LC Waikiki : entretien avec Bernard Werner, créateur du chimpanzé

Parmi K-Way, Flik Flak, Poivre Blanc et autres Fido Dido, il y eut une marque tout aussi emblématique de prêt-à-porter dans les années 90, nous faisons bien sûr référence à LC Waikiki (abréviation de Les Copains Waikiki), Fulguropop a eu la chance d’interviewer le créateur du célèbre chimpanzé : Bernard Werner.

Fulguropop – Bonjour Bernard, avant tout pouvez-vous nous décrire votre rôle chez LC Waikiki ?

Bernard – Hum, ça commence à dater, oui j’ai été le directeur artistique, illustrateur et créateur du chimpanzé Waikiki.

Notre site s’intéresse en particulier aux jouets et produits dérivés. Étiez-vous dans le processus créatif lié à la créations des pins, des porte-clés et accessoires ?

Oui j’étais en prise direct avec les moyens de production et la plupart des objets étaient une personnalisation de propositions des usines de production basées pour la plupart à l’étranger.

Quand nous étions petits, c’était la coolitude extrême d’arborer un porte-clés LC Waikiki sur son sac à dos. Je crois me souvenir qu’ils étaient offerts à l’achat d’un T-shirt, d’où vient cette idée ?

L’idée du cadeau d’achat m’est venu de Pif gadget et de la lessive Bonux, ça apporte un peu de rêve et la gratuité d’un objet qui était à l’époque pour un vêtement de luxe vu les prix exorbitants auxquels étaient vendus ces articles de mode. Au départ il n’y avait que des pins, on reconnait l’effigie d’un gorille plutôt que du chimpanzé.

Oui à ce propos et pour en venir au commencement, il y eu deux designs très distincts : d’abord un gorille puis un chimpanzé. D’où vient ce changement de direction ?

Quand je suis arrivé chez cette marque il y avait déjà un illustrateur. Les patrons de l’époque faisaient partie de la multitude de marques de sportswear qu’il y avait dans le quartier du Sentier à Paris. Ils utilisaient pour logo un personnage d’une autre marque. Ils étaient dans les procès et ne s’en sortaient pas avec les droits d’auteur. Car ce logo et le personnage, un gorille surfeur stylisé avec des lunettes, étaient déjà déclinés par la marque Town and Country.

Donc ce personnage de gorille surfer était disons « emprunté » à une autre marque et vous avez insuflé le changement ?

Je leur ai proposé le canon que j’ai dessiné d’un autre personnage, un chimpanzé qu’ils ont déposé et on est parti sur une autre trajectoire bien plus libre.

LC Waikiki a été un sacré succès chez les jeunes. Après avoir créé le chimpanzé de la marque, comment se sont déroulées les choses ?

J’ai commencé par dessiner des dizaines de modèles de dos de T-shirts qui étaient le nerf de la guerre, il y a eu un engouement de folie, l’illustrateur qui était déjà là à mon arrivée était un très bon illustrateur et s’est adapté au style un peu cartoon et a aussi produit des super trucs, mais bientôt on a été dépassés, surtout que les idées de produits annexes fusaient de partout. Il a fallu embaucher d’autres illustrateurs et les former aux canons du personnage, par état de fait, vu le boulot que je produisais et la responsabilité qui m’incombait je suis devenu directeur artistique du studio et là les choses ont vraiment changé. Il n’y avait plus d’ingérence dans les décisions d’ordre artistique.

Aviez-vous une sorte de charte graphique de LC Waikiki ? En quelque sorte ce que le chimpanzé avait le droit de faire ? Je pense notamment à la charte de Batman La Série Animée. Pas de scènes sexuelles, Batman n’a pas d’armes à feu etc.

Non il n’y avait pas de limites fixées dans l’imagination des situations où l’on pouvait trouver le chimpanzé. Il était convenu qu’il était d’un caractère espiègle. Mais il fallait se tenir à un canon !  C’est à dire que le personnage se reconnaisse qu’importe le dessinateur.

