Après une première partie assez globalisante, nous allons maintenant nous attarder plus précisément sur deux personnages qui nous ont particulièrement touchés, l’ami Nicko et moi-même. La galanterie m’oblige à laisser la parole à mon acolyte en premier lieu. A toi, donc, Nicko…
Thor de Phecda, ou Thol de Gamma en VF, est une représentation possible du surhomme selon le prisme du physique, avec un traitement divin qui rejoint la vision Nietzschéenne du concept. Et effectivement, lorsque les guerriers protecteurs du royaume d’Asgard sont réunis, le gigantisme de Thol ne fait qu’apparaître davantage. Cette longue silhouette, quasi infinie, sculpturale, renvoie spontanément à la figure du colosse selon son traitement Rhodien. Plusieurs éléments ont contribué à sacraliser Thol dans le cœur des téléspectateurs aficionados de l’œuvre Les Chevaliers du Zodiaque, et ce particulièrement en Europe.
La présence des haches est une évocation du marteau indissociable de Thor, Dieu du tonnerre dans la mythologie nordique. Il en faudra deux à Thol selon le format XXL du personnage. Soulignons également le design de son armure qui évoque le serpent Jörmungand. Selon la mythologie nordique, le reptile était si grand qu’il pouvait entourer la Terre et se mordre la queue. Une référence qui rappelle différents traitements culturels incluant l’ophiolâtrie avec l’Ouroboros chinois ou encore l’idée d’immortalité à travers l’Unicode ∞. Le Thulsa Doom de John Milius (1982) ou encore Mumm-Ra selon Rankin/Bass (1985) seront également des ambassadeurs d’une vision reptilienne éternellement sacrée. Le serpent de Jörmungand, toujours selon des références mythologiques nordiques, sera combattu par Thor. Voilà une autre correspondance avec le Dieu du tonnerre portée par Thol de Gamma.
Toujours sur le plan du design, je souhaiterais souligner la combinaison blanche du géant asgardien qui évoque fatalement la froideur du royaume enneigé. Lorsqu’on met en correspondance cette chromatique avec la teinte violette de l’armure, on retrouve une évocation d’un code couleur très familier, celui d’un autre antagoniste issu cette fois de l’œuvre Dragon Ball Z. Thol de Gamma est le seul guerrier divin à porter une barbe, précisément sous la forme d’un collier grossièrement taillé. Une nouvelle symétrie avec Thor est possible mais c’est également une particularité qui peut suggérer la maturité, la virilité ou encore la sagesse. Dans le cas de Thol, la pilosité du visage sied parfaitement à la vision que l’on pourrait avoir d’une force de la nature nordique, essentiellement à travers le prisme du guerrier viking.
Sur le plan scénaristique, le traitement du personnage est appréciable car il ne tombe pas dans le poncif de la brute sanguinaire et/ou intellectuellement limitée. Plusieurs séquences en lien avec Thol sont remarquables dans l’arc Asgard. Nous gardons tous en mémoire les haches qui retournent inéluctablement vers le géant lorsqu’il les projette. Les tornades générées par la force cinétique de ces dernières évoquent des forces naturelles incontrôlables.
Par ailleurs, Thol fait partie des rares guerriers divins dont l’origine est populaire, à l’image de Mime. Lors d’un flashback, nous apprendrons que le géant asgardien braconne sur les terres du royaume afin de nourrir les plus démunis et ce au péril de sa vie. Pourchassé par les gardes de la princesse Hilda de Polaris, Thol sera sauvé in extremis par cette dernière d’un châtiment certain après s’être fait repéré lors d’une énième excursion.
Soigné d’une blessure au bras infligée par une flèche, Thol sera littéralement envahi par le cosmos bienveillant, chaleureux et curatif de la princesse Hilda. Cette séquence portera en lumière à la fois la bravoure de Thol qui met sa force physique au service des plus faibles, mais ce sera également le point de départ concernant une fidélité sans faille envers la princesse Hilda.
Autre séquence marquante, celle où le géant asgardien sera le martyriseur de Hyôga. Retenu prisonnier dans une geôle du palais d’Hilda, le Chevalier du Cygne, entravé par des chaînes, subira la violence des coups assénés par Thol. Ici, le traitement du géant asgardien est davantage superficiel, avec une posture de bourreau selon une représentation traditionnelle incluant un exécutant aux gros bras.
