FulguroZik : Take Five – Dave Brubeck Quartet (Time Out 1959)

 

La rubrique FulguroZik est l’occasion d’évoquer la musique de manière générale, et ce peu importe les styles ou les époques. Aujourd’hui je vous propose un véritable bon dans le passé avec un petit sujet consacré au titre Take Five extrait de l’album Time Out du Dave Brubeck Quartet.

Oui, il s’agit bien des années cinquante, en l’occurrence 1959. Cette décennie constitue une étape cruciale concernant l’évolution du jazz. Dave Brubeck et sa formation ont largement contribué à moderniser le style : ils ont clairement ouvert une brèche qui apportera richesse, sophistication et complexité à la musique.

 

 

Time Out, au cœur de la métrique

L’album Time Out a été commercialisé en 1959. On peut parler d’opus expérimental dans le sens où les signatures rythmiques (ndlr : métriques, durées des mesures) utilisées étaient non-conventionnelles pour le jazz à cette époque. N’ayons pas peur des mots, on peut clairement parler de Time Out comme d’un album fondateur, précurseur, avant-gardiste.

Cet aspect remarquable fait écho au préambule de ce papier. Si la fusion ou encore le style progressif ont vu le jour, c’est parce que Time Out a existé. Mais être en avance sur son temps n’est pas toujours une aubaine, loin de là. Lorsque l’album Time Out est sorti, ce dernier a été assez mal accueilli par la critique mondaine. Ce fut d’ailleurs compliqué de trouver une maison de disque pour Dave Brubeck et ses acolytes.

Malgré ces débuts chaotiques, Time Out est devenu une référence, un véritable symbole dans le monde du jazz. Le succès fut tel que l’opus a été classé en tant que patrimoine mondial. Les reprises et les hommages n’ont finalement jamais cessés. Encore aujourd’hui, des artistes internationaux jouent les titres de l’album en les remaniant, en les réinterprétant.

A ce propos, il faut citer la reprise en 1962 du titre Three To Get Ready par Claude Nougaro. Ainsi naîtra un de ses plus célèbres morceaux, Le Jazz et la Java.

 

Take Five, un standard intemporel

J’ai donc choisi d’extraire Take Five de l’album Time Out, même si les autres morceaux sont également remarquables. Je pense spontanément à Blue Rondo à la Turk (en 9/8) que vous avez forcement déjà entendu, tant le thème a été utilisé pour des publicités, des reportages ou encore des jingles.

Take Five fait référence, nominativement, à sa métrique. En effet, le morceau est en 5/4, c’est à dire que chaque mesure dure cinq temps là où, beaucoup plus conventionnellement, elles en compteraient 4. Le thème composé par le saxophoniste du quartet, Paul Desmond, est à la fois élégant et entêtant. On peut réellement parler de tube, même pour les années 50.

Dave Brubeck au piano et Eugene Wright à la contrebasse assurent la rythmique. Un soutien solide, avec du groove, qui sublime parfaitement les parties au saxophone. Enfin impossible de ne pas évoquer Joe Morello, le batteur. Quel swing bon sang ! Ce génie des fûts, technicien de renom,  gère parfaitement le découpage en cinq temps avec une musicalité remarquable. Son solo sur la version studio de Take Five est un classique.

Malgré une cécité partielle le contraignant à porter parfois des lunettes noires, Joe Morello jouera de la batterie jusqu’à la fin de sa vie. Un maître.

 

 

Epilogue

Take Five est un véritable standard de jazz. Il est inscrit dans le patrimoine musical pour l’éternité. Vous connaissez le thème du morceau, c’est une certitude. Même les plus jeunes d’entre nous ont eu différentes occasions de l’entendre. Je vous joins ci-dessous une version live du titre afin d’apprécier le quartet sur scène.

Je souhaiterais conclure avec deux remarques : Take Five est un titre qui a généré de nombreux soli sur scène, notamment au piano, au saxophone et à la batterie. La virtuosité sera de rigueur.

Ensuite la métrique en cinq temps passe presque inaperçue pour le commun des mortels. La musicalité est telle que nous nous laissons porter, sans prêter attention à la signature rythmique. A ce propos, amusez-vous à compter le thème de Mission Impossible, composé par Lalo Schifrin. Il est également en 5/4 mais là encore, la musicalité est portée à son paroxysme. Nous ne prêtons absolument pas cas à l’originalité de la métrique. De l’art.

J’espère que cette petite parenthèse musicale vous aura plu. Je vous donne rendez-vous très bientôt afin de partager ensemble d’autres moments musicaux. Cette production est spécialement dédiée à Jean-Philippe Soletta et son épouse ainsi qu’à Nicolas Fleurier.

 

4 comments

KissFan says:

J’aime beaucoup le morceau Take Five. Merci Nicko. Je n’ai été véritablement initié au prog que par Pink Floyd mais dans la structure d’un tel morceau , sa durée, il y a clairement quelque chose de précurseur, c’est vrai.
Et depuis quelques mois, en voiture, j’ai cessé d’écouter des radios parmi les plus connues, saturées d’interludes publicitaires, et je me suis fixé sur FIP … Les moments où cette radio diffuse des morceaux de jazz sont vraiment apaisants, particulièrement après une journée de travail.

Nicko says:

Merci Pascal pour ta lecture et ton retour 😉

J’écoute FIP très régulièrement depuis longtemps. C’est une radio faite pour les amateurs de musique, orientée jazz. Take Five est un morceau exceptionnel, tant sur le fond que sur la forme. J’entends par là que le thème est vraiment sublime, la rythmique redoutablement efficace et la métrique très atypique pour l’époque.

Il faut contextualiser les choses : les années 60 seront marquées par l’arrivée des Beatles. On parle à ce moment là d’une musique novatrice, réellement modernisée. C’est vrai, mais alors que dire de l’album Time Out qui est antérieur ? La modernité concernant cet opus c’est d’avoir utilisé des codes vieux alors de 30 ans, en l’occurrence ceux du bop, et de les avoir triturés afin d’obtenir des métriques originales. De plus, l’album Time Out était destiné au grand public. On ne parle même pas de filière underground pour audit averti. La démarche était vraiment singulière, osée. Je crois que le terme avant-gardiste est vraiment le plus approprié.

Enfin, ces particularités concernant les signatures rythmiques, comme mentionné dans l’article, sont littéralement absorbées par une musicalité sans failles. Au-delà de la prouesse technique, c’est le génie musical qui prédomine. A titre personnel, je peux écouter l’album Time Out plusieurs fois dans la même semaine. C’est un chef-d’œuvre.

Jean Philippe S says:

Quel bel article sur un morceau que nous adorons mon épouse et moi. Il demande, à la batterie, une rigueur et une endurance à toute épreuve.
J’ai une réédition de cet album et dessus il y a des morceaux comme “Unsquare Dance” qui a longtemps servi de générique pour la 2, et qui est en 7/4 …
Je suis particulièrement touché par la dédicace.
Merci Nico et a bientôt.

Nicko says:

Merci mon Jean-Phi pour ton message 😀

Oui, et nous en savons quelque chose puisque nous l’avons travaillé ensemble. Merci pour tes précisions concernant cette réédition de Time Out que je vais m’empresser de consulter. Il me semblait normal de te dédier, ainsi qu’à ton épouse, ce petit moment musical sachant vos sensibilités respectives à propos du titre Take Five.

A très vite j’espère.

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