Donc un chimpanzé joueur, cela amène à beaucoup de situations. À la pêche ou sur un kart…

Oui il y a eu aussi plein de délires. Des conférences sur le temps, des références à des auteurs, des morceaux de musique… J’en ai fait un pour me moquer de Chevignon qui était plus ou moins une marque concurrente qui avait des oies pour image de perso.

Pour en revenir aux produits dérivés et cette inspiration Bonux des porte-clés, c’est à mon sens la vrai force de LC Waikiki, qui était en charge de la sculpture des personnages ?

En fait le délire propre à chaque illustrateur fusait dans leur réalisations, et je les enjoignais à être créatifs. Il y avait une ambiance de fou dans ce studio parfois on était en plein délire de déconnade pour évacuer la pression de la production parce que ça bossait dur quand même. J’ai dessiné sous plusieurs angles chaque porte-clés et je dessinais en gros les détails importants, l’usine m’envoyait des bons à tirer et j’envoyais les modifs. J’avais des réunions avec des directeurs de production d’usine qui arrivaient avec des mallettes de produits et je piochais dans ce qui m’intéressait et correspondait à l’esprit Waïkiki.

Donc ils venaient avec des propositions de designs et c’était à vous de choisir?

Non les fabricants venaient avec des objets qu’ils réalisaient déjà dans leur usines avec des prix déjà fixés et tout se construisait dans ces réunions. Concernant les portes-clés, j’ai donné au fabricant rencontré lors d’une de ces réunions, des dessins pour qu’il réalise nos portes-clés, après quelques échanges de bons à tirer j’arrivais au résultat souhaité.

Y avait-il des objets plus rares ? J’entends souvent parler de porte-clés tirés à des versions très limitées…

Il n’y avait pas de séries limitées, ce sont tout simplement des hasards de production et de diffusion et la spéculation sur les objets de collection.

Concernant les pins, les peluches et même le papier peint, aviez-vous une limite dans votre création?

C’était un mélange de pur business et de création, des propositions de sous traitance et d’objets dérivés sont arrivés de toutes part. Des entrepreneurs nous proposaient des produits, les patrons causaient gros sous et nous on dessinait les modèles, on les faisait à notre image.

C’est assez intéressant, je pense notamment à la licence Tortues Ninja qui n’hésite pas à aller dans toutes sortes de directions pour plaire au public : les tortues monstres, les tortues dans l’espace…

C’est inimaginable tous les produits dérivés de cette marque, la page facebook d’Alexandre en donne un bon aperçu (voir lien de la page en bas de l’article).

Pour clore cette interview, en tant que créateur de l’icône de la marque, avez-vous encore certains droits d’utilisation et d’exploitation ?

Je n’ai aucun droit sur le nom de la marque qui est déposée et existe bien encore en Turquie, mais c’est une sorte de La Redoute maintenant. Les droits d’utilisation de mes illustrations et celui du personnage que j’ai créé étaient de 15 ans et se sont arrêtées il y a quelques années, mais la propriété artistique reste inaliénable à son auteur, je pourrai donc utiliser mes oeuvres. Avant tout ce fut une aventure autant graphique qu’humaine, et je pense aux nombreux artistes de talents et tout ceux qui y ont contribué à leur façon, je ne les nommerai pas ici mais je les remercie tous de tout coeur.

Un grand merci à Bernard Werner d’avoir participé à cette interview, Alexandre J. pour cette mise en relation et Jeannine M. pour son oeil avisé lors de la rédaction de cet article.

Page Facebook d’Alexandre dédiée aux objets à l’effigie du singe Waïkiki : https://www.facebook.com/Waikikiboss

Tasmant

16 comments

Julortk says:

J’étais en plein dans la cible à l’époque. J’étais au collège et celui qui avait un t-shirt était le roi de la coolitude. Mais les porte clef était presque aussi important que les fringues elle même. Sur le sac, la trousse ou la banane ( oui la banane était très tendance ), c’était énorme. Le truc, c’est qu’ils étaient assez rares car uniquement vendus avec le t-shirt. Tu ne pouvais pas en avoir 10, 20 ou 30 comme d’autres collections. J’en ai encore un et j’avoue souvent hésite à en acquérir quand j’en vois passer sur Vinted et autres sites. Un jour, je craquerais je pense.