Sur le plan des techniques de combat, Thol possède une attaque spécifique, le Titanic Hercule invoqué à travers la formule : « Que le poing du titan te terrasse ! ». C’est une nouvelle référence mythologique empruntée cette fois à la Grèce Antique. Héraclès, ou Hercule en latin, est indissociable d’une grande force physique comme de sa massue. Une arme brutale que l’on peut mettre en correspondance avec le marteau de Thor et les haches de Thol.
Vaincu par Seiyar, le géant asgardien versera des larmes quelques instants avant sa mort, à l’image d’un homme qui a compris bien trop tard que le combat mené n’était pas le bon. Cette dimension émotionnelle entre en conflit avec l’aspect physique du personnage et vient subtilement enrichir la psychologie de celui-ci.
Une autre séquence illustrera la sensibilité de Thol, notamment lorsqu’il devra emprisonner à contre cœur Flamme, la sœur de la princesse Hilda de Polaris. Voici une nouvelle posture de “henchman” pour le géant asgardien, un traitement définitivement indissociable du physique hors norme. De manière plus chirurgicale, les fines lames auront remarqué le bandeau que porte Thol autour de sa tête, lequel est masqué en grande partie par sa chevelure.
Selon une vision contemporaine, le bout de tissu peut avoir une aura martiale, notamment dans la culture japonaise. Le Hachimaki était en effet arboré comme un symbole de détermination, de force et de courage. Il était porté, entre autres, par les kamikazes durant la guerre du Pacifique. D’un point de vue historique, le bandeau faisant office de serre-tête provient de la Grèce Antique où il se présentait sous la forme de couronnes réalisées à partir de végétaux tressés.
Celles-ci étaient en partie utilisées pour sacraliser les vainqueurs durant les jeux olympiques, et particulièrement les combattants. Thol est un guerrier au sens le plus noble du terme. Loyal et valeureux, il mettra aveuglement sa vie au service de la princesse Hilda de Polaris.
En dernière instance, le traitement scénaristique de Thol entre pleinement dans la dimension tragique strictement indissociable de l’arc Asgard à travers notamment de subtiles nuances émotionnelles. Celles-ci contrastent nettement avec une posture d’exécutant aux gros bras parfois convenue et intimement liée à un physique hors du commun. Thol est finalement une vison possible du géant au grand cœur.
Contrairement à mon ami Nicko, les colosses ont rarement fait partie de mes personnages préférés, exception faite de Broly notamment. Donc, parmi les Guerriers Divins, ce n’est pas Thol qui me fascinait, bien que je lui trouve une prestance folle en figurine(s), mais Fenril. Son esthétique, pour commencer, a tout de suite retenu mon attention, pour diverses raisons. La finesse de son armure et les dégradés de bleu doivent en être une…
Mais ce qui est surtout remarquable, c’est l’aspect « transformable » de son attirail. Les griffes rétractables, on connaissait déjà avec Ichi, le Chevalier de Bronze de l’Hydre. Mais Fenril a aussi un masque qui peut lui recouvrir les yeux dans un mouvement extrêmement stylisé. Il n’est pas le seul à avoir ce genre de gimmick parmi les Guerriers Divins, mais c’est celui-ci qui a le plus de classe. Outre son armure, son apparence le démarque immédiatement de tous les nombreux autres protagonistes de l’animé.
Sa coiffure vraiment originale lui donne un aspect typiquement sauvage et qui sied à merveille à son caractère. Sa tenue « civile », si on peut employer ce terme avec lui, est tout à fait originale aussi puisqu’on le croirait tout droit sorti d’un épisode de Rahan.
Il est toujours accompagné de sa meute de loups et en particuliers de Jing, le dominant, et on retrouve encore là une particularité qui le rend quasiment unique dans cet univers. Certains chevaliers ont des armes, des instruments de musique, des accessoires, mais aucun à part lui et Jamian n’utilise d’animal. Et ces derniers ne se contentent pas d’être de simples faire valoir comme les corbeaux du chevalier d’argent.
