Je poursuis mon épopée géologique dans FulguroPop avec aujourd’hui non pas un jouet Rock Lords mais des documents en lien avec l’animation ainsi que la promotion de la gamme. On sait plus que jamais combien les dessins animés ont encouragé durant les décennies 80 et 90 la vente de produits dérivés – spécifiquement concernant les jouets – malgré quelques échecs probants.
Pour autant, certaines gammes des eighties ont connu un traitement promotionnel particulier, et ce fût le cas des Rock Lords. Je vous propose de contextualiser cet environnement singulier puis de le corréler à des documents spécifiques. Bonne lecture à tous.
La gamme des Rock Lords n’a pas eu de dessin animé dédié. Un cas de figure qui n’est pas unique, on peut citer spontanément les Power Lords de Revell/Ceji (distribués à partir de 1983). Cette absence de support télévisé a été préjudiciable puisque depuis 1983 et les Maîtres de l’Univers, les grandes filiales du jouet ont bien compris qu’un DA éponyme pouvait potentiellement booster les ventes.
Si on se place du point de vue du marché américain, les robots de pierre avaient été introduits à travers le film d’animation Gobots : Battle of the Rock Lords dès 1986, date à laquelle les jouets ont commencé à être commercialisés. La volonté de corréler les seigneurs de la roche à la licence des Gobots a été louable mais insuffisante. Ce procédé traduit tout de même un investissement promotionnel au rabais.
Du côté de l’Hexagone – toujours en 1986 – un dessin animé était annoncé sur Antenne 2, Bleu, l’Enfant de la Terre. Cette œuvre, imaginée et conceptualisée par Philippe Druillet, ne devait initialement pas contenir des Rock Lords. Ces derniers furent tout de même imposés par la production, en l’occurrence IDDH, afin de promouvoir les robots de pierre selon des accords internes avec Bandai.
Ce fut une des conséquences du retard concernant la production du DA Bleu, l’Enfant de la Terre, sans compter l’implication de Philippe Druillet qui souhaitait avoir un regard sur tout ce qui touchait de près ou de loin à la mise en forme de son œuvre. Ce dernier était d’ailleurs farouchement opposé à l’intégration des Rock Lords dans Bleu, l’Enfant de la Terre.
En effet, Philippe Druillet conspuait littéralement les robots de pierre. Pour autant, il fut contraint d’en dessiner, notamment pour une affiche promotionnelle destinée à mettre en avant son dessin animé Bleu, l’Enfant de la Terre. Il est envisageable que ce document provienne d’un kit presse.
Au-delà des qualités graphiques de l’artwork principal – lequel est clairement exceptionnel – on retrouve plusieurs Rock Lords sur l’affiche dont Brimstone, Slimestone et Crackpot. Le design de ces trois robots de pierre est spécifiquement celui de Philippe Druillet qui a repris les esthétiques originales avec cependant sa “patte”, si j’ose dire.
Celle-ci, pour les non-initiés et de manière globale, est clairement reconnaissable avec un traitement stylistique qui met largement à l’honneur la science-fiction. Le trait fin, une couleur bleue très présente, de la cybernétique et des personnages aux morphologies particulières – dont des crânes allongés – constituent des éléments significatifs parmi tant d’autres.
Lorsqu’on examine le verso de l’affiche, on retrouve d’autres Rock Lords, toujours selon une esthétique à la Philippe Druillet. Les robots de pierre concernés sont Granite, Nuggit et Stoneheart, lesquels sont accompagnés par Narlihog, une créature aux accents préhistoriques appartenant à l’espèce des Narlies.
Toujours au verso de l’affiche, on peut retrouver quelques informations techniques concernant le dessin animé Bleu, l’Enfant de la Terre. D’abord un pitch en français – mais également traduit en anglais – permet de poser sommairement un scénario et ses enjeux. Il est important de souligner que dans celui-ci les Rock Lords ne sont absolument pas mentionnés.
Ensuite il est précisé que le DA devait être programmé sur Antenne 2 mais également sur Canal +. C’est finalement la chaine cryptée qui diffusera Bleu, l’Enfant de la Terre mais seulement à partir de 1990. Un comble car à cette période en France les Rock Lords ne se trouvent plus qu’en solderies ou bien dans des commerces comme les bazars et peut-être encore chez quelques marchands de journaux. Parallèlement, 1990 résonne dans l’Hexagone comme l’arrivée des jouets Tortues Ninja. Autant dire que les robots de pierre appartenaient désormais à un temps complètement révolu.
