Les figurines sans licence RoboCop
Suite et fin de ce qui commença la semaine dernière par les limites de la licence et la séquence « Night Fighter ».
Des façons nanardes du bootleging
Garder le « robo » ou le « cop » ou aller plus loin tout en piquant son logo à Toy Island
(crédits photographiques : JP Online Trading, Bootleg Heaven, Tom Freak/Only in Argentina)
Les produits presque dérivés d’Android cop, comme il convient peut-être d’appeler les figurines les plus fidèles aux originaux, en les associant au mockbuster sorti par Asylum aux Etats-Unis juste avant le reboot de 2014, sont tous vintage ou censés l’être. Ils peuvent être triés en deux catégories distinctes, en commençant par ceux dont l’emballage reprend le graphisme choisi par le studio ou les licenciés, comme le « RoboPol » et le « RoboCop with police car playset » chinois, dont les cartes s’inspirent respectivement des affiches de RoboCop 2 et de RoboCop 3, ou les RoboCop mexicains sous sachet scellé par un carton marqué du logo « Ultra Police ». La deuxième catégorie est celle des figurines cherchant à recopier les originaux, comme les décalques chinois des premières figurines Toy Island, le « Mobil Cop » taïwanais de chez IC qui ose cependant le bassin doré, ou le « RoboCopp » argentin qui donne sans retenue dans le plastique mou.
Deux fois Nancy Miner et une fois « Lady RoboCop » mais trois fois Madame
(crédits photographiques : She’s Fantastic!, She’s Fantastic!, Model Painter)
Les produits en relation spirituelle avec la triade formée par Onna batoru koppu, The demolitionist et Tie jia wu di Ma Li Ya sont en réalité inspirés de RoboCop: Alpha commando, du moins les figurines de Nancy Miner, donc de véritables produits dérivés sans rapport avec les films. Car Toy Island a cru bon d’offrir deux « She-RoboCop » à ses clients, en pariant sur l’infantilisation de la licence via la télévision, sans laquelle il était difficile de s’adresser aux enfants et aux portefeuilles de leurs parents. L’entreprise au goût très sûr a donc produit une première « Nancy Miner » en bleu et blanc, puis une seconde en armure violette pour lancer la balle dans le camp des garage kits, et plus précisément vers la « Lady RoboCop » de chez Nosferatoys au 1/6.
Deux RoboCop à épée pour un RoboCop de plage ou pas loin
(crédits photographiques : WorthPoint Coporation, Mario Maruzzell, Crying Gull Toys)
Les emprunts les plus douteux, et les résultats les moins convaincants, sont aux gammes officielles ce qu’est la triade formée par Digital man, Robo vampire et Shoktir lorai à la trilogie originelle. Aucune méthode scientifique ne permettrait d’y voir clair, mais il peut être utile de commencer par la fin donc par les accessoires, en distinguant les RoboCop à épée comme le « Galactic Man » ou le « Master Cop » chinois, des RoboCop à parties amovibles comme le « City Fighter » ou le « Silver Cop » chinois eux aussi. Autrement, on peut distinguer les bootlegs qui piquent les yeux comme les RoboCop en plastique soufflé des années quatre-vingts, ou leur cousin mexicain moins coloré mais affublé de chaussons, et ceux qui ressortent davantage de la réverbération culturelle, des « Cosmos Police » chinois renvoyant à Uchū keiji gyaban aux « Sonic Ranger » de chez Soma ramenant aux Power rangers, et accessoirement devenus « Robot Man » en passant chez Ceppiratti.
La séquence « Robert Cop »
Le célèbre « Robert Cop » et ses deux variantes identifiées
(crédits photographiques : Carboot Collectors, Crappy Off Brands, Trader Games)
Symbole s’il en est du bootlegging et de sa reconnaissance, « Robert Cop » ne désigne pas une figurine mais une famille déviante, même abstraction faite du clin d’œil de Hiya à l’occasion de la SDCC 2021. Le jouet par lequel tout a commencé est une poupée articulée d’origine chinoise, apparue au début des années quatre-vingt-dix sous le nom « Robert Cop 2 », sans lien avec l’acteur incarnant RoboCop dans RoboCop 3 mais en relation directe avec le deuxième volet, auquel il emprunte l’affiche international one sheet pour sa boîte. Bootleg de bonne facture qui ne donne dans le cheesy qu’à travers son nom, « Robert Cop » a connu deux variantes baptisées « Robert Cop 3 » et « RoboCop Figure », avant d’inspirer de nombreux faiseurs en mal d’idées, comme un certain Brad McGinty au début des années deux-mille-dix.
