Pour ce nouveau dossier vintage du samedi, j’ai choisi d’évoquer une gamme de jouets qui a traversé les générations en cumulant des esthétiques ainsi que des formats différents : il s’agit des Maîtres de l’Univers. Alors je ne vais pas réciter la genèse de la licence, il y a bien assez d’ouvrages disponibles sur le marché américain qui ont à peu près tout dit avec talent.

Au contraire, ma volonté est de toujours proposer un contenu analytique personnalisé avec des références mêlant histoire du jouet, étapes conceptuelles et culture générale. J’ai donc choisi d’aborder aujourd’hui Dragon Blaster Skeletor, ou Skeletor Paralyzor pour l’hexagone, en suivant ma modeste méthodologie.

Au programme : les origines de l’action figure sur le plan conceptuel, des mises en perspective avec d’autres jouets Maîtres de l’Univers, des variantes ainsi qu’un focus de la déclinaison plastique. Bonne lecture à tous.

 

 

 

La wave 4 où le point de rupture

Nous sommes en 1985 aux Etats-Unis. Mattel va produire et distribuer une quatrième mouture plutôt réussie d’action figures Maîtres de l’Univers. J’aimerai évoquer en détail cette wave dont Skeletor Paralyzor est issu. A titre strictement personnel, je trouve que cette nouvelle production va marquer une scission dans la créativité dont Mattel avait fait preuve jusque-là. En excluant les factions des Snakemen et de la Horde, les personnages qui seront produits par la suite auront un intérêt amoindri, tant sur le plan de l’esthétique que de l’originalité.

En effet, hormis Musclor Glaive Suprême, Skeletor Eclat Funeste (qui raisonnent comme un ultime effort) et Spectror, les autres action figures des Maîtres de l’Univers me paraissent moins attrayantes en comparaison des waves précédentes. On pourra invoquer le fait que les personnages principaux avec la plus grande résonance promotionnelle aient été produits en premier, et ce à juste titre. Ceci dit, il restait pourtant à produire une pléthore d’autres figures intéressantes provenant des comics et/ou de l’animé : Evil Seed, Eldor, He-Ro, Icer, Shokoti sont autant d’exemples.

Encore une fois, cette réflexion générale sur les action figures Maîtres de l’Univers postérieurs à la wave 4 est strictement subjective. Mais c’est un ressenti que je souhaitais partager en espérant rencontrer des avis convergents mais également divergents.

 

 

Smoke and Chains Skeletor

Dragon Blaster Skeletor est ce que l’on appelle une action figure deluxe. Ce format était très courant dans les années 80 avec des jouets aux proportions augmentées et/ou des accessoires plus nombreux que pour les modèles standardisés. Ce concept deluxe concernant Skeletor avait été pensé dès 1984 avec des premières ébauches qui comportaient une action feature innovante.

Les toys designers Martin Arriola et Tony Rhodes, entres autres, vont travailler sur le projet Smoke and Chains Skeletor. L’idée est la suivante : un Skeletor paré de chaînes avec un système de soufflet interne permettant de projeter du talc afin d’imiter un nuage de fumée.

Le concept est séduisant et s’inscrit parfaitement dans la dimension obscure de Skeletor. L’idée fut malheureusement abandonnée pour des raisons évidentes de sécurité mais également de contraintes sur le plan de la fabrication. Il en restera néanmoins le format deluxe, les chaînes ainsi que le concept de “projection”.

En effet, les toys designers opteront pour l’eau, avec un système de “spray” intégré dans un dragon, ce qui réglera le problème de sécurité et facilitera la mise en oeuvre. Ce mécanisme ne nous est d’ailleurs pas inconnu puisqu’il était visible sur l’action figure de Kobra Khan en 1984.

Je n’ai malheureusement pas de visuels conceptuels du Smoke and Chains Skeletor à disposition. En lieu et place j’ai sélectionné un concept art bien connu de William George (ci-dessous à droite) illustrant Dragon Blaster Skeletor. Vous remarquerez d’ailleurs sur ce sublime croquis la présence du pagne à lanières qui ne figurera pas dans la version définitive du jouet. Parlons-en.

 

 

Design et visuels promotionnels

Les premiers visuels promotionnels de Dragon Blaster Skeletor sont singuliers. Si on examine le catalogue promotionnel U.S. Mattel de 1985, le génie du mal illustré n’est pas celui que l’on retrouvera dans les rayons des magasins de jouets.

En effet, et comme mentionné précédemment, le premier point remarquable est la présence du pagne. On le retrouvera également sur les petits artworks de type cross sell arts (ci-dessous à droite) au dos des blisters. Ensuite les parties violettes du sorcier seront plus claires même si ce n’est pas probant dans le visuel ci-dessous à gauche.

Enfin, la tête de Skeletor semble être une version “tête creuse” taïwanaise. C’est difficile d’être catégorique mais j’en suis à peu près certain. Par ailleurs le plastique vert moulé de la menotte et du cadenas semble être plus terne que pour le modèle commercialisé.

On peut donc émettre l’hypothèse que l’armure et le dragon ont été initialement conceptualisés et produits sans avoir une idée définitive du Skeletor qui sera utilisé.

 

 

Illustrations de la carte

Les artworks présents sur la carte de Dragon Blaster Skeletor ne sont pas identiques. Sur le front card, la superbe illustration signée William George présente notre génie du mal dans sa version définitive sans pagne. Idem au dos du blister avec la traditionnelle scénette d’action sur la partie supérieure du cardback réalisée par Errol McCarthy.