Autre information intéressante que nous livre le verso de l’affiche : pas moins de 52 épisodes de 26 minutes chacun étaient prévus. En finalité, seulement 13 seront diffusés avant que l’œuvre Bleu, l’Enfant de la Terre ne se clôture de manière définitive.
J’ai en ma possession d’autres documents en lien avec le DA Bleu, l’Enfant de la Terre. Ces derniers font cette fois partie du domaine de l’animation. En effet, il s’agit de celluloïds – ou celullos pour les afficionados – illustrant spécifiquement des Rock Lords. Je suis très heureux de partager ces documents qui proviennent directement des archives de production du DA Bleu, l’Enfant de la Terre.
Le premier celluloïd que je souhaite présenter met en scène le Terra-Roc, un Rockasaurs baptisé au Japon Rockgilan. Le ptérodactyle vert aux ossements de la cage thoracique apparents a clairement marqué les esprits des enfants de la décennie 80, comme des amateurs de Rock Lords. C’est véritablement un modèle iconique.
Le celluloïd s’articule en deux parties : d’abord un feuillet transparent où le Terra-Roc a été peint. Puis un fond également réalisé à base de peinture mais cette fois sur une feuille de papier assez épaisse. Le principe est de pouvoir interchanger des environnements/décors par superposition sans avoir à redessiner l’élément principal, en l’occurrence le ptérodactyle de pierre.
Le design général du Terra-Roc sur le document, tout comme sa chromatique, rappellent clairement la déclinaison plastique. Le ptérodactyle de pierre semble littéralement jaillir de la roche avec une expression faciale qui pourrait éventuellement traduire l’effort et/ou la douleur.
Le second document en lien avec l’animation du DA Bleu, l’Enfant de la Terre est un autre celluloïd illustrant cette fois Crackpot sur un fond spatial. Le robot de pierre affiche un design général quasi identique à sa déclinaison plastique, hormis sur le plan de la chromatique.
En effet, les yeux de Crackpot apparaissent jaunes sur le celluloïd mais surtout sa tête a été peinte en rose alors qu’elle aurait dû être grise, comme le corps. Sans compter la zone du “cou” qui est violette sur le jouet. La configuration du celluloïd est toujours la même : un feuillet transparent qui se superpose sur une feuille de papier. Les illustrations ont été réalisées à la peinture.
La dynamique générale de la scène – notamment à travers la traînée que génère Crackpot – suggère un déplacement linéaire à grande vitesse, telle une météorite ou bien une fusée spatiale.
Enfin voici un troisième celluloïd mettant de nouveau en scène Crackpot. Ici les couleurs du robot de pierre sont exactement celles du jouet. Le fond illustre un décor évoquant une infrastructure futuriste en acier. Celui-ci a été peint sur une feuille de papier, laquelle a été collée sur un feuillet transparent.
La dynamique de l’illustration offre un rendu où Crackpot semble se déplacer en avant et à vive allure. Les points levés vers le ciel, on imagine qu’il est prêt à prendre son envol. Cette configuration me rappelle spontanément la position spécifique des Gobots regulars dans les blisters U.S Tonka avec leur bras gauche levé.
Epilogue
Dénicher des documents concernant la licence des Rock Lords relève du challenge. Qu’ils soient conceptuels, promotionnels ou bien en lien avec l’animation, ces supports sont une occasion d’en apprendre davantage sur les seigneurs de la roche et même de redécouvrir ces derniers.
L’affiche promotionnelle du DA Bleu, l’Enfant de la Terre comme les celluloïds qui ont illustré cette production constituent de véritables sources d’émerveillement lorsqu’on est un mordu de la licence Rock Lords. D’autant plus que, comme précisé précédemment, il est extrêmement complexe de trouver ce genre de documents pour les robots de pierre.
D’où mon immense joie de les avoir déniché. Mais ce ne sont pas les seuls en ma possession et je prendrai le temps de présenter les autres dans quelques temps. En dernière instance, je souhaiterai revenir sur le fait que la licence des Rock Lords comporte une zone promotionnelle faite à l’économie. Même si le dessin animé La Revanche des Gobots (1987) met en scène des robots de pierre, ceux-ci ne sont encore une fois que des “pièces rajoutées”.
