Du 1er au 23 février, le Palais de Chaillot à Paris abrite le spectacle de danse intitulé Carmen(s) de José Montalvo et, le moins que l’on puisse dire, c’est que le spectacle est total et grandiose !
Oubliez la nouvelle de Prosper Mérimée qui n’était déjà qu’une base de travail pour Georges Bizet au moment de créer son opéra légendaire : avec Montalvo, l’opéra lui-même devient prétexte lointain pour réinventer Carmen, déclinée au pluriel avec une petite parenthèse, comme un clin d’œil à nos débats sur l’écriture inclusive.
La plus espagnole des héroïnes françaises (à moins que ce ne soit l’inverse) est ici démultipliée à la puissance neuf pour un spectacle flamboyant où la couleur rouge domine. Mais attention tout de même : avec Montalvo il n’est nullement question de cloner Carmen habillée (ou déshabillée) couleur carmin, comme dans un Star Wars, mais bien de montrer DES Carmen toutes différentes et sous de multiples facette : femmes venant de pays très variés et parlant ainsi toutes les langues (espagnol et français en tête mais aussi coréen, japonais…). Sur les airs les plus connus du célèbre opéra, on assiste très vite à une explosion non seulement de Flamenco (chaussures qui tapent et castagnettes) mais de multiples sons et danses qui se répondent et vont bientôt se démultiplier à leur tour via une savante utilisation d’un écran et de vidéos. Les sept hommes qui viennent répondre à, aux Carmen(s) sont en apparence plus fades avec des tenues plus neutres mais aussi paradoxalement plus identifiables. Ils tchatchent, font des battles et se lancent dans des chorégraphies de hip hop comme autant de tentatives de séduction des filles en rouge par plein de José (s).
On ne comprend pas toujours très bien où l’auteur veut en venir avec ce festival de couleurs, de mélanges… Féminisme ? Assurément quand chaque femme parle de ce que Carmen symbolise pour elle mais en même temps, cette séquence d’effeuillage en tout début de spectacle trouble un peu le message (car les hommes ne se dévêtent pas… ou moins). On comprend que la danse est LA séduction par excellence, LES danses et que elles seules importent, elles seules apportent. Les corps sautillent, virevoltent dans tous les sens et le sens vient de cet apparent « non sense » proche du slapstick, des danses urbaines de toutes les époques et de tous les continents. C’est parfois confus, brouillé mais tellement enthousiasmant qu’on se laisse porté par ces délires, savamment ponctués de doubles respirations narratives en espagnol (superbe performance de la femme qui parle) et en français (magnifiquement reprises d’un « traducteur » qui gesticule dans tous les sens : incroyable).
Demeurent aussi des prouesses absolument marquantes : ces affrontements de taureaux virtuels sur scène et sur écran, ce double tambour coréen qui envoute littéralement la salle Jean Vilar (et qui rappellera fugacement aux geeks l’Edition Spéciale du Retour du Jedi), cette cornemuse africaine qui vient clore un festival fusionnant avec la salle…
La triste fin de Carmen (celle d’origine) est vite éclipsée par ces démultiplications qu’on voudrait presque plus longues : la prestation est déjà fini qu’on fredonne les airs de Bizet en quittant l’immense palais de Chaillot, des danses infinies plein la tête…
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