Quelques faux frères de « Robert Cop » façon jumeaux dizygotes
(crédits photographiques : Jeremyriad, Muscle of the Galaxy, Robert Nyman)
Le glissement du bootlegging à ce qui apparaît au mieux comme une parodie, et au pire comme une réexploitation mercantile à bas coût, s’incarne dans une figurine de très mauvaise qualité, mais aussi celles qui reprendront le slogan ridicule de cette redite : « the furniture of law enforcement. » Tous les coups sont permis pour vendre encore ou faire sourire, du kitbashing employé par McGinty à la remballe du « Migthy Cop » chinois des années quatre-vingts, en passant par le repaint du « Space Defender » chinois qui était censé représenter Darth Vader. Ces faux bootlegs ou bootlegs voulus valent finalement les bootlegs artistiques, même si l’intention n’est pas tout à fait la même, et le dispensable « RoboPac 2 » de chez Trap Toys s’inscrit dans cette nouvelle tradition, mais en s’assurant une adoption par la famille « Robert Cop » grâce au numéro qu’il partage avec le premier de la lignée, et à la laideur qu’il partage avec les suivants.
Un RoboCop façon kimchi suivi d’un RoboCop façon Gondry
(crédits photographiques : Phelous, Phelous, EuropaCorp Distribution/Premiere Média)
Répétitif par nature, cachant ses faiblesses sous la variété des couleurs ou des matériaux, et focalisé sur le personnage vendeur dans le cas de RoboCop, l’unlicensing fait l’effet d’un phénomène kaléidoscopique ou même psychédélique, en tout cas paradoxal pour être aussi riche que pauvre. Il participe d’un autre univers étendu, où la porosité entre les licences est celle des décors de fête foraine, et l’originalité relative quand elle n’est pas contrainte, expliquant des sommets comme l’« Electric RoboCop » coréen, qui n’a rien à voir avec RoboCop sinon sur l’emballage, puisqu’il s’agit d’un Jiban repeint en jaune et noir pour être servi avec quatre tortues ninjas en garniture. On est dans le deux-en-un ou le tout pour le tout, la phase quatre du vol vers la Lune du kitsch qui n’en comptait que trois, la fausse suite à répétition ou la carte volante comme on disait de la jaquette, dans cette dimension du mauvais goût qui suppose paradoxalement d’en avoir du bon pour pouvoir se situer. Mais contrairement aux univers meublés dont la richesse vire souvent au blocage de l’imagination chez le spectateur, ces univers faussés peuvent faire l’effet de repoussoirs par la réalisation de l’irréalisable, ou au contraire d’attracteurs par le miracle de la réinvention dès qu’elle s’apparente au suédage.
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Ou comment exploiter une licence sans la payer, et avec à la clé un massacre équivalent à la scène de la scierie.
Dossier intéressant à lire Nicolas une fois n’est pas coutume, merci encore.
Robert Cop, ça ne fait pas un peu … porn. Il manquerait une trappe devant pour… ok alors la sortie c’est tout droit.
Il est vrai qu’un des “Robert Cop” récents a eu droit à son “just touch him” sur sa carte… Mais on est dans l’univers des choses qui n’ont pas toujours leur sens habituel, ou plus simplement et comme tu le relèves, d’une malhonnêteté qui n’est pas sans conséquence.
Merci infiniment Nicolas pour ce papier en deux parties aussi stimulantes l’une que l’autre. J’ai attendu de les lire précautionneusement avant de te laisser un commentaire. D’abord j’ai été subjugué par le design de la “Lady RoboCop”. Je trouve la transposition féminine de l’agent Murphy particulièrement réussie.
Ensuite lorsque tu évoques la société de jouets argentine Top Toys – et en résonnance à la thématique “bootlegging” que tes productions soulignent – je ne peux m’empêcher de songer aux Fuerza-T. Moitié Maîtres de l’Univers, moitié autre chose, ces action figures – au nombre de 8 – constituent un véritable shuffle strictement légal et réalisé à partir de moules originaux. La frontière peut être parfois très mince entre bootleg, transposition et inspiration. Merci Nicolas pour cette nouvelle lecture passionnante.
Merci à toi pour ce retour ! Il est vrai que les garage kits peuvent être bien plus réussis que les bootlegs, voire que les figurines sous licence, la “Lady RoboCop” l’emportant de loin sur la “Anne Lewis” casquée de la gamme “Ultra Police”. Et il est vrai aussi qu’aux frontières des licences, où officient Top Toys et autres Sulc, on voit apparaître des produits intermédiaires comme les “Fuerza-T”. D’ailleurs, je me demande s’il ne faudrait pas essayer de réunir tous ces phénomènes périphériques aux produits dérivés, ceux du presque licensing ou approchants, sous la forme d’un dernier article sur les jouets bancals ou charnière…
Nicolas, je suis époustouflé par la démonstration et le nombre de produits presque dérivés que la licence a pu occasionner. Plusieurs d’entre eux font certainement sourire, mais dans l’ensemble on reconnaît bien l’efficacité des contrefacteurs. Bravo et merci pour ce nouveau super dossier !
Je te remercie ! J’ai moi aussi toujours trouvé surprenante, cette profondeur de champ dans l’unlicensing appliqué à RoboCop. Je crois que le succès du personnage central au-delà de la sphère culturelle américaine, son apparence assez simple et pourtant reconnaissable, mais aussi la vivacité étonnante de la licence expliquent en partie la chose. A moins qu’il ne s’agisse de forces plus profondes, et communes à d’autres licences participant d’un patrimoine partagé…