Cette année, je n’ai pas voulu me lancer dans une série hebdomadaire d’articles récapitulant, au fil de leur diffusion, les épisodes de la saison 2 des Anneaux de pouvoir sur Prime Video.

Je rappelle le principal grief que j’ai fait à la saison 1 de Rings of Power : la réécriture de la chronologie du Silmarillion au profit d’un remaniement total du 2ème Âge où se percutent les Istari (pourtant censés arriver sur la Terre du milieu au 3ème Âge) et la succession en mode bonneteau des rois de Numenor.

Rappel de la chronologie de la Terre du milieu

Les différents Âges dans les livres de Tolkien

Dans le monde de Tolkien se succèdent six périodes de temps à durée variable (3 âges + 3 subdivisions).

Le premier âge est subdivisé en trois époques : les années des Lampes correspondent aux 3 500 premières années de puis l’arrivée des Valar sur Endor. Ensuite vint l’âge des Arbres. A la destruction des Arbres par Ungoliant et Melkor, le dernier fruit de l’arbre d’or devient le soleil et celui de l’arbre d’argent, la lune. Cette période aura duré 1 500 ans. Le premier Âge à proprement parler dure 590 et prend fin à la chute de Morgoth/Melkor. Son point de départ est le premier lever de soleil qui coïncide avec l’apparition des Hommes.

Le deuxième Âge dure 3441 ans. C’est la période de référence pour la série. Elle va de la chute de Morgoth à celle de son serviteur, Sauron.

Le troisième Âge dure 3021 ans et se conclut par la chute ultime de Sauron et la destruction de l’Anneau.

Le quatrième Âge est l’âge des hommes, il commence à la fin du Seigneur des anneaux par le règne d’Aragorn Elessar.

Le bazar de la chronologie dans la série Rings of Power

Tout le 2ème Âge s’articule autour de l’ascension et de la dissimulation de Sauron. D’entrée la saison 1 de la série a presque mis tous ces points de repère au panier : Numenor et la création des anneaux, sans parler de l’arrivée des Istari sur Terre.

Après cette introduction un peu longue, venons-en au propos de cet article.

La saison 2 des Anneaux de pouvoir

La saison 2 a commencé par un flashback, pas inintéressant en soi, qui nous conduit dans le Forodwaith (le nord exploré par Galadriel au début de la saison 1) après la chute de Morgoth. La scène se déroule au tout début du 2ème Âge et nous donne une première représentation de la lutte (extrêmement brève) de pouvoir entre Adar et Sauron pour la succession du Seigneur noir. L’affrontement est bref et surtout décevant : les deux êtres n’ont en rien la même valeur ni la même puissance, il existe bien des créatures parmi les lieutenants de Morgoth dont on peut penser qu’ils auraient pu disputer le titre de nouveau seigneur.

L’échelle de temps qu’il couver est relativement trompeuse (la série est coutumière du fait). Il s’écoule en effet plusieurs millénaires entre la trahison d’Adar et la renaissance de Sauron. J’ai trouvé la façon dont les auteurs ont décidé de représenter cette séquence ridicule, un maïa n’aurait pas ses difficultés matérielles pour reprendre forme, il ne transformerait pas en sorte de blob à mi-chemin entre The Thing et les films Venom.

Cette version accélérée du temps qui s’écoule entre les deux états de Sauron est encore plus trompeur si on le compare à la vitesse à laquelle semble s’écouler la série.

Sauron, Seigneur du scénario

D’Halbrand à Annatar, le personnage réussit tout de même à s’immiscer dans l’esprit des personnages qu’ils soient Elfes ou Nains. De mon point de vue cela fonctionne, le prétexte de la création des anneaux pour les Elfes et les Nains est plutôt bien trouvé, cela compense un peu les défauts du scénario et les libertés prises avec l’oeuvre originale.

Un Seigneur des anneaux bis

Alors que la matière première s’annonçait prometteuse et riche, cette saison encore, les showrunners de la série se perdent dans des innombrables et incessants clins d’oeil très appuyés, mais alors là très très appuyés, la subtilité leur est visiblement inconnue – au Seigneur des anneaux. C’en est à se demander pourquoi Amazon a choisi d’adapter le Silmarillion.

La présence de Gandalf dans cette période contribue à renforcer cette impression. La Gund des Stoors se permet, dans un ricanement, de comparer l’Etranger décrit par Nori et Popy à un “Grand-Elfe”, jouant avec les auteurs des dialogues sur l’homophonie imparfaite de sa description.

Mais je crois que ce qui m’a le plus déçu, c’est l’introduction de Tom Bombadil dans la série. Le personnage, qui occupe une place centrale dans la première partie de la Communauté de l’Anneau (non; je n’utiliserai pas le titre de la nouvelle traduction) est l’un de mes préférés. Sa simplicité touchante, le mystère qui l’entoure et la façon tellement parfaite qu’il a d’incarner l’inéluctable, m’ont toujours séduit. Les show runners, décidément mal inspirés, ont entrepris de décalquer la rencontre de l’Etranger avec Bombadil avec celle des Hobbits dans le roman.

De même, l’introduction des Êtres des galgals me semble un peu inapproprié, je pensais qu’ils avaient été réveillés au 3ème Âge, mais je peux me tromper.

Enfin, non contents de nous refiler Gandalf aussi tôt dans l’histoire d’Arda, voilà que les scénaristes introduisent en magicien maléfique régnant sur Rhun. Punaise, les Istari n’arrivent en Terre du milieu qu’en l’an 1000 du 3ème Âge !

Il ressort de cette première partie de la saison, un peu la même impression que m’avait laissé la saison 1 : celle de regarder une séance diapo désincarnée tout en sachant pertinemment que plein de trucs clochent sur les diapos.