La licence SilverHawks fait partie de ces perles artistiques offertes par la décennie 80. Du background en passant par les designs jusqu’aux jouets, l’œuvre à la sauce Rankin/Bass est réellement qualitative. Pour autant, et spécifiquement concernant le marché français, on ne peut pas dire – à temporalité égale – que les SilverHawks aient pu rivaliser en termes de notoriété avec des références comme Les Chevaliers du Zodiaque ou bien G.I.Joe.
En effet, les aigles d’argent – selon une sensibilité strictement personnelle – laissent tout de même derrière eux une certaine amertume, celle d’un parcours qui méritait davantage de reconnaissance, à l’image de l’œuvre Skeleton Warriors, toutes proportions gardées.
Je garde un souvenir notable de la licence SilverHawks lorsque je la contextualise au sein de mon enfance. Effectivement, j’ai eu la chance de me faire offrir concomitamment deux jouets : Mon*Star et Buzz-Saw. Qui dit marché Hexagonal concernant les aigles d’argent dit par extension distribution européenne et donc “black cards”.
Je le répète incessamment, mais les cartes noires estampillées SilverHawks que nous avons connues en France ont un charme incroyable. Véritable modèle de simplicité – et non pas de simplisme, j’insiste – ces blisters à l’aura intergalactique évoquent avec pertinence un environnement spatial étoilé tout en sublimant les action figures contenues.
Aussi pour cette nouvelle production, je souhaite mettre à l’honneur la carte noire européenne de Steelwill, la force de frappe musclée – aux accents de footballeur américain – des SilverHawks. Pour l’occasion, j’ai ressorti un exemplaire slipfresh sous case acrylique de protection. En préambule, je présenterai quelques documents conceptuels concernant le sergent Will Hart, le tout selon un déroulement linéaire des informations. Bonne lecture à toutes et tous.
Nous le savons tous, Steelwill avait été baptisé – durant sa zone conceptuelle – Ironwill et sa sœur jumelle Ironheart. Le terme “Iron” soutenait déjà une thématique cybernétique constitutive, laquelle est davantage représentative des jumeaux puisqu’elle est à corréler – selon le background de l’œuvre SilverHawks – avec un organe vital mécaniquement modifié pour chacun des deux protagonistes, en l’occurrence le cœur.
Le développement nominatif de Will et Emily Hart inclura finalement la désignation “steel” dans leurs noms de code afin de souligner à nouveau un lien indéfectible avec le métal. Assez astucieusement, le nom civil Hart fait écho phonétiquement – selon la langue de Shakespeare – au terme “heart”, une autre évocation de la particularité cardiaque propre aux jumeaux.
La version transitionnelle ci-dessous de Steelwill – nommé “Iron Will” – propose un visage alternatif avec notamment une absence de protection métallique au niveau du menton. Je reviendrai sur ce point précis dans quelques lignes. De manière plus anecdotique, on relèvera également sur le document la structure orthographique du nom “Iron Will”, lequel a été rédigé en deux mots.
La période conceptuelle de Steelwill réserve d’autres surprises, notamment sur le plan du design. En effet, le casque de protection du sergent Will Hart présentait initialement – au-delà de variations mineures – des chromatiques différentes de la version définitive animée, précisément via une bande rouge centrale, des parties latérales blanches ainsi qu’une zone oculaire jaune.
D’autre part, il semblerait que l’aspect monochrome de Steelwill – et plus globalement des aigles d’argent – ait été acté assez tardivement au sein de la zone conceptuelle. En effet, si je me réfère au book character design N°49 des studios nippons Pacific Animation Corporation, Steelwill arborait un casque avec des parties blanches.
Pour rappel, cette société d’animation basée au pays du Soleil Levant a largement œuvré sur le DA des SilverHawks même si le studio coréen Hanho Heung-Up fût également contributeur, tout comme la firme AIC.
J’ai à disposition un autre document conceptuel assez intéressant, lequel illustre une version transitionnelle de Steelwill. On peut relever immédiatement l’absence des bandeaux au niveau du bras et de la jambe droite. L’asymétrie est un élément esthétique constitutif concernant les aigles d’argent. C’est un aspect qui apporte beaucoup de relief ainsi que d’originalité.
Toujours sur le document conceptuel ci-dessous, il faut souligner sur les épaules la présence de ce qui semble s’apparenter à des “rivets”. A cet instant je ne peux le confirmer mais ces éléments pourraient faire référence à des dispositifs ayant la possibilité de projeter des lasers, comme cela est observable au sein du support animé SilverHawks. Rien n’est moins sur.
A titre de comparaison, je joins un model sheet toujours extrait du book character design N°49 des studios nippons Pacific Animation Corporation. Steelwill apparait davantage massif et les bandeaux sur la partie droite du corps sont bien présents. En revanche, les “rivets” mentionnés il y a quelques lignes n’apparaissent pas.