Tasmant says:

Hello Julortk, merci pour ton commentaire. En plus de Vinted, je t’invite à visiter la page facebook d’Alexandre. Il partage les liens Vinted et eBay concernant des produits Waikiki! Je ne l’ai pas précisé dans l’article mais il faut savoir que la marque est très bien implantée en Turquie et commercialise des T-shirts de toutes tailles et pas seulement pour les enfants (si tu as des contacts en Turquie qui peuvent te les envoyer):
https://www.lcwaikiki.com/tr-TR/TR/etiket/tum-maymun-koleksiyonu

Je te remercie TasmanT pour cette incroyable interview. Le phénomène qu’a constitué LC Waikiki à l’époque a profondément marqué une génération de collégiens et de lycéens. Les détails de la création et du développement de cette icone pop sont super intéressants.

Tasmant says:

Merci pour ton commentaire Blaster, c’est un bon encouragement pour mes prochains articles 😉 Bernard est quelqu’un de très ouvert et plaisant à interviewer donc ce fut un plaisir de rédiger cet article.

Ryuzo says:

Un super pour interviewé et un top intervieweur, ça fait une belle interview.

Tasmant says:

Merci beaucoup Ryuzo!

elcaballerodelcancer says:

Roooooooooooooooo!!! J’avais totalement zappé de ma mémoire ce phénomène de mode… Les primates avaient la cote à l’époque!! (« C’est pas moi, c’est Murphy!! » Honk honk!!). Merci TasmanT pour cette piqûre de rappel à travers cette interview aussi géniale qu’intéressante… Et merci pour toutes ces tofs!!

Tasmant says:

Merci à toi elcaballerodelcancer! Oui beaucoup ont tendance à se souvenir plus facilement des jouets que du prêt-à-porter mais ces porte-clés m’ont beaucoup marqué, c’est la raison pour laquelle j’ai consacré plus de questions dans l’interview.

ayorsaint says:

Qui n’a pas eu un t-shirt ou un sweat Waikiki à l’époque quitte à en faire un cadeau d’anniversaire ou de noël car c’était des pièces assez onéreuses si mes souvenirs sont bons. C’était vraiment un must have en tout cas, au même titre que Poivre Blanc.

Tasmant says:

Hello Ayorsaint, oui Bernard le disait dans son interview, le prix des T-shirts était assez onéreux. Je ne me souviens plus du prix de l’époque, ça serait intéressant que lui demande. J’ai pu trouver des rééditions de T-shirts Waikiki acheté par mon collègue en Turquie, ils sont visibles dans l’interview mais le prix auquel j’ai pu les avoir n’a absolument plus rien à voir avec le prix de l’époque (un vingtaine de lira turque donc…2€26!!!)

ayorsaint says:

Je dirais dans les 400 francs… de mémoire hein…

Tasmant says:

Ah oui quand même…

Cobra says:

Ah Waikiki….punaise que de souvenirs.
Déjà tu galerais à avoir un superbe t-shirt à 400 boules… mais une fois que tu l avais tu étais comme un roi.
Que de bons souvenirs ces t-shirts qui ont marqué une génération… notre génération.
C’était vraiment la grande classe ces t-shirts drôles, cools et classes.

Tasmant says:

Merci pour ton commentaire Cobra! Oui ces T-shirts et accessoires nous ont vraiment marqué. Va faire un tout sur la page d’Alexandre si tu as 2mn. J’ai découvert pleins d’objets que je ne connaissais pas!

Tyler says:

Merci pour cette superbe interview !
J’y ai appris beaucoup de choses sur cette marque qui me faisait rêver étant petit (je n’en ai malheureusement jamais eu au vu du prix).
Mais je me souviens que j’avais 3 petites figurines en plastique et que je jouais tout le temps avec !

Tasmant says:

Merci Tyler, oui ces figurines/porte-clés m’ont aussi beaucoup marqué. Je suis content que l’article t’ait plu!

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *