Dans l’Hexagone nous pouvons compter des artistes passionné(e)s qui ne sont pas nécessairement très visibles. La notoriété se fabrique de nos jours mais pas le talent. Il existe des créateurs de l’ombre qui réalisent au quotidien des jouets plus fascinants les uns que les autres avec la captation de ce que j’appelle un “esprit”.
Mais quelle est véritablement la définition de ce concept ? Je dirais que saisir “l’esprit” d’une gamme de jouets – vintage ou moderne mais en l’occurrence des années 80 – c’est attraper au vol un style, des proportions, des chromatiques, des formats, des thématiques ou encore un A.D.N culturel. Ce n’est pas rien car finalement cet “esprit” représente le cœur de la gamme, ce qui la définit de manière intrinsèque.
Pour autant, les grandes firmes qui produisent des révisions de nos jouets vintage n’arrivent pas toujours à capter cet “esprit”. Lorsque j’observe les SilverHawks (voir l’excellente revue du Quicksilver par notre Patrick) de chez Ramen Toys, ou même la plupart des aigles d’argent imaginés par Super7, je me dis que l’on passe clairement à côté de quelque chose. Non pas que je sois plus savant, qualifié ou intelligent pour évaluer un travail, certainement pas, mais je pense que le mercantile – ou en tout cas la dimension financière – peut conduire à sacrifier le bon sens comme la passion.
Ceci dit, il existe en France des “amateurs”, et la formulation est loin d’être péjorative sous ma plume, dotés d’un talent et d’une sensibilité créative qui dépassent de loin les compétences des sphères professionnelles. C’est le cas d’Alice Fauveau, laquelle avait fait l’objet d’une interview dans le magazine. Nous avions eu également le plaisir de la retrouver dans un live dédié. Laissez-moi le temps de quelques lignes afin de présenter une de ces créations pour laquelle j’ai eu un immense coup de cœur. Bonne lecture/découverte à tous.
Alice est une cinéphile aiguisée, mais c’est surtout une talentueuse artiste au sens le plus noble du terme. Elle est capable de sculpter, de peindre, de conceptualiser, de modeler, avec des compétences également développées dans le domaine de l’électronique. L’animatronique n’a plus de secrets pour elle, tout comme la pop culture des années 80 et 90.
Alors pourquoi tant d’éloges ? D’abord parce que je dis ce que je pense sans rien attendre en retour et que mon appréciation me semble justifiée. Ensuite parce que j’ai pu m’offrir une création d’Alice et j’avoue être envahi par un enthousiasme débordant.
Il s’agit d’une action figure créée de toutes pièces et inspirée de la gamme Food Fighters (Combat-Bouffe au Canada). Nous nous souvenons tous de ces jouets distribués par Mattel dès 1988 selon la thématique de la nourriture. La cuisine de nos domiciles devenait un véritable champs de bataille avec des soldats de plastique aux allures de part de pizza, de hot dog ou encore d’hamburger.
L’originalité a été de rigueur avec une gamme aussi fun que colorée où une boite à œufs devenait un camion militaire surmonté d’un lance disques à l’allure d’une bouteille de ketchup. Malheureusement une seule série de jouets a vu le jour avec un regret notable : une année 1989 très prometteuse, notamment à travers le sample du playset Refrigerator Base.
Mais qu’importe, il en fallait davantage pour que les Food Fighters n’aient pas de continuité, en tout cas pour notre Alice nationale. Et en effet, un nouveau soldat réalisé par celle-ci est venu gonfler les rangs de nos guerriers gastronomiques. Il s’agit d’Ōtomo, le Food Fighter japonais.
D’emblée, Alice ne s’est pas contentée de créer une action figure, elle a aussi imaginé un nom qui soit cohérent avec l’aliment qui compose le corps de notre guerrier nippon, en l’occurrence un maki. Le dénominatif Ōtomo “sonne” japonais avec pertinence.
Le makizushi, appelé aussi au Japon makimono, est une petite bouchée de riz blanc farcie avec, entre autres, du poisson et entourée d’une feuille d’algue nori séchée. Alice a parfaitement reproduit la structure de cet aliment avec trois strates visibles via une vue de dessus : la feuille d’algue nori séchée, le riz blanc et une pièce de saumon disposée au centre.
Alice a également sculpté un visage aux traits, aux yeux et à la pilosité “japonisants” qui, une nouvelle fois, s’accordent parfaitement à la thématique générale de l’action figure. Oui, Ōtomo est une figurine articulée avec des membres mobiles par rotation et ce n’est pas rien. C’est exactement ce que proposait la gamme de jouets Food Fighters originelle.
Deux autres détails soutiennent l’aura nippone d’Ōtomo : un bandeau frontal qui rappelle farouchement ceux des kamikazes. En effet, le Hachimaki était porté par ces guerriers prêts à mourir mais de manière plus générale, au Japon, c’est un symbole de force, de détermination et de courage.
Ensuite il faut évoquer le katana habilement fourni avec Ōtomo. Un accessoire amovible aussi évident que pertinent. L’ensemble offre une action figure qui s’inscrit dans “l’esprit” évoqué précédemment, en l’occurrence celui de la gamme Food Fighters. Et notre sculptrice de choc aurait pu ajouter un petit sac à dos à l’instar des action figures officielles, lesquelles évoquaient des soldats à l’américaine. Que nenni, le guerrier japonais n’a besoin que de son Hachimaki ainsi que de son katana ! Un choix qui me semble une nouvelle fois très pertinent, juste et parfaitement mesuré.
D’autre part, Alice a supplanté avec brio la nature des aliments relatifs aux action figures produites par Mattel, à savoir de la “malbouffe” propre au pays de l’Oncle Sam. Si une seconde série de jouets Food Fighters avait été produite et distribuée, il est certain que des spécialités culinaires du monde entier auraient été utilisées afin de créer de nouveaux combattants toujours plus originaux.
Epilogue
Je suis littéralement en admiration devant la création d’Alice. Ōtomo est une réussite absolue et encore une fois c’est une action figure qui s’inscrit à merveille dans l’esprit de la gamme Food Fighters. On sent dans cette création tout l’amour porté à nos jouets des années 80.
Parallèlement et selon une culture personnelle, le dénominatif Ōtomo m’évoque le dessinateur Katsuhiro Ōtomo, l’auteur de l’œuvre Akira. Un élément qui ajoute indéniablement du charme à notre Food Fighter nippon.
Je ne regrette pas mon achat et je souhaite remercier une nouvelle fois Alice. Je vous encourage vivement à la contacter (lagmproduction@gmail.com) afin de découvrir ses créations et pourquoi pas lui proposer un projet créatif spécifique ? Je suis certain qu’elle se fera un plaisir de donner vie à vos idées les plus originales.
J’espère que cette petite parenthèse sous le signe du custom fut agréable à parcourir. Alice, avec son Ōtomo, m’a littéralement emmené au pays des merveilles. Rendez-vous d’ici peu afin de découvrir ensemble d’autres créations. Merci à tous pour vos lectures.
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Alice, qu’on a pu découvrir dans le FulguroLive. C’est marrant comme concept, et ça reprend l’aura de ces jouets qui me semblent familiers sans pour autant me remémorer des souvenirs clairs. Et bravo pour le Gremlins/Mogwai en animatronique.
Tu as tout à fait raison mon JP, “l’aura” de la gamme Food Fighters a parfaitement été captée par Alice à travers sa création.
Juste “Magnifique”. Alice a capté l’esprit du jouet et l’a rendu réel à travers cet Otomo. Du talent à revendre c’est ça qu’elle a notre chère Alice. Je kiffe !! :-X
Je plussoie avec intensité ! 😀
Merci a vous pour vos compliments.
Génial, comme toujours ces créations nous laisse sans voix .un travail d orfèvre.