De manière anecdotique, les pointes situées au niveau des talons sont orientées vers le bas par opposition à celles visibles sur le croquis conceptuel.
Il est également intéressant – d’un point de vue beaucoup plus chirurgical – de mettre en évidence une variation au niveau du menton de Steelwill. En effet, cette partie du visage recouverte d’une protection métallique présente deux petites excroissances latérales sur le model sheet ci-dessous.
La version conceptuelle du sergent Will Hart évoquée précédemment arborera quant à elle une forme triangulaire protective uniquement à l’extrémité du menton. Ces détails parmi tant d’autres, aussi infimes soient-ils, illustrent tout le cheminement esthétique qu’un personnage peut rencontrer durant sa phase de développement.
La thématique de la variation est captivante. Elle est à mes yeux bien plus qu’une somme de différences : c’est littéralement un outil, une grille de lecture permettant de redécouvrir nos jouets d’enfance tout comme leurs packagings dédiés.
En fonction des lieux de fabrication/distribution, on pourra identifier des spécificités plus ou moins significatives que je trouve fascinante à décrypter. Aussi, et selon cette idée de particularisme, j’apprécie infiniment les cartes noires européennes SilverHawks que nous avons connues en France dès l’année 1988 (d’où la datation dans le titre de cette production).
A vrai dire, beaucoup d’amateurs de jouets vintage affichent une nette préférence pour les blisters “bleus” d’outre-Atlantique, ce que je comprends aisément. D’un point de vue technique/esthétique, les cartes U.S. sont plus abouties, notamment via de larges artworks personnalisés.
Pour autant, nos black cards européennes me séduisent davantage et pas nécessairement en raison d’un affect qui serait intimement lié à l’enfance comme on pourrait spontanément le penser. Non, c’est selon deux raisons bien précises que mon cœur balance – si j’ose dire – du côté des cartes noires européennes SilverHawks.
Comme évoqué dans l’introduction de cette production, l’uniformité du fond noir étoilé met particulièrement en valeur l’action figure contenue. Le rouge sanguin de Mon*Star, le bleuté chatoyant de Steelwill ou encore l’orange éclatant de Copper Kidd ressortent particulièrement grâce à un véritable contraste chromatique, lequel met également en lumière le grand logo SilverHawks.
Ensuite si l’on met en perspective l’intégralité des packagings des aigles d’argent selon le marché européen, et bien la charte graphique de l’ensemble sera parfaitement homogénéisée là où le marché américain proposera des cartes bleues aux côtés de boites noires. Pour rappel, le design des black cards européennes a été calqué sur l’esthétique des boitages U.S.
Plusieurs informations sont à décrypter au dos des cartes noires européennes SilverHawks, lesquelles proposent des cardbacks génériques par opposition aux blisters U.S. En effet, le dos des black cards ne propose ni plus ni moins qu’un panel des jouets SilverHawks appartenant à la série 1.
Il faut cependant évoquer la double traduction textuelle suggérant une distribution en Angleterre. Le petit logo triangulaire à tête de lion indique que le jouet s’inscrit parfaitement dans le cadre des normes de sécurité britanniques. On notera le sticker blanc à la manière d’un avenant indiquant que les membres des aigles d’argent peuvent être replacés en cas de dislocation.
Le point le plus intéressant concerne la production des jouets SilverHawks. Pour rappel, j’ai référencé à ce jour trois lieux de fabrication bien distincts : Macao, la Chine et Taïwan.
— Les cartes taïwanaises ont un petit sticker doré collé (au dos) en bas à droite indiquant la provenance. Si on retire l’autocollant, rien n’est inscrit en dessous. L’impression du carton est brillante
— Les cartes chinoises voient leur provenance directement imprimée sur le cardback. L’impression est mate. L’opercule comporte des points de découpe.
— Les cartes made in Macao voient également leur provenance imprimée sur le cardback. L’impression est brillante. Le carton est par ailleurs un peu plus fin.
Reste à déterminer les lieux de fabrication pour chaque personnage. C’est ce que je me suis employé à faire il y a quelques années :
— Made in Macao : Bluegrass, Quicksilver, Mon*Star, Steelwill et Hotwing .
— Made in China : Stargazer et Mumbo-Jumbo et Mo-Lec-U-Lar.
— Made in Taïwan : Steelheart, Buzz-Saw, Copper Kidd et Flashback.
L’exemplaire de Steelwill qui illustre cette production provient de Macao selon toutes les spécificités évoquées précédemment. Par ailleurs, le sergent Will Hart en carte noire européenne a toujours été complexe à dénicher dans le marché de la collection de jouets. On pourrait trouver une explication à cette particularité via les quantités organisationnelles dans les conditionnements professionnels de distribution. C’est ce que l’on appelle plus communément le case ratio.