Ils vont prendre part au combat contre Shiryu de façon spectaculaire. A signaler que ce dernier est systématiquement opposé, selon un ressenti qui m’est propre, à l’opposant le plus stylé de chaque classe de chevaliers affrontée. Le Dragon Noir (et son double dans le manga), Persus Argol et son bouclier de la Méduse, Fenril et ses loups, Kryshna et sa lance. J’ai omis les Chevaliers d’Or exprès, car eux, ils sont tous beaucoup trop classe quasiment à égalité (Dokho est quand même son maître…)
Bref, j’arrête de digresser et je reviens à mes loups. Cet animal me fascine, tout comme les félins. Cette façon de vivre en meute, avec une hiérarchie établie et des codes de valeur, renvoie intrinsèquement à la chevalerie. Quand les loups encerclent Shiryu telle une proie à abattre, mon sang se glace. Il est d’ailleurs à noter, à ce sujet, qu’une fois de plus, Shiryu se coltine le combat le plus sanglant et le plus tactique. Ce qui n’était pas pour me déplaire non plus à l’époque.
Aujourd’hui, cependant, je préfère le côté macabre et psychologique des combats d’Ikki. Bref, coups de griffes après coups de crocs, l’hémoglobine s’écoule et Shiryu part au sacrifice, comme toujours…
Mais Fenril, dont le nom japonais est bien Fenrir comme le loup géant de la mythologie, frère du non moins célèbre Jörmungand, serpent géant de son état, ne serait pas entré à mon panthéon des personnages badass juste avec un physique. Déjà enfant et de façon exponentielle en vieillissant, ce sont avant tout les histoires qui me fascinent. Et le background de Fenril fait assurément de lui l’un des Guerriers Divins les plus intéressants psychologiquement parlant.
On me rétorquera que l’histoire de Mime ou des jumeaux est plus touchante (ne vous inquiétez pas, nous y reviendrons dans une troisième partie) et je serai d’accord avec ce postulat, mais leur psyché n’a pas le même type de tourment. En effet, celui de Fenril est tout autre. Suivant le concept de “l’enfant sauvage”, moult fois utilisé au travers d’histoires et de mythes, Fenril a été élevé par des loups et a vécu seul dans la forêt avec eux jusqu’à l’âge adulte. Au cours d’une chasse à l’ours, ses parents seront mortellement blessés et leurs amis abandonneront lâchement le jeune Fenril à son sort pour sauver leur propre vie.
Recueilli par une meute, il apprendra à survivre et à se déplacer comme un loup en même temps que sa haine envers la race humaine n’aura de cesse de grandir. Jing, qui deviendra le dominant à ses côtés, sera ainsi comme un frère pour lui et restera avec lui jusqu’à sa mort. Le jour où Fenril, poussé par son destin, retournera dans la château de sa famille, lieu où se révélera à lui son armure divine d’Epsilon, ce dernier retournera à la civilisation, contraint et forcé.
Mais même ainsi, sa haine des hommes restera la plus forte. Il va alors embrasser avec joie les funestes desseins de Hilda et verra là l’occasion rêvée de se venger de l’espèce humaine dans son ensemble. Il fait preuve d’un cynisme désarmant durant tout son combat contre Shiryu. Même en voyant ses loups, ses frères d’armes, se prosterner sous le poids écrasant de bonté de la cosmo énergie d’Athéna, il ne se détournera pas de sa mission.
Malgré son erreur, c’est cette résilience qui me fascine chez lui. Ce paria de la société a été trop esquinté et rien ne pourra changer ça. A la fois dramatique, bouleversant et beau aussi car j’avoue avoir parfois ressenti, comme lui, plus de bonté chez mes congénères à poils que dans l’espèce humaine. Le monde animal porte en lui une dureté, il y règne souvent la loi du plus fort mais aussi une sincérité touchante et peu de place à l’hypocrisie. Ses compagnons lui seront d’ailleurs fidèles même après la mort, d’une part en propulsant Shiryu dans un ravin et d’autre part, en restant à ses côtés, espérant vainement une résurrection de leur leader qui ne viendra jamais…
Merci pour cet article plein de nostalgie qui évoque deux guerriers divins aux sublimes design et background (mais en fait ils le sont tous). Ça donne envie de se replonger dans cet arc, chose que je n’ose faire tant les épisodes ont techniquement mal vieilli.
Hâte de les voir ressortir au format Myth Cloth EX ces deux-là. (Ou en résine ? FOC ?)
Finalement tu sais pour Saint Seiya la technique c’est pas si rédhibitoire. En effet les combats sont pas très dynamiques d’une part et d’autre part la psychologie des combattants et leurs histoires ça à rien à voir avec de la technique…
Donc en gros fonce si tu as le temps de t’y consacrer, tu ne seras pas déçu je pense.