Et ce n’est pas la pauvre VHS française “Billy Clap Vidéo” estampillée Rock Lords qui nourrira suffisamment la machinerie promotionnelle des seigneurs de la roche en proposant deux épisodes de La Revanche des Gobots (Le commando meurtrier et A la recherche de la vie éternelle).
De manière plus spécifique, le DA Bleu, l’Enfant de la Terre a été accouché dans la douleur avec – je pense – un artiste/auteur bien trop singulier pour pourvoir s’intégrer dans les codes de la temporalité concernée. Philippe Druillet détestait l’animation japonaise et il voulait clairement faire “de l’ombre” à Goldorak (pas nécessairement avec Bleu, l’Enfant de la Terre).
Quand on sait que la fin des années 70 et la décennie 80 ont été le berceau de l’animation japonaise en France avec une diffusion au kilomètre, il était évident que l’A.D.N de Druillet entrerait littéralement en conflit avec un monde qui n’était pas le sien. En ce sens, l’origine nipponne des Rock Lords a fatalement contribué à cet accouchement difficile de Bleu, l’Enfant de la Terre.
J’espère que cette petite parenthèse vintage fut agréable. Rendez-vous très bientôt afin de poursuivre ce périple géologique à travers la licence Rock Lords. Merci à tous pour vos lectures. Cette production est dédiée à Spectremaffre dit “Gerboise“, Marco de Super Toys, Stef de Flashback et GusToyBox.
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Héhé j’adore le style de dessins de Bleu. Marrant que le gars à l’origine du projet n’aime pas les mangas car avant même de lire ça j’ai trouvé que le dessin faisait très manga. D’où mon attirance.
Super article Nicko 👍
Merci mon Aurel ! 🙂
Si Philippe Druillet te lisait, à coup sûr il resterait sur le carreau lol Il déteste littéralement l’animation japonaise comme mentionné dans ma petite production. Alors dire que son œuvre a une esthétique de cet acabit, c’est terrible ah ah. Mais je respecte pleinement ta vision et ton ressenti. Chacun son appréciation visuelle des esthétiques. En ce sens, je dirai que Bleu, l’Enfant de la Terre m’évoque spontanément une œuvre comme Les Mondes Engloutis. D’ailleurs, deux autres génies de l’esthétique étaient aux commandes de la partie graphique du DA : les frères Brizzi. De plus, nous sommes sur des années de production/existence quasi identiques : 1985/86 de mémoire.
Salut Nicko
J’allais évoquer le rapport entre l’esthétique de Bleu et des Mondes engloutis justement. Je comprends mieux le lien entre les deux grâce à toi.
Quels superbes documents d’archives tu nous as dégottés là !
Bravo et encore merci.
Merci à toi Ju ! 🙂
On est sur deux productions à la française, il en ressort quelque chose sur le plan esthétique et scénaristique. Il y a clairement un esprit qui relie les deux œuvres. Mais l’élément le plus probant c’est la présence d’illustrateurs made in France hyper talentueux sur les deux DA, en l’occurrence Philippe Druillet et les frères Brizzi. Il y a du level.
La découverte de ces documents en lien avec la gamme des Rock Lords était inespéré. Rien ne circule sur cette licence, et à juste titre, la partie promotionnelle a été réalisée à l’économie de manière globale. Les amateurs des robots de pierre savent quel sentiment on peut ressentir lorsqu’on met la main sur des celluloïds qui illustrent des Rock Lords. Ca m’a littéralement transporté.
J’ai regardé le premier épisode de Bleu, l’Enfant de la Terre qui est visible sur YouTube … On est clairement dans un esprit sf très français, au croisement entre les Mondes Engloutis et Gandahar par exemple. La patte de Philippe Druillet se démarque clairement des œuvres d’animation américaines et japonaises.
J’aime beaucoup ce que tu nous présentes Nicko. Les Rock Lords sont visibles dès ce premier épisode. Mais Brimstone n’y apparait pas aussi rougeoyant, ni effrayant, que sur cette magnifique affiche. Il officie certes aux côtés du malfaisant Caldéric, mais il est tout jaune… Bizarre.
Merci encore de faire vivre les Rock Lords, que ce soit ici sur FulguroPop, ou sur les forums !
Merci Pascal pour ta lecture et ta présence 🙂
Je rejoins de manière formelle et absolue les deux références que tu cites concernant l’esprit de Bleu, l’Enfant de la Terre. Et je souscris également à ta remarque qui vise à décrire la “patte” de Phillipe Druillet. On est sur quelque chose de fondamentalement SF sans tomber dans des codes esthétiques à l’américaine, tout en étant très éloigné d’un graphisme à la façon de l’animation japonaise.