Selon le marché U.S, le carton référencé NO. 49200 ASST. contient les 6 aigles d’argent ainsi que Bluegrass et Stargazer appartenant à la série 1. A cet instant, je n’ai malheureusement pas à disposition la répartition quantitative de ces action figures (au nombre de 24 dans le carton) mais je gage que des modèles comme Steelwill, Flashback et Steelheart aient été largement sous-représentés. Si cette configuration est validée un jour tout en ayant été scrupuleusement reproduite pour le marché européen, alors nous avons un début d’explication concernant la rareté de certaines black cards SilverHawks.
Epilogue
Les cartes noires SilverHawks incarnent tout un pan de la culture – au sens large du terme – des années 80. La promesse d’un futur sous le signe de la technologie conjuguée à une conquête spatiale résument en partie les enjeux des eighties.
De manière critique, on pourra reprocher à nos black cards européennes SilverHawks un design suggérant certains blisters commercialisés dans les bazars d’antan. A titre personnel, je considère cette vision des choses comme une potentielle plus-value émotionnelle selon une forme de simplicité indéfectible d’une époque et finalement d’un quotidien, celui d’enfants dont les parents n’avaient pas nécessairement de gros moyens financiers.
Ceci dit, j’aurais apprécié qu’un sticker nominatif eut été appliqué sur la partie inférieure des bulles SilverHawks, à l’image de la plupart des blisters Cosmocats.
Concernant l’action figure de Steelwill, il existerait une variante concernant la couleur bleutée. Je n’ai jamais observé ce cas de figure à ce jour, que ce soit pour un exemplaire provenant d’un packaging européen comme américain/canadien. Ceci dit, il faudrait examiner méticuleusement les marchés coréen, mexicain et argentin.
En termes de tarification, une carte noire européenne SilverHawks était commercialisée dans l’Hexagone selon un prix moyen avoisinant les 70 Francs. C’était assez onéreux compte tenu du format des action figures mais aussi vis-à-vis des autres gammes de jouets “cousines” disponibles durant la même temporalité.
J’espère que cette petite capsule sous le signe du conditionnement vintage fut agréable à parcourir. Rendez-vous d’ici peu afin de (re)découvrir ensemble un autre jouet SilverHawks. Merci à toutes et tous pour vos lectures. Cette production est dédiée à David alias Davemantoys ainsi qu’à Benjamin F.
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Et bin, ce fut intéressant à lire. Je remarque en plus entre les 2 design qu’une bande de couleur sur le bras ainsi que sur la jambe est apparue et qu’une forte consommation de protéine (certainement du yaourt sans “H” car sinon ça coupe) lui a permis un gain de muscle important (20 – 30 kg).
Merci beaucoup jp pour ta lecture ! 🙂
Les éléments que tu soulignes – très justement – sont mentionnés dans ma modeste production. Le travail sur le design de Steelwill est véritablement intéressant en termes de cheminement. On retrouve en finalité un personnage selon l’aboutissement d’une volonté, celle de façonner un protagoniste athlétique. L’idée d’associer à Steelwill une dimension sportive est possiblement venue assez tardivement.
Une gamme que je ne connais que très peu.
Je sais ton amour pour ces cartes noires et on le ressent à travers ton écrit, ça pue la passion et on aime ça !
Merci pour la découverte frérot.
Merci à toi frangin !
Je suis très heureux que tu perçoives de la passion dans mes modestes papiers. Voilà plus de dix années maintenant que j’écris publiquement autour de nos jouets d’enfance. En mettant tout bout à bout, on obtiendrait plusieurs ouvrages, sans aucune prétention. Ce qui illustre peut-être le plus cette passion, c’est à la fois une volonté inextinguible de découverte comme de compréhension, mais également une posture strictement bénévole. En effet, mon amour pour les jouets de notre enfance n’est raccordé en rien à un quelconque intérêt financier. C’est possiblement un gage de sincérité absolue, d’authentique amour, sans rien attendre en retour.
Toujours été fan des dos des cartes, mi croquis conceptuels / mi photos de jouets.
Je suis tellement déçu des deux super7 que j’ai (même si je vais sûrement craquer pour un Mumbo-Jumbo comme un gros pigeon) que ça fait plaisir de te revoir nous parler de la gamme vintage !
Merci mon ExarKouilles02 🙂
Le manque de chrome sur les déclinaisons Super7 des aigles d’argent est une erreur grossière. Mais il me semble que d’autres versions modernisées seront cette fois dotées de chrome. Je ne sais pas exactement lesquelles, je suis dépassé par le rythme de sortie des révisions contemporaines de nos jouets d’enfance, pour le meilleur comme pour le pire. Concernant ta remarque vis-à-vis des cardback, ceux des cartes originelles de nos Maîtres de l’Univers font partie – à mes yeux – des plus réussis, justement selon cet aspect “handmade”.