Depuis le rachat de Lucasfilm par Disney en 2012, la franchise Star Wars a profondément évolué. Les nouveaux films (et leur rythme de sortie, désormais annuel) n’y sont pas pour rien, mais les fans hard core ont d’abord été frappés par la métamorphose de ce qu’on appelle l’univers étendu.
L’univers étendu de Star Wars correspond à l’ensemble des sources non reconnues comme canon. Dans le passé, c’est-à-dire quand George Lucas était encore aux manettes, faisaient parties du canon les films et la série TV The Clone Wars. Les autres oeuvres (comics, livres, téléfilms, séries animées diverses, récentes ou non, suppléments de jeux de rôle…) étaient considérées comme apocryphes.
Vous noterez que le vocabulaire utilisé par les fans autant que par Lucasfilm (qui évoquait le canon en 1994 sous le terme d’“évangile”) est éminemment religieux. Ce n’est pas un hasard si la définition du canon Star Wars a presque autant évolué que celui de l’Eglise catholique…
Du reste, comme cette dernière, Lucasfilm n’a pas tranché tout de suite sur le statut des différents textes.
L’évolution du canon dans le temps
1977-1990 : le temps des choses simples
A l’époque, outre les trois films et leur novelization, peu d’oeuvres sont publiées : comics Marvel, des planches hebdomadaires, des romans épars (notamment Splinter of the Mind’s Eye et les trilogies des aventures respectives de Han Solo et de Lando Calrissian). Le succès des films conduit à la production de programmes télévisés : adaptations radiophoniques, jeux vidéo, séries animées (Droids et Ewoks), téléfilms live (Ewoks) et surtout le terrible Star Wars Holiday Special (Au temps de la Guerre des étoiles) qui avait quand même le mérite, outre le fait de nous présenter les brushings de la galaxie, d’introduire un personnage important comme Boba Fett et même la famille de Chewie que Disney vient juste de canoniser..
Mais la seule initiative en vue de la systématisation et de la rationalisation de l’univers créé par George Lucas vient de la société éditrice des jeux de rôles, West End Games. Dès 1987, les fans avides d’en savoir plus sur le fonctionnement de l’Empire et de la Rébellion se jettent sur les suppléments publiés à l’époque et traduits à l’époque par les Jeux Descartes.
1991-1998 : l’univers étendu prend forme
En 1991 sort le premier livre Star Wars écrit par Timothy Zahn. Plus que tout autre oeuvre publiée jusqu’alors, l’Héritier de l’Empire, relance la franchise et très vite la machine s’emballe. La trilogie de Thrawn est suivie de comics Dark Horse écrits par Tom Veitch (Les mini-séries Dark Empire puis Tales of the Jedi). Un début d’embarras apparaît quand un Kevin J. Anderson qui obtient les droits pour publier la suite de la trilogie de Zahn (qu’il baptise Jedi Academy), découvre l’existence de Dark Empire et les conséquences de cette histoire sur son propre synopsis (cf. préface par KJ Anderson à l’édition trade paperback de Dark Empire en 1993).
1999 -2012 hiérarchisation du canon
Avec l’arrivée des Prequels, Lucasfilm professionnalise son licensing et se dote de gardiens du temple. Le canon devient un enjeu primordial et se voit subdivisé en plusieurs catégories hiérarchisées : au sommet de la pyramide se trouve le G-canon regroupe les oeuvres directement créées par George Lucas, ensuite on trouve le T-canon qui concerne la série animée The Clone Wars et son film pilote sorti au cinéma. Le niveau C-Canon regroupe l’essentiel de l’univers étendu (comics, livres, jeux vidéo…). Autre niveau inférieur, le S-Canon (secondary) sert à intégrer toute oeuvre potentiellement en contradiction avec un niveau supérieur de canon. La série TV signée Tartakovski, Clone Wars (sans l’article défini The), produite entre 2003 et 2004 fait partie de cette catégorie puisque la période qu’elle présente (les deux ans qui séparent l’Episode II de l’Episode III) a été réinterprétée par Dave Filoni dans The Clone Wars à partir de 2008. Notons au passage qu’en 2003, la série de Tartakovski avait réservé le même sort à certaines séries de comics Dark Horse.
