O’Neil en petite tenue à l’intérieur ^^ Merci pour les concept arts Nicko 🙂
Merci Pascal pour ta lecture 🙂
Effectivement le design du Soldat Foot est réussi. Il donne vraiment l’impression d’une déambulation déshumanisée, tel un corps sans vie dans une errance éternelle. Pascal, tu as trop regardé le Co-Co Boy en fin de journée le samedi lol
Avec plaisir pour le partage des documents 🙂
Le foot, un incontournable.
Clairement ! Une action figure bien « footue » ! 😀
Je viens de faire quelques recherches sur les blisters Tortues Ninja … Les personnages qui me parlent le plus (et qui me ramènent au temps où je regardais Amuse 3 à la TV) appartiennent donc sans surprise aux deux premières vagues de figurines produites (et encore pour la seconde vague, c’est surtout l’inventeur mi homme-mi mouche Baxter Stockman, et bien sûr Krang auxquels je pense) … par contre je n’avais qu’une idée très floue sur la durée de vie de la gamme originale: celle-ci a semble avoir dépassé les MOTU vintage, remarquable! Et les conditionnements ont évolué au fil des années. Deuxième moitié 90, je n’avais même pas conscience que les premières figurines étaient toujours vendues, noyées qu’elles devaient être parmi les variantes des quatre tortues et la pléthore de nouveautés TMNT. Est-ce que la qualité des premiers personnages de la gamme a diminué au fil des vagues ou Playmates a toujours su maintenir un bon niveau de finition? Les prix sur le marché de la collection ont l’air de beaucoup varier selon l’état et surtout la série. Une gamme qui a de l’attrait, je comprends le succès.
Merci Pascal pour ton message, les anciennes productions continuent de vivre et ça me fait très plaisir 🙂
Alors plusieurs choses par rapport à tes remarques intéressantes :
– Je te rejoins sur ta sélection d’action figures Tortues Ninja favorites. A croire que l’on se concerte à chaque fois avant. Krang et Baxter Stockman m’ont été offerts quasiment à leurs sorties dans les magasins de jouets. De très beaux souvenirs d’enfance. Ma préférence concernant la toute première série de jouets va à Bebop et Rocksteady. J’avais eu les deux mutants lors d’un excursion dans une papeterie pour acheter le journal. Je revois parfaitement les deux blisters posés au sol, côte à côte. Un très beau souvenir également. Le Foot Soldier à également ma préférence mais je ne l’ai jamais eu dans ma jeunesse.
– De mémoire, les jouets Tortues Ninja vintages ont existé jusqu’en 1997. 1988 sera l’année de lancement aux Etats-Unis. Nous les aurons en France dès 1990. Même si on additionne l’horrible gamme de He-Man New Adventures à l’initiale de 81, le compte n’y est pas en terme de longévité. Donc oui, la licence Tortues Ninja est un exemple de succès et de pérennité.
– Concernant la qualité des jouets dans le temps, n’ayant eu que des action figures appartenant aux deux premières séries, je ne peux pas t’apporter d’avis catégorique. Jouck aurait été exhaustif dans sa réponse. Cependant je pense que l’aspect qualitatif à su perdurer. J’avais eu en mains des rééditions du Foot Soldier datant de 1996 et je n’avais trouvé aucune différence majeure. A préciser avec une meilleure expertise.
– Concernant les prix, c’est un peu toujours la même règle : l’état est prépondérant, surtout selon la culture de la collection relative à un pays. Je pense spontanément aux Etats-Unis ou à l’Allemagne qui ont un degrés d’exigence relativement élevé. Ensuite les éditions. On préférera souvent les premiers tirages. Dans le cas des Tortues Ninja, les éditions U.S. à petits opercules de 88 en 10 back card par exemple. Enfin les disponibilités bien entendu sont prépondérantes mais aussi le personnage en lui-même. Certaines réalisations auront toujours la côte (popularité ou design remarquable).
1990 la première distribution des jouets Tortues Ninja? L’année coïncide bien avec la diffusion du dessin-animé dans Amuse 3. J’avais 12 ans cette année-là, première année scolaire de collège (rentrée 1989-juin 1990) et je prenais davantage de recul sur les gammes d’action figures. Du dessin-animé, je n’ai pas gardé de séquences ou de scenarii en tête, mais j’ai été imprégné par le côté truculent des personnages, l’aspect mutation comme tu le soulignes notamment pour les deux intellectuels qui accompagnent Shredder, et une vraie qualité de doublage (j’apprécie beaucoup la voix de Daniel Russo pour doubler Shredder, et bien sûr celle de Philippe Ogouz pour Splinter et Krang). J’ai d’ailleurs relu hier l’article en deux parties sur le personnage de Krang publié sur le blog de Jouck. J’adore cette bestiole rose, très héritée de l’aspect horrificomique qui a fleuri dans le cinéma des années 80 (dans l’aspect, il me rappelle Belial, il me fait même penser au film suivant de Franck Henenlotter pour le côté cervelles … consommées par Elmer).