Seul le cross sell art arborera un pagne. On le retrouvera au dos des cartes notamment pour les autres personnages Maîtres de l’Univers distribués en 1985 (datation U.S).

A partir de tous ces éléments on peut établir une chronologie assez fiable : lors de la conceptualisation de la carte, le jouet avait atteint sa forme définitive. Le cross sell art a été réalisé durant la partie conceptuelle de Dragon Blaster Skeletor. Il n’a pas été mis à jour et fut réutilisé tel quel sur les cardbacks.

 

 

Skeletor’s Dragon

Je souhaiterais, avant d’aborder l’action figure en détail, évoquer le mini-comic relatif à Dragon Blaster Skeletor. Hormis quelques nuances de couleurs, le sorcier maléfique est plutôt fidèle à sa déclinaison de plastique. Dans la petite B.D. on découvre différentes interactions entre Skeletor et son dragon. Ce dernier apparaît comme un animal de compagnie avec un comportement qui, parfois, est assimilable à celui d’un canidé plus ou moins domestiqué.

La notion de soumission est omniprésente dans la relation que Skeletor entretien avec son dragon : d’abord les chaînes pouvant emprisonner la créature (même si elle est relativement libre) qui au demeurant n’a pas de nom. Elle est appelée sommairement dragon. Les chaînes constituent par ailleurs dans le mini-comic une arme à part entière pouvant emprisonner l’adversaire. Ensuite Skeletor n’hésite pas à corriger son compagnon lorsqu’il se trouve au mauvais endroit.

Cette configuration m’évoque spontanément Mon*Star de la licence SilverHawks et son Sky-Runner enfermé dans une armure métallique. L’imposition hiérarchique par la domination est un thème inhérent aux forces maléfiques d’une manière générale.

 

 

Dragon Blaster Skeletor

Dans mon top 5 des action figures Maîtres de l’Univers se trouvent : Trap Jaw, Leech, Two Bad, Webstor et Dragon Blaster Skeletor. C’est clairement une de mes déclinaisons préférées du sorcier et ce pour de multiples raisons.

D’abord et simplement pour le code couleur que je trouve redoutablement efficace. Il y’a une réelle harmonie entre les teintes du dragon, de l’armure et celles de Skeletor. D’ailleurs le violet relatif au sorcier maléfique est très foncé. C’est typique du modèle utilisé à savoir la version “le vrai“.

Ensuite sur le plan du design : l’esthétique générale du jouet est remarquable. Le sculpt du dragon est réussi et parfaitement intégré à l’armure qui, par ailleurs, est amovible. La chaîne en métal apporte un aspect qualitatif et des détails comme le petit cadenas ou la menotte sont appréciables. La fonction de l’ensemble est d’emprisonner le dragon. A ce propos, la dimension martiale de la chaîne relative au mini-comic n’est pas retranscrite sur la déclinaison plastique.

 

 

L’action feature de Dragon Blaster Skeletor contribue largement au charme du jouet. Le concept est simple : un système de pompe manuelle générant une projection d’eau faisant office de spray paralysant. Le mécanisme interne permettant le jet n’est ni plus ni moins que celui présent dans les traditionnels flacons de parfum. A noter par ailleurs qu’un dragon qui crache de l’eau c’est plutôt inhabituel !

Le Skeletor commercialisé est un modèle hard head en opposition aux tout premiers visuels promotionnels. Il existe deux tirages différents de Dragon Blaster Skeletor : une version mexicaine ainsi qu’une seconde hongkongaise. Le made in Mexico fut le premier jouet produit. Le paintjob relatif à la tête est plutôt harmonieux, tout en courbe avec des couleurs relativement douces. C’est précisément l’exemplaire qui illustre ce dossier avec ses pieds typiquement plus clairs.

Le tirage made in Hong Kong est plus tardif. Il propose un travail de peinture très angulaire au niveau du visage de Skeletor avec des couleurs plus foncées. Je le trouve, à titre personnel, moins réussi. Par ailleurs, le tirage mexicain est moins courant en termes de disponibilité.

Je souhaiterais avant de terminer ce dossier apporter une information technique : les pieds de Dragon Blaster Skeletor ont des proportions légèrement augmentées comme nous le savons tous. Cette particularité n’est cependant pas présente sur toutes les versions mexicaines. Mattel à certainement du revoir sa copie en cours de route afin de compenser un très probable manque de stabilité (généré par le poids du dragon).

 

 

Épilogue

Dragon Blaster Skeletor est une déclinaison originale du sorcier d’Eternia. Encore aujourd’hui, je reste en admiration devant le design général de l’action figure. Pour l’anecdote, j’ai eu la chance de recevoir ce Skeletor au Noël 1986. Je me souviens l’avoir attendu avec impatience à tel point qu’il ne me quitta plus durant plusieurs semaines. Le coup de cœur a su traverser les années.

Il est temps de clôturer ce dossier du samedi. Encore une fois, j’ai essayé modestement d’apporter des analyses personnelles ainsi qu’un contenu mêlant histoire, références et conceptualisation. L’idée étant de proposer une lecture singulière sans synthétiser et répéter de manière aseptisée des informations déjà connues.

Nous vous donnons rendez-vous le weekend prochain avec un nouvelle production autour des jouets vintages. Merci à tous pour vos lectures. Cette analyse est spécialement dédiée à KissFan ainsi qu’à tous les amoureux des Maîtres de l’Univers.