Enfin le Non-canon est appliqué aux œuvres mineures ou proposant délibérément une alternative aux histoires du canon comme les comics Star Wars Tales ou Star Wars Infinities.
Et ce tri n’est ni de la tarte ni un luxe, la succession des publications depuis la fin des années 90 rend la tâche ardue. L’indifférence de George Lucas en la matière n’aide pas trop non plus. Alors que le contrôle de Lucasfilm sur les productions passe pour être très rigoureux on apprend de la bouche de Lucas (dans une interview accordée en août 2005 au magazine Starlog) qu’il n’a lu aucun roman et qu’il en ignore tout.
Depuis 2012 : vers un nouveau canon
En 2014, Disney décide de classer tout l’univers étendu dans une nouvelle catégorie appelée Star Wars Legends. Les livres, les comics et les autres support sortis avant cette date ne lient donc plus les auteurs ni l’équipe éditoriale de Lucasfilm. Si cela a fait rager de nombreux fans, la communauté découvre assez vite l’intérêt de la manoeuvre : si Disney fait table rase des histoires précédentes, le groupe intègre au canon toute nouvelle production.
Tout ceci coïncide avec le transfert des comics de Dark Horse aux éditions Marvel (propriété de Disney depuis 2009) et contribue à faire des comics une part importante du nouveau canon. A vrai dire, le premier comics à devenir canon est la dernière mini-série publiée par Dark Horse. En effet, Darth Maul : Son of Dathomir reprenait une histoire initialement prévue pour une nouvelle saison de la série canon, The Clone Wars.
Et pour remplir rapidement ce nouvel univers, Disney met les bouchées doubles : les comics Marvel ciblent prioritairement, et avec plus ou moins de bonheur, les histoires entre les épisodes 3, 4 et 5.
Tout est à refaire
Surtout, le travail magnifique accompli par Pablo Hidalgo et l’équipe éditoriale de Lucasfilm permet, depuis l’édiction du nouveau canon, de réintégrer des éléments considérés comme appartenant à l’univers étendu et donc effacé de la continuité de Star Wars depuis 2014. On ne compte plus les mentions dans les livres officiels et la série Star Wars Rebels de personnages et de vaisseaux qu’on croyait perdus dans les limbes de l’univers étendu. Ainsi la série Rebels, en plus de s’inspirer des travaux de pré-production des films, puise énormément dans les jeux de rôle West End Games et dans l’UE : on peut citer le grand amiral Thrawn, le TIE Defender voire dans les jouets vintage Kenner avec l’Imperial Troop Transport…
Mais le gros du boulot est ailleurs, car ce qu’attendent les fans depuis l’annonce de la sortie de l’épisode VII, c’est la réécriture des aventures du clan Skywalker après le Retour du Jedi. Pourtant, Disney maintient une forme de mystère sur cette période qui couvre tout de même 35 années.
La BD Shattered Empire et les livres Aftermath permettent de faire le lien avec les événements immédiats (ou presque) entre la bataille d’Endor et celle de Jakku, mais guère plus. A l’autre bout du spectre, les comics Poe Dameron font découvrir les déboires de la Résistance quelques mois avant Le Réveil de la Force, mais sans jamais trop en dire sur les Skywalker. Autant de trous que les romans Phasma et lnferno Squad (basé sur le jeu vidéo Battlefront 2) ne comblent pas vraiment. Et puisque les films à venir pourraient rester très évasifs sur cet aspect, il faudra s’en remettre aux publications futures pour enfin relier les points entre les épisodes VI et VII.
Voilà qui promet de longues heures de lecture aux fans et de confortables bénéfices à Disney. Mais qui pouvait en douter ?
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