Si je dois collectionner un échantillon de cette vaste gamme, les onze premières figurines distribuées me tentent le plus.
Oui Pascal, c’est une quasi certitude. On avait bossé la question avec Jouck en se basant sur nos catalogues de jouets, sur la diffusion de la série animée en France ainsi que sur la sortie du premier film dans nos salles de cinéma.
En ce qui me concerne, j’ai un souvenir marquant et très particulier de la série animée Tortues Ninja puisque je me souviens précisément qu’elle était diffusée les mercredis matins de l’année 1991. Année durant laquelle j’étais en CM2. Avec deux autres élèves de ma classe, nous prenions des cours de soutien en mathématique à notre école primaire justement le mercredi matin durant 1h30. Lorsque je rentrais à la maison, je me précipitais pour allumer le poste de télévision afin de voir, au mieux, les 5 dernières minutes de l’épisode.
Un souvenir de frustration intense et d’injustice profonde lol Concernant la qualité de la série animée Tortues Ninja, et bien j’en garde un souvenir plutôt agréable avec une approche très enfantine, un univers coloré et effectivement des voix de doublage mythiques qui résonnent encore dans ma tête.
Je suis allé voir la forme du Belial cinématographique que tu évoques, la symétrie est très intéressante. Je ne connaissais que l’approche théologique de la créature.
Je garde par ailleurs un très bon souvenir de la production, en collaboration avec Jouck, concernant Krang. Un personnage à la fois traditionnel et atypique. A propos des jouets, tu as 10 premières action figures dans la série 1. La série 2 comporte Krang et Baxter Stockman. Ça c’est le calendrier U.S. En France, avec la distribution en décalé, il est envisageable que certaines action figures de la série 2 aient côtoyées de très près les jouets de la série 1 à leur sortie.
Merci Pascal d’avoir partagé avec nous tes souvenirs et ton ressenti 🙂
Mais de rien. Krang, je l’achèterai sûrement. Dans les duos de méchants, c’est assez souvent le plus petit qui commande comme Cortex et Minus, Vegeta et Nappa, Luna et Amok dans les Cosmocats, … Par contre, j’ai zieuté sur youtube un extrait de film récent avec Krang dans son armure … c’est certes bien fait, mais quelque part, je me dis qu’une créature comme ça, très organique, serait bien plus horrible avec des effets à l’ancienne, mélange de latex et de maquillage. Je rejoins d’ailleurs totalement cet intervenant dans ce podcast « Philosophie du gore », partie 2, à partir de 17 mn 30 https://podcloud.fr/podcast/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/episode/philosophie-du-gore-2-slash-4-le-sang-a-lecran .
Bon, d’un autre côté, je relativise, Krang est aussi une boule de guimauve toute rose, … un p’tit peu de la couleur de l’armure de ton chevalier d’Andromède dont tu as égaré la chaîne. Séquence souvenir douloureux … je sais 😛
Si tu acquiers Krang, vise un blister U.S. de 1989 avec un petit opercule. Tu auras un premier tirage avec une carte personnalisée et un cardback classique. Évite les rééditions successives avec des back remplis de personnages (jusqu’à 34 de mémoire) et les gros opercules. Oui c’est vrai, les petits sont souvent les leaders (Napoléon !) puisqu’ils auraient le « cerveau » là où les grands ont les « muscles ». Caricatural mais facilement assimilable et identifiable pour des enfants. Ça permet également de créer des séquences souvent très humoristiques (Astérix et Obélix). C’était un peu le cas quand je travaillais avec Jouck lol
J’écouterai le Podcast que tu me recommandes ce soir et je te donnerai mon avis. Merci pour la découverte. Sans l’avoir auditionné, je peux dire que je fais partie d’une génération qui souscrit aux automates et autres représentations réelles dans le cinéma. Le Maître Yoda de la première trilogie a toujours eu ma préférence par exemple. Je deviens un vieux con.
Ce qui risque d’être douloureux mon cher Pascal, c’est la double Antarès 😀