Guillermo del Toro : l’artiste et le blockbuster

Cinéaste culte à l’univers très marqué, Guillermo del Toro est probablement le plus célèbre des réalisateurs mexicains. Son œuvre oscille entre le blockbuster des familles et l’œuvre personnelle poétique. FulguroPop a flashé sur  un artiste comme le 7ème art en compte peu.

Inutile de revenir en détail sur la filmographie de Guillermo del Toro : elle mélange des œuvres très personnelles (le Labyrinthe de Pan) et des blockbusters très marketés (Pacific Rim). C’est sa vision, plus que son CV, qui le caractérise. Entre influences gothiques et lovecraftiennes, del Toro développe un univers horrifique, angoissant et fascinant.

Tout autant que par son œuvre cinématographique, le réalisateur se distingue par son travail incroyable d’écriture et surtout son implication dans les phases de pré-production de ses films. Même sur ses tournages les plus bankables, del Toro fait le job : études sur les personnages, univers chromatique, décors, il touche à tout.

Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil sur ses croquis préparatoires du premier film Hellboy. On en aperçoit des extraits dans le livre Hellboy : The Art of the movie. Dans ses carnets, del Toro écrit, dessine, encre et colorise. On croirait presque le journal du Graal d’Henry Jones Sr. Jugez plutôt.

 

Sa maison, que nous avait fait découvrir le New Yorker en 2011, est proprement hallucinante. Une sorte de Skywalker Ranch du fantastique !

Parfois ce qui définit un auteur, c’est aussi les projets qu’il ne parvient pas à mener à bout.

Plusieurs projets de Guillermo del Toro ont échoué à convaincre les studios. Parmi les plus notables, citons Hellboy 3. Alors que la pression montait sur les réseaux sociaux en faveur d’un retour du duo réalisateur/acteur composé par del Toro/Perlman, le réal’ mexicain a laissé tombé, admettant que les parties prenantes n’avaient pas trouvé d’accord.

Ce tweet précède de quelques mois l’annonce officielle d’un reboot par Mike Mignola, himself.

 


Autre projet avorté, l’adaptation de la nouvelle de HP Lovecraft, At the Mountain of Darkness (Les Montagnes hallucinées en VF) publiée en 1936. Del Toro a jeté l’éponge du fait de la sortie de Prometheus. Il estimait que le film de Ridley Scott présentait trop de similitudes avec l’histoire originale qui évoque ces créatures venues de l’espace (les anciens, Elder Things) pour bâtir une civilisation sur terre, et anéanties par leurs propres créatures protéiformes (les Shoggoth). Cela peut sembler un peu exagéré de la part du cinéaste tant la licence Alien (et en particulier le premier film réalisé par Ridley Scott) semble devoir beaucoup à l’imaginaire lovecraftien. En tout cas, on ne peut que regretter la décision de Guillermo del Toro qui nous prive d’une adaptation ciné de qualité d’une œuvre majeure de la littérature fantastique.

 

Parfois, Guillermo del Toro abandonne un projet qui tarde à se concrétiser malgré toute la richesse (artistique, mais pas seulement) que le film et le réalisateur auraient pu produire. Quand la MGM et Peter Jackson envisagent de surfer sur le succès de la version filmée du Seigneur des anneaux en adaptant le Hobbit, c’est à son ami Guillermo del Toro que Jackson confie en 2008 le bébé. Ce dernier travaille donc sur la pré-production, définit les grandes lignes graphiques des deux films initialement prévus, mais la vente du studio MGM entraîne la suspension du projet. Tant et si bien que GdT lâche l’affaire en 2010. Peter Jackson reprendra là où s’est arrêté del Toro. Il revisitera tout le design de fond en comble, car le travail de del Toro était décidément trop marqué, pour sortir, quelques années plus tard, les trois films que nous regrettons, euh… connaissons.

Parfois, cependant, la persévérance paie. Prenons l’exemple de The Strain, la série TV a suivi un long chemin tortueux avant d’arriver sur nos écrans.

Le synopsis rejeté par la Fox en 2006 se transforme en série de livres. Le défi pour del Toro concerne alors la narration : pour la première fois, il lui est demandé d’écrire une histoire qui se veut réaliste notamment pour ce qui relève des constatations policières et scientifique au début de l’épidémie. Mais le succès est là et del Toro peut enfin voir son projet télévisuel arriver sur les écrans. Un détour littéraire qui lui aura permis de peaufiner son art. Un mal pou un bien en quelque sorte.

Malgré quelques égarement et déconvenues, l’œuvre de Guillermo del Toro brille par cet univers fantastique mâtiné de culture pulp qui a nourri de nombreux nerds depuis les années 70. L’artiste s’impose assez logiquement comme une icône de la culture pop moderne, tant par son talent que par son côté « one of us ».

 

 

2 comments

[…] reboot de Hellboy sortira lui aussi en 2018. Comme nous l’avions indiqué dans notre dossier sur Guillermo del Toro, le nouveau film est réalisé par Neil Marshall et interprété par David Harbour (Stranger […]

[…] Ce n’est pas étonnant d’ailleurs que le réalisateur mexicain, Guillermo del Toro, qui a adapté Hellboy au cinéma, ait pensé un temps réaliser un film à partir de la nouvelle de H.P. Lovecraft, Les Montagnes hallucinées. [Lire notre article sur Guillermo del Toro] […]

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