Concernant Brimstone, j’avais remarqué sur cette séquence du premier épisode qu’il n’arborait pas le bon coloris. Plusieurs explications s’imposent à moi mais je retiendrai spontanément un manque de soin accordé aux seigneurs de la roche, comme le celluloïd illustrant Crackpot dans les étoiles le suggère. Soit dit en passant, je trouve le portage de Brimstone par Philippe Druillet sur le poster promotionnel absolument magnifique. Il y a quelque chose d’incisif qui me séduit beaucoup.
Ne me remercie pas Pascal, c’est moi qui doit adresser ma reconnaissance au lectorat comme à Julien pour me laisser présenter une telle production dans le magazine. Concernant la partie forum, ce n’est que du plaisir. Je suis heureux de refaire une petite tournée chez les copains. Ce ne sera que pour un temps mais j’espère que les moments partagés seront agréables.
Merci de nouveau pour ton intervention 🙂
C’est toujours aussi beau un celluloïd. Clairement comme le dit KissFan on sent la sf fr dans les dessins.
Merci pour ce partage \o/
Je t’en prie ma Furynette, merci à toi pour ta lecture <3
C’est marrant comment ils ont essayé de rentrer ça de force dans deux séries qui n’ont rien a voir (ou presque) et en dépit du bon sens. En tout cas, supers documents Nicko ! Merci pour le partage 😉
Oui ma Patounette, il y a vraiment une idée sous-jacente de promotion aux forceps, avec en filigrane une volonté de réduire les coûts. C’est en tout cas ce que je ressens lorsque je prends du recul sur l’ensemble de la gamme des Rock Lords, des périodes conceptuelles jusqu’à la dimension promotionnelle. Et effectivement, tout semble avoir été fait avec un certain manque de pertinence sur le plan publicitaire, où plutôt avec une négligence flagrante. Pourtant les jouets sont véritablement originaux. Ils méritaient un “vrai” background, beaucoup plus dense, et une mise en avant promotionnelle valorisante.
Lorsque j’examine certains catalogues de jouets illustrant des Rock Lords, je retrouve dans une certaine mesure la configuration promotionnelle des Cosmocats en France. Il en ressortait une certaine négligence, un timing mal géré avec un retard probant sur la production des packagings FR vis-à-vis du calendrier promotionnel Hexagonal.
Merci pour ta présence ma Patounette 🙂
Ah mais c’est clair que ça aurait pu faire une super série animée ! Il y avait un concept original et tout était déjà presque fait. Mais mettre ça en mode bourrin dans des trucs qui n’avaient rien à voir ça n’a pas aidé la gamme malheureusement. Même une série de comics ça aurait peut-être été mieux (un peu comme les Power Lords).
Je suis bien d’accord avec toutes tes remarques ma Patounette ! Côté commics aux U.S, il faudra se limiter aux deux mini BD promotionnelles commercialisées avec les jouets. Ceci dit et de mémoire, l’Australie a eu des BD dans un plus grand format et beaucoup plus étoffées, notamment sous la désinence Machine Men. A vérifier mais c’est une quasi certitude.
Mais c’est que tu nous a montré de belles pépites, bravo Slipman.
Merci mon Géronimo !
Sacré article et bravo, je ne me rappelais plus de ce dessin animé, je ne sais même pas si je l’ai déjà vu ou pas ?!
J’ai regardé un extrait sur YT où les Rock Lords y sont intégrés et ça me dit vaguement quelque chose. En tout cas une chose est sure, si je me mettais à collectionner du Rock Lords aujourd’hui, je partirais sur du loose, car cette gamme de jouets me donne trop envie de manipuler et j’en ai eu en main gamin.
Merci Melancovic pour ton message ! 🙂
Je te rassure, je n’ai aucun souvenir d’enfance en lien avec le DA Bleu, l’Enfant de la Terre. En revanche, les Rock Lords m’ont clairement marqué au fer rouge à travers leurs déclinaisons de plastique. Et effectivement, l’aspect jouable – c’est-à-dire transformable – fait que l’on est absolument tenté de manipuler ces seigneurs de la roche. J’ai quelques Rock Lords en loose et je suis toujours réticent à l’idée de les transformer, principalement par crainte de générer une altération. Pour autant, et avec précaution, je “joue” régulièrement avec ces robots de pierre.